Hockey Canada s’est adressé aux tribunaux pour empêcher le gouvernement fédéral de divulguer des informations financières sensibles pour l’organisme. La publication de ces données « causerait de graves difficultés », a soutenu Hockey Canada, dans des documents déposés à la Cour fédérale que La Presse a consultés.

Ce litige a commencé avec une demande d’accès à l’information, au printemps 2021. Un citoyen a écrit au ministère du Patrimoine pour obtenir « toutes les demandes de subventions de Hockey Canada », puis pour savoir comment l’argent a été dépensé. Le requérant désirait aussi consulter toute la correspondance entre Hockey Canada et Patrimoine Canada, entre 2004 et 2019.

Selon les documents de cour, le ministère du Patrimoine semblait disposé à remettre des documents « financiers, commerciaux, scientifiques et techniques », que Hockey Canada dit lui avoir remis de « façon confidentielle ». Avant de procéder, le gouvernement en a avisé Hockey Canada, le 29 avril 2021. C’est la loi, lorsqu’une tierce partie est concernée. Quelques jours plus tard, le 17 mai, Hockey Canada s’est opposé avec vigueur à la publication des documents.

Pourquoi ?

Dans sa requête initiale, la fédération fait valoir que la divulgation d’informations financières et commerciales, comme le montant des indemnités journalières versées à ses représentants, « nuirait à la position concurrentielle de [Hockey Canada] et lui causerait de graves difficultés ».

Elle ajoute : « La divulgation de renseignements pourrait raisonnablement entraîner une perte financière importante pour Hockey Canada, ou un gain financier important pour les concurrents de Hockey Canada. »

Les avocats de Hockey Canada estiment que Patrimoine Canada a commis « une erreur de fait et de droit en décidant de divulguer des dossiers confidentiels » d’une tierce partie. Selon les notes au greffe, les parties ont déposé des documents en cour aussi récemment qu’à la mi-août. Aucune décision n’a encore été publiée. Vendredi soir, le secrétaire parlementaire au ministère du Patrimoine, Chris Bittle, a indiqué sur Twitter que Hockey Canada « semble n’avoir aucune intention d’être transparent ou de vouloir une réforme ».

Ma première réaction ?

Vivement la publication de ces documents. Surtout après tout ce que nous avons appris depuis quatre mois.

Lorsque le citoyen a déposé sa requête d’accès à l’information, au printemps 2021, Hockey Canada n’avait pas encore réglé à l’amiable une poursuite de 3,55 millions, déposée par une femme qui alléguait avoir été agressée sexuellement par huit membres de l’équipe nationale junior, en 2018. On ignorait que Hockey Canada avait créé un fonds de défense pour couvrir les frais des poursuites de crimes sexuels.

On ne savait pas que Hockey Canada avait offert des bagues d’une valeur de 3000 $ aux membres de son conseil d’administration, après au moins une conquête du Championnat du monde par une des équipes nationales. Cette information a été confirmée, cette semaine, par l’ancien président du conseil, Michael Brind’Amour. Dans son témoignage devant des députés fédéraux, M. Brind’Amour a aussi reconnu qu’il a pu y avoir des soupers de 5000 $ ou plus pour le conseil d’administration, lors d’activités spéciales.

Pourquoi vouloir taire ces informations ? Pourquoi vouloir cacher le montant de l’indemnité quotidienne ? Parce que ce serait gênant ? Existe-t-il d’autres cadeaux, avantages et privilèges qui restent inconnus du public ? Quelles informations peuvent vraiment nuire à l’avantage concurrentiel de Hockey Canada, sachant qu’il n’existe qu’une seule fédération nationale de hockey au pays ?

Tout nous ramène à la question initiale, fort simple, posée par le requérant.

Comment Hockey Canada a-t-il dépensé l’argent des contribuables, avant que la ministre responsable des Sports, Pascale St-Onge, ne cesse le versement des subventions, à l’été ?

C’est une question pertinente. D’un très grand intérêt public, après les révélations des derniers mois.

Tout le monde en est convaincu.

Sauf les dirigeants de Hockey Canada.

Avec la collaboration de William Leclerc, La Presse