La ministre du Tourisme, Caroline Proulx, veut abolir le système de classification des hôtels basé sur des étoiles accordées par une équipe de professionnels. Elle souhaite que les clients s’en remettent désormais à TripAdvisor, une entreprise américaine présente partout sur la planète, pour faire leur choix.

J’avoue que j’ai été très surpris de lire ça. Je l’ai été encore plus quand j’ai appris que l’Association Hôtellerie Québec (AHQ) était tout à fait d’accord avec cette mesure qui fait partie du projet de loi 100 déposé mardi par la ministre.

À l’AHQ et au ministère du Tourisme, on a d’abord réagi à ma perplexité en disant que le Québec était l’un des derniers endroits au monde à avoir un système de classification gouvernemental.

J’ai failli répondre : oui, et puis ?

Mis sur pied en 2010, ce système réunissait des professionnels de la Corporation de l’industrie touristique du Québec, de la Fédération des campings du Québec et de la Fédération des pourvoiries du Québec.

Jugé « désuet » et « lourd », ce système était un encombrement pour les établissements. « Quand on voulait faire une modification ou une démarche en vue d’obtenir une étoile de plus, c’était compliqué », m’a dit Dany Thibault, président de l’AHQ.

Le système d’étoiles s’autofinançait avec les contributions des établissements. Avec son abolition, ceux-ci vont pouvoir se mettre dans les poches environ 3 millions de dollars. Pour un hôtel de 200 chambres, cela représente environ 1700 $ par année.

N’aurait-on pas dû travailler à améliorer ce système ?

« Les gens ne consultent plus les étoiles attribuées de manière locale, m’a confié Dany Thibault. Ils le font avec les diamants de CAA ou AAA, car c’est mondial. »

Cet effet « mondial », doublé du foudroyant impact de l’opinion publique relayée par les réseaux sociaux, a donc eu le dessus sur les étoiles. La ministre Proulx croit que ce n’est pas au gouvernement de classer les établissements hôteliers.

L’évaluation des hôtels au Québec sera désormais sous la responsabilité d’Yvette Bouchard, de Joël Tremblay et de Lewis Thompson. Bref, c’est le « public » qui décidera si un hôtel est bon ou mauvais.

Quand viendra le temps de choisir un hôtel, on fera davantage confiance au commentaire de Mme Bouchard sur les oreillers moelleux d’une auberge de Charlevoix qu’aux étoiles qui étaient accordées selon des critères précis et des exigences élevées.

J’ai échangé à ce sujet avec un collègue que j’estime beaucoup, mais que je trouve parfois gossant parce qu’il a tendance à tout remettre en question (c’est pour cela que je l’aime bien). Il m’a dit : « C’est quand la dernière fois que tu as consulté le système des étoiles pour louer une chambre, une maison, un hôtel ? À l’inverse, consultes-tu les avis des utilisateurs avant de louer ? »

Il a raison, mon collègue gossant. Moins de 10 % des consommateurs tiennent compte des étoiles lorsqu’ils réservent une chambre. Mais moi, j’aime le mélange des deux. Je veux les deux.

Je trouve que les hôteliers jouent à un jeu très dangereux. S’en remettre au public et aux réseaux sociaux pour noter et décrire les établissements est un risque énorme. Aucun établissement n’est à l’abri d’une mauvaise publicité organisée par la concurrence.

De leur côté, les consommateurs qui s’expriment peuvent voir leur message camouflé ou censuré. Ceux qui consultent les critiques peuvent être exposés à de faux commentaires. Comment savoir si celui ou celle qui a rédigé le petit texte d’appréciation a vraiment visité l’établissement ?

Si je me fie à Amazon, il y a de quoi devenir méfiant. On a appris l’automne dernier qu’environ 42 % des 720 millions de commentaires scrutés par le service de surveillance Fakespot, de mars à septembre 2020, étaient des faux. Cela n’a rien de rassurant.

Et puis, comment se faire une idée devant tous ces commentaires hétéroclites ? Je me souviens de ce restaurant de Montréal qu’une Québécoise avait trouvé « géniaaaaaal » et qu’une touriste française qualifiait d’« infect ». On y va ou pas ?

Cette décision s’inscrit dans une mouvance qui tend à nous éloigner de plus en plus des experts, des spécialistes, des personnes qualifiées. On se fout de leurs connaissances et de leur expertise. On veut savoir ce qu’en pensent nos semblables. C’est plus réconfortant.

Je dois ajouter que le projet de loi 100 contient des mesures plus étendues pour combattre le fléau de l’hébergement illégal. C’est une excellente nouvelle.

Finalement, le projet de loi retire un rôle qui était attribué à un organisme paragouvernemental pour le confier à un site web américain qui vient faire des affaires chez nous avec ses gros sabots. Puis, elle met en place des mesures pour contrer un système d’hébergement collaboratif dirigé par une firme américaine qui est venue s’installer chez nous avec ses gros sabots.

Ce sont peut-être les effets de la pandémie, mais on dirait que j’en perds des bouts. Vivement des vacances. Au fait, vous n’auriez pas un bon hôtel à me suggérer ?