Moins de cinq minutes.

C’est le temps qu’il nous a fallu pour créer un profil sur Wizz – une application de rencontres destinée aux adolescents – et accéder à des centaines de jeunes Québécois, certains âgés d’à peine 13 ans.

Pour ce faire, nous avons créé un faux compte en prétendant être une adolescente de 14 ans.

Wizz utilise une technologie de reconnaissance faciale pour vérifier l’âge des utilisateurs – nous avons réussi à nous inscrire sans trop de difficulté.

L’interface s’apparente à n’importe quelle application de rencontre populaire. Comme Tinder, la plateforme nous présente un profil accompagné d’une photo, du prénom et de l’âge de la personne.

Deux options s’offrent alors à l’utilisateur : envoyer un message à la personne ou balayer à gauche pour voir un autre profil.

La plateforme ne se présente pas comme une application de rencontres amoureuses, mais quelques minutes suffisent à constater que la plupart des utilisateurs s’en servent à cette fin.

Comme cette adolescente de 14 ans qui précise avoir un faible pour les joueurs de hockey. Ou encore ce garçon du même âge qui recherche uniquement des histoires d’un soir.

« On peut facilement imaginer avec quelle facilité des sextorqueurs peuvent profiter de cette application pour entrer en contact avec de jeunes victimes », déplore le porte-parole du Centre canadien de protection de l’enfance, René Morin.

D’ailleurs, les jeunes filles précisent régulièrement sur leur profil qu’elles n’envoient pas de photos dénudées (« I don’t send »), un indice que la demande est fréquente.

Wizz présente uniquement les profils de jeunes dans sa tranche d’âge. Mais comme nous l’avons démontré, un adulte peut relativement facilement se créer un compte en prétendant être un adolescent, et accéder à des adolescents.

Par courriel, Wizz assure qu’elle fait tout pour protéger ses utilisateurs, notamment en ayant recours à la technologie de reconnaissance faciale Yoti, qui estime son taux de fiabilité à 98,9 %.

Si les résultats ne sont pas concluants, l’âge de l’utilisateur est validé manuellement par une entreprise tierce.

N’empêche, ces contrôles ne sont pas à toute épreuve et peuvent donner un faux sentiment de sécurité aux utilisateurs, estime René Morin.

Dans les faits, [les contrôles] peuvent être facilement déjoués. Nos techniciens ont été capables sans aucun problème de créer des profils sans nécessairement cadrer dans les paramètres de l’application.

René Morin, porte-parole du Centre canadien de protection de l’enfance

En outre, les individus qui s’en prennent aux enfants sont eux-mêmes souvent jeunes et peuvent facilement accéder à l’application, ajoute-t-il.

Favoriser les contacts avec les inconnus

Sur son site, Wizz se présente comme « la plateforme en ligne ultime pour des discussions aléatoires et inattendues avec des personnes du monde entier ».

Mais le danger est là, justement, laisse tomber René Morin.

L’une des précautions de base à prendre sur l’internet est « d’éviter le plus possible d’ouvrir la porte à des gens qu’on ne connaît pas, sinon on ne sait jamais à qui on a affaire », explique-t-il.

Sauf que c’est justement le concept de Wizz.

« C’est une application qui favorise des contacts entre des personnes qui n’étaient pas préalablement connectées. C’est un problème », conclut-il.

Que faire si vous êtes victime de sextorsion ?

  • Cessez toute communication avec le sextorqueur.
  • Ne cédez jamais aux menaces en envoyant de l’argent ou d’autres images explicites.
  • Conservez des captures d’écran de la discussion et notez toutes les informations relatives au sextorqueur (son nom d’utilisateur, par exemple).
  • Avisez rapidement un adulte de confiance ou contactez votre poste de quartier.
  • Si vous êtes un parent, intéressez-vous aux applications utilisées par votre enfant et informez-vous sur leurs paramètres de confidentialité. Par ailleurs, discutez avec lui des dangers de l’internet en lui proposant des stratégies pour y faire face (comme bloquer la personne). Surtout, évitez une approche punitive : votre enfant doit savoir que vous serez là pour l’aider, peu importe ce qui arrive.

Source : Service de police de la Ville de Montréal