L’été, c’est fait pour oublier, du moins en politique.

La tendance a de quoi rendre les politiciens humbles : c’est quand ils disparaissent que leur popularité s’améliore. Le taux de satisfaction des gouvernements augmente habituellement un petit peu durant l’été.

Cela déculpabilise les premiers ministres lorsqu’ils partent en vacances. Et cette année, c’est encore plus vrai. Après deux ans de pandémie et de restrictions sanitaires désagréables, la population n’a pas trop envie de voir ses dirigeants.

Durant la plus récente vague — doit-on encore les compter ? —, François Legault et son ministre de la Santé, Christian Dubé, ont été d’une rare discrétion. Pas de conférence de presse. Pas de nouvelles mesures ou d’annonces politiques officielles pour affronter la hausse des cas.

Ils ont laissé la Santé publique faire le boulot. Le DBoileau présentait le port du masque comme un choix individuel, alors que celui-ci réduit le risque de contaminer les autres. Même sans l’imposer, il aurait été souhaitable de le recommander plus clairement durant la montée des cas en juillet. Mais MM. Legault et Dubé ne sont pas intervenus. Ils voulaient mettre la pandémie derrière eux.

Sur le plan stratégique, toutefois, l’approche caquiste se comprend. Le gouvernement craignait de ne pas être écouté, dans tous les sens du terme. Ceux qui ont décroché des nouvelles n’auraient pas entendu le message, et l’adhésion des autres aurait été difficile.

Le yo-yo des mesures a souvent été dénoncé, mais il ne vient pas de nulle part. Il s’explique aussi par la difficulté de rallier la population.

Le problème n’était pas tant la fluctuation des mesures que leur retard par rapport aux vagues qui s’observaient en Europe, et qui étaient donc prévisibles.

À Ottawa, la stratégie a été différente. Justin Trudeau a été plus actif. En juillet, il a parcouru plus de distance en avion que durant tout l’été précédent. D’un pub de Charlottetown au Stampede de Calgary, M. Trudeau a participé à plusieurs évènements. Il y martelait le message habituel : le gouvernement est « là pour vous », « là pour vous aider » et « travaille fort pour vous protéger ».

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Justin Trudeau, premier ministre du Canada

La formule n’a pas bien passé… Car en même temps, des vidéos circulaient de l’attente pénible dans les aéroports ou aux bureaux de passeport.

Ottawa a beaucoup attendu avant de relâcher certaines mesures sanitaires, comme le port du masque et le passeport vaccinal dans les trains interprovinciaux. Cela créait une discordance avec les mesures québécoises. Et surtout, cela nuisait à leur crédibilité et à leur acceptabilité future. Laisser respirer un peu la population aurait aidé à justifier le possible retour de restrictions à l’automne, lors de la prochaine remontée des cas.

Le virus n’est pas disparu, et la vigilance doit demeurer constante. Mais l’été sert aussi à respirer un peu. Si on en profite, les consignes futures seront plus faciles à respecter.

M. Trudeau souffre de cette usure du pouvoir et du décalage croissant entre ses messages rassurants et la réalité du terrain. Tandis qu’il répète sa foi en des valeurs et des principes moraux, des gens souffrent de l’inflation, du prix du logement et des ratés de l’administration publique.

Ils voient leur premier ministre parler d’entraide, main sur le cœur, pendant que l’État est incapable d’assurer les services de base comme la délivrance des passeports. Difficile de croire à la solidarité libérale après avoir poireauté deux heures en attendant de parler à un agent de l’Agence du revenu…

Au printemps, le taux d’insatisfaction de M. Trudeau se situait entre 43 % et 45 %. Cet été, il fait mentir la tendance habituelle. Durant les vacances, ce taux a grimpé à 51 %. Son pire résultat depuis qu’il a accédé au pouvoir en 2015. La tendance est lourde et cela n’augure rien de bon pour lui.

À Québec, le contraire s’observe. Selon un nouveau sondage Léger, M. Legault a gagné trois points de pourcentage. Le seul chef à avoir baissé en popularité cet été est Éric Duhaime. Ce n’est pas une surprise — il mise sur la colère, un feu qui perd de son combustible en été.

François Legault est revenu de ses vacances vendredi pour se faire photographier recevant sa deuxième dose de rappel.

On pourrait espérer que si le gouvernement s’est montré discret cet été, il a été actif à l’abri des caméras pour agir en prévention, par exemple en ventilant les classes. Je répète le verbe : « espérer ». Comme dans l’expression : espérer le meilleur, mais se préparer au pire.

Reste à voir s’il saura écouter ses experts dans l’hypothèse d’une remontée des cas au début de l’automne. Car il sera en fin de campagne électorale. L’adhésion de la population ne sera pas le seul problème. Il y aura aussi la crédibilité des décideurs. M. Legault instrumentalisera-t-il la pandémie, comme l’avait fait Justin Trudeau l’année dernière ? Ou essaiera-t-il de faire comme si elle n’existait plus, afin de ronronner vers la victoire ?

Il sera à la fois premier ministre et chef de parti. Deux casquettes qui ne vont pas toujours bien ensemble.