Des enfants jouent au hockey. Le match terminé, Michael Bossy les rejoint : « Vous avez joué comme des pros, j’suis bien content de vous, les gars. » Un joueur enlève son masque… C’est une joueuse ! Bossy se reprend, en souriant à pleines dents : « Et les filles ! » La mère de la fille propose qu’on aille chercher du Poulet frit Kentucky pour les petits affamés. Bossy s’en régalant, confie à la jeune joueuse : « Moi, je donne les trois étoiles à ta mère ! » La mère ajoute : « Et moi à la recette secrète du Colonel ! » Bossy conclut : « Ça, c’est du bon poulet ! »

L’imitateur André-Philippe Gagnon vient de se trouver un nouveau personnage ! Inspiré par cette campagne publicitaire, il crée son Michael Bossy. Un être sympathique, naïf, enthousiaste, sans malice, au sourire ravageur. Pour son propos, le scripteur que je suis, mise sur les coulisses de la vie glorieuse d’un hockeyeur et sur la rivalité avec Wayne Gretzky. En 1982, Bossy compte 64 buts ! 64 buts ! Wow ! Quelle domination ! Sauf que Gretzky, lui, en compte 92 : « Gretzky ! Gretzky ! Y sait jamais quand s’arrêter, Gretzky ! »

PHOTO FOURNIE PAR HERBY MOREAU

André-Philippe Gagnon, au début des années 1980

Le numéro 22 des Islanders de New York a une place de choix dans le premier one-man-show d’André-Philippe. Il arrive, en patinant, sur la scène du Théâtre St-Denis, le casque sur la tête, la bonbonne d’eau à la main, au grand plaisir des spectateurs qui l’ovationnent à tout rompre.

Un soir d’automne de 1987, le vrai est dans la salle et assiste au triomphe de son double. On est un peu inquiets. Comme va-t-il le prendre ? Après tout, la caricature ne s’attarde qu’au côté poulet frit de sa personnalité. En réalité, Bossy est un être brillant, profondément réfléchi. Sera-t-il froissé de ressembler au cousin du boxeur de Paul et Paul ?

Pas du tout ! Le show terminé, il s’empresse de venir féliciter André-Philippe et lui confie : « Ma blonde trouve qu’on se ressemble ! » En riant comme son imitation. Il s’est bien amusé des comparaisons avec le 99 et ajoute de l’eau à notre moulin : « Lors du match des Étoiles, à Washington, les joueurs ont été reçus à la Maison-Blanche. J’étais assis à la table du vice-président Bush, et Gretzky, lui, était assis à la table du président Reagan ! » Il roule les yeux au ciel, et branle la tête. On jurerait APG ! Bien sûr, il n’est pas jaloux de La Merveille. Au contraire. Mais il joue le jeu, car il aime autant faire rire que son clone.

Un gars simple. Un vrai.

Pourtant, Michael Bossy aurait pu facilement avoir la grosse tête. Ignoré par le CH, lors du repêchage de 1977, c’est à New York qu’il est devenu une légende. Oui, une légende, le mot n’est pas exagéré, pour une fois. Neuf saisons de 50 buts et plus, 4 Coupes Stanley consécutives, 573 buts en carrière en seulement 752 matchs ! Une moyenne de 0,76 but par match. En comparaison, Gretzky a marqué 0,60 but par match. Oui, il bat Gretzky, dans cette colonne. C’est ben pour dire.

Parce que ses exploits ont été réalisés loin de nous, pour une équipe ennemie, Bossy n’a jamais joui de l’adulation que l’on voue à Lafleur ou à Roy. C’est dommage, mais ça se comprend. Les buts de Lafleur, il les a comptés avec nous. Les arrêts de Roy, il les a exécutés avec nous. Tandis que Bossy a marqué ses buts sans nous. Mais il les a marqués quand même. Avec tout le nous qu’il avait en lui, en p’tit gars de Montréal.

Heureusement, son après-carrière, il l’a vécue ici. Avec nous. De CKOI à TVA Sports, il a été de toutes les tribunes. Il a sûrement été le joueur de hockey à n’avoir jamais porté le chandail du Canadien le plus présent dans nos vies.

Bossy n’a jamais cessé d’être un gars de chez nous.

Quand je le croisais, parfois, au détour d’un plateau de télé, il me saluait toujours avec gentillesse. Ajoutant : « Tu diras bonjour à André-Philippe. » Avant de me faire un beau grand sourire. Son fameux sourire, comptant plus de dents que celui de tous les autres joueurs de hockey ensemble.

Un sourire beau comme celui d’un ami.

Le Québec vient de perdre un ami.

Avec qui on aimait parler de hockey.

Parce qu’on sait bien que parler de hockey, c’est simplement une autre façon de parler d’amour et d’amitié.

Merci, Mike Bossy.