Erin O’Toole a un plan.

Un quoi ? Un plan. Le mot « plan » est aussi sur la page couverture. C’est même le titre. Un plan de rétablissement pour le Canada. Et il comprend un « contrat avec les Québécois ».

Le plan du chef conservateur au débat de TVA, c’était de dire qu’il avait un plan, puis de le répéter. Puis Yves-François Blanchet a exposé la minceur du message.

« Vous répétez le mot “plan”, sans arrêt et sans détail », a asséné le chef du Bloc. Il a renchéri : « Ton contrat, quelqu’un l’a signé ? »

M. O’Toole voulait se montrer rassurant et modéré. Assez pour mériter l’appui de ceux qui n’aiment pas Justin Trudeau, mais craignent un virage trop brusque vers la droite.

Il se tenait calme et droit, avec quelques sourires passagers. M. O’Toole n’a pas bien réussi à s’expliquer au sujet de la place du privé en santé. Dommage, car il avait raison. Les libéraux font circuler des insinuations malhonnêtes à ce sujet, tellement que Twitter a jugé un de leurs gazouillis « manipulé ».

Ça s’est moins bien passé avec les garderies. Le chef conservateur a enfilé ses patins pour dire ce qui adviendrait du chèque de 6 milliards promis au Québec par Justin Trudeau pour les garderies. La réponse est pourtant simple : tout indique que ce chèque serait annulé. Ce qui ne plaira pas à François Legault, qui mise sur cet argent pour créer des milliers de places.

N’empêche que ç’aurait pu être pire pour M. O’Toole. Son rival Justin Trudeau a aussi connu des moments difficiles.

Si l’on cherchait un symbole du laborieux début de campagne libéral, il est apparu vers la fin du débat de TVA sur l’environnement.

Le sujet devrait normalement nuire aux conservateurs. M. O’Toole dit vouloir réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en produisant plus de pétrole. Et il violerait l’accord de Paris en polluant plus que ce qui est prévu en 2030.

Pourtant, c’est M. Trudeau qui a encaissé les coups. Il cherchait ses mots et son souffle en justifiant de son mieux l’achat de l’oléoduc Trans Mountain. Il était plus combatif que clair. C’était une autre preuve que le pouvoir use. Et que le déclenchement des élections était risqué.

Le chef libéral savait que sa campagne commencerait avec cette question difficile : pourquoi avoir dissous un Parlement qui fonctionnait, en plein été et en début de quatrième vague de COVID-19 ? Mais il doit être surpris par la persistance de ce débat. C’était au cœur des premiers échanges, jeudi soir, et vers la fin aussi. Bien sûr, les citoyens voteront pour un candidat, et non pour savoir si les élections étaient justifiées. Mais l’opposition associe cette décision au manque de jugement de M. Trudeau, et quelque chose pourrait en rester le jour du vote.

Le premier ministre avait besoin de faire oublier son début de campagne. Il n’a pas été mauvais. Il était énergique et convaincant au sujet de la vaccination. Et il a eu le mérite d’être franc sur la contestation de la loi 21. Mais il était aussi souvent pris à défendre son bilan, ce qui est plus ardu que de vanter des projets qui n’ont jamais subi le test de la réalité. Le grand risque pour lui est que l’élection se transforme en référendum sur sa personne.

M. Trudeau peut se consoler avec la prestation très ordinaire de Jagmeet Singh. On le savait déjà, il veut moins de pollution, plus de taxes pour les « ultra-riches » et plus d’aide pour les gens vulnérables. Mais comment ? Les détails étaient rares. Il reste que c’est surtout en Ontario que les libéraux ont besoin d’une mauvaise performance de M. Singh pour rattraper les conservateurs.

M. Blanchet est celui qui s’en est le mieux tiré. Ce n’est pas surprenant pour ce fin rhéteur. D’autant qu’il affrontait deux anglophones et un premier ministre de culture bilingue à la syntaxe approximative.

Vrai, le Bloc a la partie facile. Il n’a pas de bilan à défendre ni de compromis à faire entre les intérêts divergents des régions du pays. Mais M. Blanchet s’est néanmoins démarqué par sa maîtrise des dossiers. Il débattait avec aisance, sans cassette.

J’ai compté au moins sept questions qu’il se permettait de poser à ses adversaires. Certains diront qu’il flirtait avec l’arrogance. Mais il avait surtout le mérite de clarifier les désaccords.

On ne peut pas en dire autant de certains thèmes du débat. Je ne comprends pas la pertinence des questions sur la vaccination obligatoire pour tous (personne ne le proposait), sur la hausse du nombre d’immigrants pour combattre la pénurie de main-d’œuvre (cette catégorie relève du Québec et non du fédéral) ou sur les sanctions contre les manifestants qui dérapent (cela relève du travail policier et judiciaire).

N’empêche qu’on peut dire qu’au terme de cet exercice, la campagne a vraiment commencé. S’il y a un effet pour le Québec, il me semble léger : le Bloc a donné un coup de frein à son mauvais début, et le Nouveau Parti démocratique n’a pas réussi à faire décoller sa campagne. Pour le reste, tout est encore possible.