Ce n’est jamais bon signe pour un parti quand il se plaint d’une couverture médiatique injuste.

N’empêche que le péquiste Pascal Bérubé n’a pas tort de s’interroger sur le traitement réservé à son parti. Est-on plus dur avec le Parti québécois ?

Québec solidaire récolte environ 13 % des intentions de vote. Pour cela, on le qualifie parfois de « véritable opposition officielle ».

Le Parti québécois obtient le même résultat. L’analyse habituelle est de décrire cet accident au ralenti, puis de spéculer sur la date de décès de la victime.

Ce n’est pas sans conséquence. Difficile de mobiliser les militants avec une oraison funèbre. Difficile aussi de recruter des candidats de qualité quand les analystes leur prédisent l’abattoir.

Les psychologues appellent cela le « bandwagon effect » : l’effet de meute par lequel les gens se rallient à un groupe ou le désertent tout simplement parce que c’est ce que les autres font.

Je comprends donc la réplique de Pascal Bérubé à ceux qui annoncent une fois de plus les funérailles du PQ : « Est-ce que vous dites la même chose à Québec solidaire ? Ça doit les déprimer… »

Il omet toutefois un détail majeur : si le PQ est ausculté sous cette lumière défavorable, c’est à cause de son histoire. Et s’il a les mêmes attentes que Québec solidaire, c’est mauvais signe.

Le PQ est le parti d’une cause, l’indépendance, qui décline. C’est aussi une coalition qui a déjà gouverné. Pour lui, une deuxième place est un échec.

QS est très différent. Il n’y a pas si longtemps, c’était un tiers parti.

Son seuil d’une « victoire » est plus faible. Quand il a fait élire un député en 2008, c’était l’euphorie. Même chose en 2012 avec ses deux députés, puis en 2014 avec son trio, et en 2018 avec ses 10 élus.

Le PQ, lui, est sur une pente descendante. Sa victoire en 2012 a été rendue possible par l’usure des libéraux et la division du vote fédéraliste. Cet épisode cache la baisse constante de ses appuis lors des quatre dernières élections : 35 %, 31 %, 25 % et 17 %.

Son nouveau chef, Paul St-Pierre Plamondon, reste méconnu du grand public. Aux questions « Qui ferait le meilleur premier ministre ? » et « Qui est le chef le plus sympathique ? », il est moins populaire que le chef parlementaire de QS, Gabriel Nadeau-Dubois.

PHOTO ERICK LABBÉ, LE SOLEIL

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

L’un monte, l’autre descend. C’est aussi cela qui explique le traitement différent.

Mais là encore, cette analyse doit être nuancée. On ne peut pas dire que QS a le vent dans les voiles tandis que le PQ fait naufrage. Les solidaires ont reculé depuis 2018 (de 16 % à 13 % selon le dernier sondage Léger). Leur croissance plafonne, tandis que la chute péquiste se stabilise. Ce n’est pas la même chose qu’un triomphe et un décès.

Le PQ a toutefois un autre handicap face à Québec solidaire : son électorat vieillit.

À court terme, il se console en se disant que les plus vieux ont davantage tendance à voter. Mais cela pose de réels défis pour le renouvellement.

M. St-Pierre Plamondon essaie de trouver une voie de passage entre la nostalgie et le renouveau. La plus récente preuve : le logo révisé de son parti.

La CAQ avait fait la même chose en 2015 en troquant son arc-en-ciel contre un bleu pâle nationaliste. Reste que le PQ n’a pas encore réussi à associer le changement de la forme à celui du fond.

Au moins pour lui, la manœuvre n’a pas été attaquée au congrès. Ses troupes s’assagissent.

Le PQ ne mérite plus sa réputation de parti chicanier. C’est davantage chez Québec solidaire qu’on observe des luttes fratricides – tout comme des débats passionnés.

Les péquistes protègent leur chef fragile. Aucune dissension n’a été entendue avec le recrutement dans Marie-Victorin de Pierre Nantel, transfuge notoire qui avait auparavant tenté sa chance à Ottawa avec deux partis fédéralistes, le NPD et le Parti vert. Le message : la porte reste ouverte pour toute nouvelle candidature.

De bonnes nouvelles sont ressorties du congrès. Le PQ n’a plus de dette et il remplit sa caisse à coup des petits dons de ses partisans dévoués à la cause. Et il a réussi à confirmer la candidature de deux visages connus au parti, l’ex-journaliste Alexis Deschênes et l’avocat spécialisé en immigration Stéphane Handfield. D’excellentes prises que leurs rivaux auraient été heureux d’accueillir.

Mais pour briser le cercle vicieux des mauvaises nouvelles, il serait préférable que ses députés vedettes se présentent à nouveau. Pascal Bérubé a promis d’être sur les blocs de départ en octobre 2022. Mais on attend encore la confirmation de la très respectée Véronique Hivon.

Leur stratégie sera de critiquer la mollesse, selon eux, du nationalisme de François Legault. Mais certains militants ont encore la fâcheuse tendance de se parler entre eux. Débattre de la monnaie ou de l’armée d’un Québec indépendant ressemble aujourd’hui à de l’ésotérisme. À tout le moins, ce n’est pas une urgence.

En 2018, Jean-François Lisée avait dénoncé la « partie gratuite » de Québec solidaire, et il n’avait pas tout à fait tort. Puisque personne ne croyait que le parti de gauche prendrait le pouvoir, son programme n’était pas scruté avec la même minutie.

Mais pour le PQ, il y a un risque encore plus grand : celui de ne plus être pris au sérieux.