J’espère que le gouvernement Legault n’a pas trop réfléchi avant de proposer que le tramway de Québec se fasse seulement si au moins 50 % + 1 de citoyens le demandent.

Ça signifierait que les caquistes n’ont pas eu le temps de voir les pièges derrière cette démarche. Et donc, qu’ils pourraient encore s’ajuster.

Pour être clair, si la population de la Capitale-Nationale rejette massivement le projet, il serait fou de lui enfoncer dans la gorge. Aucun gouvernement n’investira quelque 2 milliards de dollars pour déplaire. Pour l’instant, le tramway est loin de faire consensus.

À la question : devrait-on faire un tramway avec ou sans l’appui de la population, la réponse est évidente. Ça se complique toutefois quand vient le temps de mesurer les appuis.

Personne n’est contre l’acceptabilité sociale. C’est un concept rassembleur. Surtout si on réussit à le définir…

Le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles, Jonatan Julien, a laissé entendre que le tramway serait conditionnel à un appui majoritaire quantifié. Il est là, le problème. Cela le mène sur une pente savonneuse.

Comment vérifiera-t-on l’appui ? Par un référendum ? Par un sondage ? Si oui, qui l’effectue ? Qui choisit la question ? Et qui peut y répondre ? Les résidants des banlieues de Québec seront-ils aussi consultés ? Comment délimitera-t-on le périmètre ? Va-t-on à l’ouest jusqu’à Neuville ?

Et même si une mécanique équitable était trouvée, la démarche inquiéterait pour une autre raison : elle crée un étrange précédent.

Le gouvernement caquiste n’a jamais proposé de référendum pour ses projets d’infrastructures critiqués comme le Réseau express métropolitain (REM) de l’Est à Montréal ou le tunnel routier reliant Québec et Lévis.

Le tramway subit un traitement différencié. En fait, je ne me souviens pas d’un seul projet d’infrastructures soumis de la sorte à un référendum ou à un sondage populaire.

Ironiquement, le gouvernement a annoncé son intention la journée même où il annonçait son règlement pour quintupler les émissions permises de nickel dans l’air. À en juger par les critiques locales, il n’y a pas d’acceptabilité sociale.

Une autre chose s’est passée mardi : Éric Duhaime a confirmé qu’il se présenterait comme candidat dans Chauveau, au nord de Charlesbourg. Le chef conservateur fera notamment campagne contre le tramway. Peut-être est-ce cela qui effraie certains députés locaux de la CAQ.

Avec ce sondage/référendum/quelque chose, les caquistes veulent plaire à la fois aux adversaires et aux défenseurs du tramway. Que répondraient-ils eux-mêmes à un sondage : pour ou contre ?

Il est vrai que bien des citoyens de la Capitale-Nationale n’aiment pas le tracé projeté. Parmi ces déçus, on trouve notamment Anne Guérette, ex-adversaire de Régis Labeaume qui vantait pourtant l’idée il y a quelques années. Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement a également sévèrement critiqué le projet.

Le maire Bruno Marchand a été élu de justesse, avec 32 % des votes. Il avait promis d’ajuster le projet de tramway. Cette promesse n’a pas encore été entièrement réalisée.

Cela dit, le gouvernement Legault a lui aussi une responsabilité.

L’acceptabilité sociale ne se vérifie pas par un test sanguin. Elle dépend du projet et de la façon de le présenter. Or, on entend surtout les caquistes critiquer certains tronçons qui ralentiront les automobilistes. Ils parlent rarement des avantages.

À titre de comparaison, M. Legault a mis beaucoup de pression sur la mairesse de Montréal, Valérie Plante, afin qu’elle appuie le REM de l’Est. Et il est prêt à contredire tous les experts pour prétendre que le tunnel Québec-Lévis serait bon pour l’environnement et réduirait l’étalement urbain.

Cet enthousiasme n’existe pas pour le tramway. Ce déficit d’acceptabilité sociale, la CAQ l’alimente autant qu’il ne le constate.

En janvier, un sondage Léger rapportait que 43 % de la population locale serait « peu ou pas du tout familière » avec le projet de tramway⁠1. Ces gens sont sensibles au discours gouvernemental.

La consultation citoyenne se poursuit, et les deux camps se mobilisent – un rassemblement en faveur du tramway se déroulait mardi soir dans Limoilou.

Je ne veux pas me prononcer sur les aspects plus techniques du tramway, comme le tronçon partagé sur le boulevard René-Lévesque. J’ignore si c’est la bonne option. Mais ça me semble relever d’abord du maire Marchand.

Bien sûr, le gouvernement caquiste paye le projet. Il a donc aussi son mot à dire. Mais puisque tous les citoyens du Québec le financent, demandera-t-on leur opinion lors du processus devant donner un résultat chiffré ?

Je ne crois pas que ce serait une bonne idée. Vraiment pas. Le débat relève des gens de Québec. Je note seulement que la logique caquiste peut mener à d’étranges endroits…

Depuis un an, le tramway perd des appuis. À l’hiver 2021, 39 % des sondés s’y opposaient. En janvier dernier, ils étaient 52 %.

La Ville de Québec a encore du travail à faire pour vendre son projet. Il est normal que le gouvernement caquiste ne signe pas de chèque en blanc. Mais s’il est réellement favorable au tramway, le gouvernement Legault le cache très bien. Et s’il veut le rendre conditionnel à l’obtention d’un appui quantifiable, il s’engage sur un terrain inédit. Et glissant.

1. Lisez le sondage Léger sur le projet de tramway de Québec