Les périodes de bouleversement comme celle dont on émerge ont au moins un aspect positif : elles nous amènent à sortir des sentiers battus, à quitter nos bonnes vieilles habitudes, à revoir nos schémas.

L’une des expériences qu’il faut retenir de la pandémie de COVID-19 est la manière dont nous avons intégré rapidement les principes de la télémédecine à notre système de santé.

Ce concept hautement exploité au cours des derniers mois a joué un rôle capital. Selon des données de la Régie de l’assurance maladie du Québec, une moyenne de 41 % des Québécois ont eu recours à un médecin omnipraticien par téléconsultation durant la période d’urgence sanitaire. En avril 2020, ce chiffre est monté à 60 %.

Mais cette approche, que la grande majorité des patients ne connaissaient pas avant la pandémie, crée maintenant des remous.

Il y a quelques jours, le gouvernement a pris les professionnels de la santé par surprise en diffusant une directive qui limite maintenant la téléconsultation aux patients affiliés à un médecin et dont la problématique de santé est connue et non complexe. En revanche, on ne veut plus de téléconsultation pour les patients « orphelins ou non connus par le médecin ».

Cela est juste et normal, il faut en convenir.

Si les médecins spécialistes et les professionnels de la médecine d’urgence sont soulagés de voir ces directives, les omnipraticiens craignent un retour à la bonne vieille méthode du cabinet. Ils croient qu’il faut plutôt prendre un pas de recul pour tenter de voir comment on peut mieux intégrer la téléconsultation à notre système de santé en perpétuelle redéfinition.

Il faut dire que ces directives arrivent au moment où le premier ministre François Legault serre la vis en émettant le souhait que les omnipraticiens accueillent plus de patients. Sinon, il n’hésitera pas à imposer des pénalités comme le prévoit la loi 20, promet-il.

Or, cet objectif d’augmentation de patients trouve sans doute une part de sa solution dans un meilleur encadrement de la télémédecine.

Bien sûr, il y aura toujours des cas qui demanderont une rencontre en présentiel avec un médecin, comme il y aura toujours des cas qui exigeront le rôle de la médecine d’urgence. Mais combien de patients qui n’ont besoin que d’une ou deux visites de routine par année devraient vraiment se déplacer dans un cabinet ?

Peut-être faites-vous partie de ceux-là ? Que fait ce médecin lorsque vous êtes devant lui ? Il vous pèse, prend votre tension artérielle, vous pose des questions pertinentes et précises sur votre état de santé, il vous demande si vous avez observé des changements au cours des derniers mois, il revoit ou renouvelle vos ordonnances et, si vous avez des inquiétudes ou qu’il remarque une anomalie, il vous dirige vers un spécialiste ou vous remet une liste de tests ou de prélèvements à faire en vous disant qu’il va en assurer le suivi.

Tout cela peut se faire en télémédecine. J’ai eu une consultation avec mon médecin au cours de la dernière année. Même si je la trouve fort sympathique et que j’aime bien discuter avec elle, la consultation à distance a très bien fait le travail.

Et ce qui est formidable c’est que le rendez-vous était fixé à 10 h 20 et qu’elle m’a téléphoné à… 10 h 20. En temps normal, le transport et le temps d’attente auraient bouffé mon avant-midi au complet.

Je peux très bien concevoir que certaines personnes ont besoin de voir leur médecin en chair et en os pour être rassurées. Mais nous ne sommes pas tous comme ça.

Je ne suis pas en train de dire que je suis prêt à me faire suivre par mon médecin uniquement par téléconsultation jusqu’à la fin de mes jours. Certains aspects de notre anatomie ont besoin d’être auscultés ou regardés de près pour un meilleur diagnostic. Mais il est grand temps que notre système de santé intègre solidement les principes de la téléconsultation.

Des standards de qualité stricts

Lundi, nous avons publié un texte éclairant du DMarc Robin, directeur général de Dialogue, une entreprise qui se spécialise dans les soins à distance. Ce médecin disait que le Québec devait se doter de standards de qualité pour bien accueillir la télémédecine.

Il faisait la liste des critères qui devaient accompagner les téléconsultations : triage rigoureux pour éviter un dédoublement, champ de pratique ciblant les bons cas, communication avec les bons moyens (visioconférence), suivi adéquat et ressources multidisciplinaires prêtes à seconder le médecin, etc.

Cette réflexion sur les standards doit se faire. On ne veut pas apprendre régulièrement dans les journaux qu’une personne est morte parce qu’elle a reçu un mauvais diagnostic au lendemain d’un rendez-vous téléphonique. C’est ce qui est arrivé récemment à Jean-Claude Beaudoin, 65 ans, comme l’a rapporté Le Journal de Montréal.

L’homme souffrait d’asthme, d’anémie, d’hypercholestérolémie et d’autres problèmes. À son médecin au bout du fil, il s’est plaint de douleurs au ventre et de nausées. Une gastro, a conclu ce dernier. Mais le lendemain, M. Beaudoin mourait chez lui d’une tamponnade cardiaque.

Comment faire coexister correctement la télémédecine et les consultations en présentiel sans pour autant créer des débordements dans d’autres secteurs comme les urgences ? C’est le nouveau défi de ceux qui sont aux commandes de notre système de santé.

Pour cela, il faut créer une véritable communication entre les acteurs. Et surtout, faire confiance aux médecins. Quant aux patients, ils doivent aussi apprendre à être de leur temps.