Ma chronique sur le succès du vélo à Montréal m’a valu un bon nombre de courriels de cyclistes qui se demandent pourquoi on ne parle pas des accidents qui surviennent sur les pistes.

Ces évènements se rendent jusqu’aux grands médias lorsqu’ils sont graves, comme c’est le cas de celui survenu le 7 juin dernier à l’angle Berri et Ontario et dont vous parle ma collègue Florence Morin-Martel dans son reportage.

Si vous enfourchez votre vélo au quotidien, vous êtes probablement régulièrement témoins d’accidents. Si la plupart sont des accrochages qui se concluent par un sympathique « tu pourrais pas regarder où tu vas, espèce de moron ? », d’autres laissent des blessures et des traumatismes de toutes sortes et demandent l’intervention des ambulanciers.

Marjolaine Guay m’a raconté la fois où une randonnée qui devait être idyllique a pris la forme d’un cauchemar. Elle et son conjoint roulaient en tandem sur le pont Wellington qui enjambe le canal de Lachine. Les deux adeptes du vélo, habitués aux grandes excursions, ont croisé un groupe. Tout à coup, un cycliste a émergé et est venu les percuter.

Le couple a été projeté sur plusieurs mètres. Des gens ont appelé une ambulance. « Je n’ai pas eu le temps de voir venir l’accident, dit Marjolaine. Tout s’est passé en une fraction de seconde. J’ai repris mes esprits à l’hôpital. »

Conclusion : Marjolaine et son conjoint ont tous les deux subi une commotion cérébrale, plusieurs contusions et blessures. De plus, la cycliste a eu une fracture de la clavicule qui, cinq ans plus tard, laisse des séquelles. Pour ce qui est du vélo et de l’équipement, c’était une perte totale. « Les casques étaient finis, dit-elle. Ils ont joué leur rôle. Heureusement qu’on les avait, car ç’aurait été pire. »

Comme l’autre cycliste a été transporté dans un autre hôpital, Marjolaine et son mari ont perdu sa trace. Même une démarche à la cour en vue d’obtenir son identité auprès de la police n’a pas porté ses fruits.

Cet accident a eu lieu il y a cinq ans, et Marjolaine est demeurée très craintive. « Depuis cet accident, on a enfourché nos vélos cinq fois. Le plaisir n’est plus là. »

Les accidents sur les pistes sont la plupart du temps liés à la témérité de certains usagers ou à un manque d’attention. Guy m’a fait part de son expérience. Il venait de quitter l’estacade qui mène à l’île des Sœurs. Les habitués savent que dans le parc du Cours-du-Fleuve, la piste présente un virage à 90 degrés.

« Deux cyclistes s’en venaient, raconte Guy. Le premier était retourné pour parler à son ami qui était derrière. Il était rendu dans ma voie. J’ai voulu l’éviter. Mais j’ai glissé sur des feuilles mouillées. » Guy avait les pieds dans les étriers. La chute a été brutale.

« Mes 200 livres sont tombées solidement sur l’asphalte. J’ai eu un gros bleu sur la hanche. Pendant deux ou trois semaines, j’ai eu de la difficulté à marcher. »

Ces accidents opposent des cyclistes, mais aussi des cyclistes avec un scooter électrique, une trottinette, un triporteur et j’en passe. Mais ces accidents sont aussi parfois causés par un obstacle ou un bris de la piste ou de la route.

C’est ce qui est arrivé à Diane qui, circulant sur la piste du P’tit train du Nord, s’est butée à un obstacle « non annoncé ». La chute, qui a causé une commotion cérébrale, a mis un terme à sa passion du vélo.

Avec le nombre croissant de cyclistes à Montréal, on peut fort bien imaginer qu’il y a de plus en plus d’accidents sur les pistes cyclables. Sauf qu’il est extrêmement difficile d’avoir un portrait juste de la situation. À la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), on ne répertorie que les collisions qui impliquent des cyclistes et un véhicule en mouvement sur le réseau routier.

Au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), on ne dispose d’aucune donnée relativement aux collisions entre cyclistes. En revanche, on connaît le nombre de rapports enregistrés au sujet d’une collision entre un cycliste et un piéton (38 depuis 2016), mais on ne peut préciser l’endroit où l’accident a eu lieu (piste cyclable, trottoir, voie de circulation, etc.).

Chez Vélo Québec, on ne connaît aucune source de ce type de données. À la Ville de Montréal, on géométrise uniquement les endroits où l’on observe un plus grand nombre d’accidents entre un cycliste et un véhicule.

Et pourquoi n’avons-nous pas ces données ? Parce que ces accidents ne sont pas jugés suffisamment importants.

« Il est vrai que cela nous préoccupe moins, car ça représente moins de blessés graves qu’une collision entre un cycliste et un véhicule à moteur », dit Patrick Morency, médecin spécialiste en santé publique et expert en prévention routière affilié à l’Université de Montréal.

Patrick Morency a soulevé un aspect intéressant, celui de la capacité des aménagements cyclables. Le réseau montréalais est fait de tronçons érigés sur plusieurs années. Si le Réseau express vélo (REV) de la rue Saint-Denis peut merveilleusement accueillir l’achalandage actuel, d’autres endroits peinent à recevoir le flot des heures de pointe.

« C’est particulièrement vrai pour les pistes créées il y a une vingtaine d’années comme les axes bidirectionnels de Rachel ou Brébeuf, qui ne permettent pas d’accueillir un fort volume, ajoute Patrick Morency. Il faut adapter ces aménagements pour contrer les accidents. »

Dans ce contexte, comment mettre de l’avant des mesures de sécurité adaptées aux nouvelles réalités ? Comment sensibiliser les usagers à un meilleur respect des règles ? Comment cibler les zones dangereuses ?

Une concertation entre les instances, un échange d’information et une recension des accidents et des types d’usagers impliqués, tout cela devrait être mis de l’avant pour une meilleure harmonie sur les pistes.

La Ville de Montréal se targue d’être le royaume du vélo. C’est le moment ou jamais de le prouver en adoptant des mesures à la hauteur de son important réseau.

Êtes-vous protégés ?

Si vous êtes à vélo et que vous entrez en collision avec un autre cycliste ou un piéton, comme il ne s’agit pas d’un accident impliquant une automobile, cela ne relève pas du Régime public d’assurance automobile de la SAAQ. Si vous avez des blessures, il est fortement suggéré de subir un examen médical dans les 24 heures. Règle générale, c’est l’assurance privée des individus qui règle les dommages si la responsabilité est démontrée.

Si vous n’êtes pas responsable de l’accident :

Si vous avez l’intention de poursuivre l’autre personne impliquée dans l’accident, car vous considérez qu’elle est la cause de l’accident, faites établir un rapport général par la police : s’il y a eu des blessures, celui de « Personne blessée », ou s’il n’y a pas de blessures, celui de « Dommages accidentels à la propriété ».

Si vous êtes responsable de l’accident ou que la responsabilité n’est pas claire :

L’autre partie peut décider d’engager une poursuite contre vous. Dans un tel cas, une assurance privée en responsabilité civile (incluse dans votre assurance habitation) couvre généralement ce genre de situation. Avisez votre assureur au plus tôt.

Source : Vélo Québec