Enfin ! Ça fait plus d’un an qu’on l’attendait, qu’on l’espérait. Et voilà que jeudi, on a annoncé les dates. Le festival de la vaccination est ouvert pour tous ! L’organisateur du Woodstock de la piqûre, le ministre de la Santé, Christian Dubé, était tout excité : « Le ciel commence à se dégager. On voit des rayons de soleil ! » Let the sunshine in ! Un peu plus, il se serait mis à danser.

Du coup, la frénésie s’est emparée du Québec en entier. Chaque citoyen est allé voir quand il pourra participer au grand rendez-vous. Le concept est générationnel. Les 50 à 59 ans peuvent se joindre à la fête depuis vendredi, les 45 à 49 ans, le 3 mai, les 40 à 44 ans, le 5 mai, les 35 à 39 ans, le 7 mai, les 30 à 34 ans, le 10 mai, les 25 à 29 ans, le 12 mai, et les 18 à 24 ans, le 14 mai. On sait que les 60 ans et plus ont eu droit aux avant-premières.

Les séances vont ressembler à des conventums. On va prendre des nouvelles de sa gang, à deux mètres de distance. Plusieurs sur les réseaux sociaux ont suggéré de faire jouer les chansons emblématiques de chacune de ces tranches d’âge, question de faire lever le party. On pourrait même installer une petite scène, où se relaieraient Shirley Théroux, Gildor Roy, Gregory Charles, Isabelle Boulay, Marie-Mai, Charlotte Cardin et Fouki. On pourrait entendre des chansons de circonstances : Tomber la chemise, Put Your Needle on my Shoulder, Moderna Girl, Astracadabra, 1x1 rassemblé, Le monde entier est un cactus, Je me pique de le savoir, aie, aie, aie !

Comme pour Osheaga, les festivaliers se demandent comment s’habiller. Si, ces dernières semaines, on a eu droit au retour du t-shirt sous la chemise, les sexagénaires préférant ne pas dévoiler leur six-pack devenu une bedaine de bière, avec l’arrivée du beau temps qui ne saurait tarder, on risque d’avoir droit à toutes les variantes d’étoffes permettant le dénuement du lieu piqué, de la camisole Dan Bigras au crop top Ariana Grande.

L’habillement est d’autant plus important, puisque lors de cet évènement, le festivalier, plus que n’importe où ailleurs, est la grande vedette des lieux. On fait pas seulement assister au spectacle, on est le spectacle. Voilà pourquoi, chacune ou chacun filme et photographie sa prestation et s’empresse de la partager. Qui aurait cru, en février 2020, qu’on verrait plus de seringues sur notre fil que de chats ?

Il ne faudrait pas oublier l’indispensable contribution des vaccinatrices et des vaccinateurs. Sans elles, sans eux, rien de tout ça n’existerait. Ce sont des gens dévoués et patients, qui passent leur journée à dire : « Ça va piquer un peu ! » Et à embellir nos clichés. Ils se font plus souvent poser, en une journée, que Meghan Markle. Parfois, on les voit au complet, parfois, on ne voit que leur précieuse main. Mais toujours, ils nous permettent de vivre notre instant de gloire.

Une petite piqûre pour le bras, une guérison pour le corps de l’humanité. Parce que c’est bien cela qui explique la frénésie autour de la vaccination de masse : on a tous le sentiment de contribuer à la victoire. Je sais, rien n’est gagné encore, mais ça reste la seule issue possible pour sortir de cette crise. Ce n’est pas le temps de bouder notre bien-être.

La science a réussi un miracle en produisant un vaccin en si peu de temps. Reste à nous de trouver une heure à notre agenda, pour devenir miraculé.

Depuis plus d’un an, on nous demande de fournir notre part, en restant chacun de notre côté, pour une fois, on nous demande de tous converger vers les mêmes endroits. C’est un rassemblement distancié, mais c’est un rassemblement quand même. Cette injection, elle ne se donne pas par Zoom. Elle nous demande d’être là, en vrai. Et juste ça, ça fait du bien ! Même qu’un autre être humain, qui ne fait pas partie de notre bulle, doit s’approcher de nous. Nous toucher. Nous panser. C’est déjà, un peu, le début de la fin.

Le spectacle de la Saint-Jean, il a lieu maintenant. Le plus beau numéro, le plus important, le plus émouvant, c’est celui de tout le Québec en train de se faire vacciner. Chaque bras piqué est un bras qui lève le drapeau bien haut. Jamais nous n’aurons aussi bien chanté « gens du pays, c’est votre tour de vous laisser parler d’amour » qu’en faisant ce geste de solidarité. Et si le 24 juin, plus de 70 % de la population est vaccinée, on aura une raison de plus d’être fiers de notre nation.

Bon festival !