Aux yeux de Stephen Bronfman et de ses partenaires, relancer le baseball à Montréal serait un formidable projet pour le peuple. Pas juste pour ceux – et j’en fais partie – qui aiment le baseball.

Ce serait aussi, disent-ils, formidable pour l’économie ! Ils vendent un mythe que peu d’économistes prennent au sérieux : celui des fameuses retombées économiques, la version sportive de la multiplication des pains.

J’espère que le gouvernement caquiste sera sceptique.

Pour l’instant, il ne ferme pas la porte, et cela se défend. Après tout, le projet n’a pas encore été officiellement déposé. Québec attend de le lire avant de le commenter. Mais ses critères laissent songeur.

Les caquistes accepteraient d’injecter des fonds publics dans l’aventure à condition que les contribuables en profitent. C’est-à-dire à condition que l’aide soit inférieure aux retombées économiques. Le problème, c’est qu’il est difficile d’évaluer des retombées. Et qu’elles sont souvent surestimées. Le diable se cache dans les virgules et les décimales.

Contrairement à ce que ses promoteurs claironnent, il n’est pas évident que le Grand Prix de Montréal soit une manne pour le fisc. Selon mon collègue Vincent Brousseau-Pouliot, cet évènement aurait fait perdre 22,4 millions à nos gouvernements de 2015 à 2019.

(Re)lisez « Grand Prix du Canada : Des pertes de 22 millions entre 2015 et 2019 »

Le sport professionnel n’est pas mieux. Un économiste de l’Université George Mason a conclu en 2015 que ces équipes ne généraient pas de retombées économiques substantielles. Son étude ratissait large : il avait examiné les années 1969 à 2011.

Consultez le rapport

Le gouvernement Legault n’a pas encore déterminé sa méthodologie ni qui ferait le calcul. Il a toutefois avancé ses critères généraux. Il comptabiliserait les retombées comme les entrées fiscales générées par l’impôt sur le salaire des joueurs ainsi que les taxes payées par les touristes venus pour voir un match de baseball. Or, comment vérifier si un touriste est venu pour le baseball, et s’il aurait choisi une autre destination si les Expos ne jouaient pas ? Et comment prévoir les impôts que les joueurs paieront chez nous ?

En règle générale, les athlètes professionnels qui jouent dans une équipe professionnelle au Québec y paient des impôts sur la portion de leur salaire gagné ici. Mais il ne sera pas simple de les calculer précisément pour établir ce qui serait une subvention « rentable ».

Et même si c’était le cas, une question demeure : l’équipe viendra-t-elle ? Car les propriétaires du circuit et l’association des joueurs doivent consentir à la transaction. Et ce n’est pas non plus parce que l’équipe reviendrait à Montréal qu’elle y resterait…

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Il faudrait prendre quelques kilomètres de recul. Revenir à la question de base, qui concerne la Ville de Montréal et non le gouvernement du Québec : comment développer le bassin Peel ? Quel est le meilleur projet pour la population ? Est-ce un stade de baseball utilisé quelques semaines par année ?

C’est à la mairesse Plante d’y répondre.

Je ne lui reproche pas son silence. Je le répète : le projet n’a pas encore été soumis. Il est normal qu’elle le lise avant de le commenter. Mais on peut déjà rappeler certains faits. La ville manque de logements abordables et d’espaces verts. Elle souffre de congestion routière. Et le bassin Peel est un formidable terrain pour créer de nouveaux projets résidentiels et commerciaux.

D’ailleurs, plusieurs ont déjà été développés. Le plus récent venait de Devimco. Avec des résidences et un hub de technologies vertes. M. Bronfman et son équipe d’investisseurs se sont alliés à Devimco pour intégrer une partie de ce projet à leur plan. Mais il pourrait renaître dans sa mouture initiale. Ou être remplacé par un autre.

Mme Plante a déjà été ferme sur le principe : aucune aide financière ne sera allouée aux promoteurs. Ni directe ni indirecte.

Une fois le projet déposé, il est fort probable qu’il soit étudié par l’Office de consultation publique de Montréal. Il est fort pertinent de scruter à la loupe les modalités d’une subvention ou d’un prêt « pardonnable » fait par Québec aux promoteurs.

Reste qu’avant cela, il faudra revenir à la base et se demander si un stade utilisé à temps partiel pour une hypothétique équipe professionnelle en garde partagée, c’est le meilleur projet pour l’avenir de Montréal.

M. Bronfman est un professionnel de la finance. Mais en matière d’urbanisme et de développement inclusif, il n’est pas un expert, loin de là.