Printemps 1975, je suis dans ma chambre. J’ai mes journaux, mes ciseaux, ma colle, mes feuilles à trois trous et mon gros cartable vert. Et surtout, j’ai un sentiment si fort, en moi, qu’il faut que je le voie, qu’il faut que je l’écrive. Je découpe la silhouette d’un joueur du CH. Une belle photo couleur qui le représente bien ; le regard intense, un patin dans les airs, prêt à provoquer l’occasion de marquer. Je la colle sur ma feuille. Puis j’écris, en grosses lettres carrées : LAFLEUR, LE MEILLEUR COMPTEUR EN UNE SAISON DE TOUTE L’HISTOIRE DU CANADIEN !


C’est l’exploit qu’il vient d’accomplir. Après trois premières saisons respectables dans la Ligue nationale, le numéro 10 vient d’exploser. Sur la glace et dans mon cœur. Il vient de devenir le meilleur joueur de hockey au monde. Et mon idole pour la vie.


J’ai envie, du fond de ma piaule, à NDG, de résumer la sienne. Déjà. Il n’a que 23 ans ! Voici donc ce que j’intitule la petite histoire d’un grand joueur : « Le jeune Guy Lafleur est né le 20 septembre 1951, à Thurso. Il sera le seul garçon de la famille des Lafleur, les autres membres étant 4 jeunes filles. » On a le style qu’on peut. Puis, je raconte ses exploits dans sa ville natale, avec une photo de lui, gamin, aux côtés des sept rondelles de ses sept buts dans le même match. S’enchaîne la gloire à Québec, le repêchage et ses premières années à Montréal. J’y vais d’un éditorial : il y avait beaucoup d’attentes envers Lafleur parce qu’on le voyait comme le successeur de Béliveau, c’était injuste, les Perreault et Martin, eux, n’avaient pas cette pression, parce qu’il n’y avait pas eu personne, avant eux, à Buffalo. Bien vu. Ensuite, je résume ce que j’appelle les années du casque, avant d’arriver à l’étape crinière au vent. J’ajoute une galerie de photos des grands moments de sa carrière et je conclus, en lettres carrées, bien sûr : IL Y A EU MORENZ, RICHARD, BÉLIVEAU, AUJOURD’HUI UNE NOUVELLE ÉTOILE EST NÉE : GUY LAFLEUR.

  • Aperçu de l’une des pages du cartable de Stéphane Laporte, portant sur la grande histoire de Guy Lafleur

    PHOTO FOURNIE PAR STÉPHANE LAPORTE

    Aperçu de l’une des pages du cartable de Stéphane Laporte, portant sur la grande histoire de Guy Lafleur

  • Aperçu de l’une des pages du cartable de Stéphane Laporte, portant sur la grande histoire de Guy Lafleur

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  • Aperçu de l’une des pages du cartable de Stéphane Laporte, portant sur la grande histoire de Guy Lafleur

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Mon cahier spécial est terminé. Personne ne le lira. Je ne l’ai pas écrit pour ça. Je l’ai écrit pour moi. Comme on écrit son journal personnel. Pour se libérer le cœur. Pour confier l’amour qu’on ressent envers quelqu’un.

J’aime Guy Lafleur. Profondément. Parce que chaque fois qu’il saute sur la glace, rien ni personne d’autre n’existe. J’aime Guy Lafleur parce que chaque fois qu’il compte un but, il me fait crier de joie. Fort. Plus fort encore que n’importe quel autre joueur.


Mon cartable n’a jamais cessé de grossir. 1975, ce n’était que le début. Il y a eu la Coupe Stanley, en 1976, 1977, 1978 et 1979, tous les trophées individuels, les matchs des Étoiles, la Coupe Canada. J’en ai collé, des photos. J’en ai usé, des stylos Bic. J’en ai noirci, des feuilles à trois trous. Pour raconter la légende au moment même où elle se rédigeait. Pour le simple plaisir de la relire. Dans mes mots. Saison après saison, je ne cessais de rendre hommage au Démon blond. Saison après saison, ma passion pour l’écriture ne cessait d’augmenter. Peut-être bien qu’un jour, on lira même ce que j’écris. Mon rêve, ce serait d’avoir une chronique dans La Presse. Je sais, c’est fou, mais comment ne pas croire en ses rêves, quand son idole, c’est Guy Lafleur ?

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Vendredi matin, quand j’ai appris la triste nouvelle, j’ai tout de suite voulu retrouver mon vieux cartable, j’ai tout de suite voulu retrouver le jeune que j’étais, le jeune d’une dizaine d’années, qui était tombé en admiration devant Guy Lafleur.

Une admiration qui ne s’est jamais démentie. J’ai eu la grande chance de le rencontrer quelques fois, d’avoir même de longues conversations avec lui. Ses propos étaient toujours aussi précis que son lancer frappé. Aucune ambiguïté. Direct au but. Et quelle simplicité ! Quelle proximité ! Il ne s’est jamais pris pour sa statue. Il a toujours été un joueur d’équipe, dont nous faisions tous partie.

Lafleur rime avec cœur. C’est ce qu’on retient de lui. Plus que le recordman, plus que le membre du Temple de la renommée, c’est l’homme de cœur qui nous fait pleurer aujourd’hui.

Il y a 47 printemps, je terminais ainsi mon premier hommage à sa grandeur : « AUJOURD’HUI, UNE NOUVELLE ÉTOILE EST NÉE… »

Et 47 printemps plus tard, je ne terminerai pas cet ultime hommage par : « Aujourd’hui, une étoile est décédée. » Non.

Aujourd’hui, une étoile est montée au ciel où elle ne cessera de briller.