Quand on prend connaissance de la plateforme électorale de Denis Coderre dévoilée lundi, on est tentés de croire que ce dernier est devenu le jumeau de Valérie Plante.

Il est question de verdissement, d’un registre des baux (l’une des mesures de la Commission sur les locaux vacants adoptée en février dernier par l’administration Plante), de développement vert dans l’est de Montréal, d’habitations écoresponsables, d’économie circulaire et durable, d’inégalités environnementales et sociales.

Et ce n’est pas tout. Lui qui avait souhaité bannir les pitbulls vers la fin de son mandat a fait un virage à 180 degrés et s’engage à « ne pas créer de réglementation visant les chiens en fonction de leur race ».

La fameuse transformation de Denis Coderre résiderait donc dans ce rapprochement avec le programme de son adversaire, penseront certains. Mais il faut retourner voir ses plateformes de 2013 et 2017 pour comprendre que, tout compte fait, l’ancien maire conserve sensiblement les mêmes valeurs.

Que disait-il y a quatre ans ?

Il promettait de poursuivre sur la lancée amorcée en 2013 et souhaitait la plantation de 300 000 arbres (sur 10 ans), le prolongement de la ligne bleue du métro, l’implantation d’un réseau électrique métropolitain et, tenez-vous bien, la création de 10 rues piétonnes.

Cette campagne fut également l’occasion pour les médias de passer au peigne fin les 176 promesses de son mandat de 2013-2017. Encore là, quand on regarde ses idées, on se dit qu’il n’est pas très éloigné de la philosophie du parti qui l’a supplanté.

Mais nous sommes en politique. Et les conseillers qui entourent ces deux candidats déploient beaucoup d’efforts présentement à jouer avec les perceptions, à créer des oppositions.

Les idées de Denis Coderre sont loin d’être mauvaises. Mais on se rend compte qu’elles n’ont pas toujours des assises solides.

Chez Paul Arcand lundi matin, Valérie Plante a clairement dit à son adversaire que son plan de sécurité publique n’était que du vent. Il promet un programme plus détaillé au cours des prochains jours.

L’autre truc qui joue contre lui est son image de maire bling-bling qui le poursuit. Cela permet à Valérie Plante d’utiliser la formule de « promoteur d’évènements » pour désigner son rival.

En créant les fêtes du 375e anniversaire, il a voulu faire rêver les Montréalais qui sortaient d’une période de scandales. Ça a marché. En lançant la fameuse course de Formule E, il a voulu divertir la population. Mais ce choix a été fatal pour Denis Coderre. Tout le monde sait ça, lui le premier.

Il sait maintenant que les temps ont changé et qu’il doit se tenir loin des « gros évènements ». Interrogé lundi sur la possibilité de voir à Montréal une équipe de baseball en garde partagée avec Tampa Bay, il a dit que le moment n’était pas propice à cela et qu’il fallait d’abord travailler à sortir Montréal de la pandémie. Bonne réponse.

Denis Coderre aurait pu choisir de mener sa campagne avec des propositions très différentes de celles de son adversaire. Mais il aurait renié ses propres valeurs. L’homme affiche toujours et encore un côté je-règle-tout agaçant, aux limites de l’arrogance, mais il demeure ce qu’il a toujours été : quelqu’un qui souhaite un rapprochement entre tous les Montréalais.

En fait, Denis Coderre a décidé de jouer sa meilleure carte : celle qui lui permet de battre Valérie Plante sur son propre terrain tout en offrant une « valeur ajoutée ». Et cette valeur ajoutée passe par la propreté, par une plus grande sécurité dans les rues de Montréal et par un caractère plus accueillant dans les transports en commun.

En affirmant que l’état de Montréal s’est dégradé et que la ville est devenue sale, Denis Coderre touche au quotidien des Montréalais. Et ça, c’est « payant ».

Ainsi, Denis Coderre a l’impression de rallier un plus grand nombre de citoyens et d’offrir le meilleur de tous les Denis Coderre. Car il y a plusieurs Denis Coderre : le démocrate qui prône le fameux « vivre-ensemble », le « Monsieur efficacité » qui règle tout en un claquement de doigts, celui qui aime le pouvoir et la visibilité.

À cela, on peut ajouter le Denis Coderre qui n’hésite plus à dire qu’il s’est trompé et qu’il fait marche arrière.

Le politicien aguerri qu’il est sait très bien qu’il a intérêt à ne pas mettre de l’avant des idées qui seraient trop éloignées de celles de Valérie Plante. Celle-ci dispose d’une base de militants passionnés, engagés et très actifs sur les réseaux sociaux. Mais aussi prompts à le faire passer à la moindre occasion pour un « politicien dépassé ».

Jumeaux identiques, Denis Coderre et Valérie Plante ? Ça dépend des jours. Et des annonces. Disons plutôt des faux jumeaux… stratégiques.