Les paroles et gestes agressifs envers les fonctionnaires municipaux ne sont pas seulement contraires aux règles de santé et sécurité au travail. Ils peuvent aussi nuire à la rétention du personnel.

« La Loi sur la santé et la sécurité du travail prévoit que les risques psychosociaux, dont le harcèlement et la violence physique, doivent être pris en charge dans les milieux de travail, au même titre que les risques physiques, chimiques ou biologiques », rappelle un porte-parole de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), Antoine Leclerc-Loiselle.

Près du quart (23 %) des lésions attribuables à de la violence psychologique en milieu de travail sont causées par un client, montrent les données de la CNESST pour l’année 2022.

Et près de 15 % des lésions attribuables au stress, qui « peuvent également être attribuables à la violence », sont aussi causées par la clientèle, indique la Commission dans un rapport portant sur l’ensemble des milieux de travail.

Dans le secteur des administrations publiques locales, municipales et régionales, 53 lésions causées par la violence de clients ont été acceptées par la CNESST entre 2018 et 2022, montrent les données fournies par la Commission.

Le travail avec le public ainsi que l’inspection ou l’application de règlements font d’ailleurs partie des facteurs « reconnus pour augmenter le risque de violence en milieu de travail », note la CNESST dans une fiche publiée sur son site.

« Je suis loin d’être certain qu’il n’y a pas un lien avec la rotation importante dans certains secteurs », avance le directeur des services juridiques de Trois-Rivières, MAlex Hamelin. Il évoque « tous ceux qui sont en première ligne », dont les inspecteurs du service d’aménagement, « qui se déplacent directement chez les citoyens », et les téléphonistes de la ligne 311.

La coordonnatrice de la ligne 311 donne souvent « des pauses après de gros appels parce que des fois, ils se font rentrer dedans solide », précise le porte-parole de la Ville, Mikaël Morrissette.

« On en entend de toutes les couleurs », confirme MHamelin, en rappelant que ces appels sont enregistrés.

Réduire le fardeau

Les réseaux sociaux ne sont pas de tout repos non plus. « Les postes de responsable de page Facebook, c’est toujours très difficile à pourvoir parce que ces personnes sont exposées à beaucoup de mauvais commentaires », explique la directrice des communications de Mirabel, Valérie Sauvé, qui a travaillé dans trois autres municipalités. « C’est pour ça que chez nous, ce sont trois personnes, et non une seule, qui se tapent ça. »

Amos, en Abitibi, a installé un bouton d’alarme relié à la Sûreté du Québec à la réception de son hôtel de ville, réaménagé ses bureaux pour que les employés se voient, et remis des constats d’infraction. Depuis ces mesures, rapportées par Radio-Canada en 2022, la municipalité n’a pas connu d’épisodes inquiétants, indique la greffière, qui ne veut pas entrer dans les détails.

Lisez l’article de Radio-Canada

« Jongler » avec les citoyens mécontents fait un peu « partie [du] travail », nuance MClaudyne Maurice. « Je veux saisir ta maison parce que tu n’as pas payé tes taxes ? Ça se peut que tu ne sois pas content », illustre-t-elle. « Il ne faut pas que ça dépasse la normale, c’est ce que je dis. »

De toute évidence, de plus en plus d’employeurs trouvent que ça dépasse la normale.

Formation en demande

Le cégep de Saint-Jérôme offre une formation sur la gestion des comportements agressifs ou vulnérables depuis plus de 20 ans. « Depuis 2021-2022, il y a une plus grande demande qu’avant » de la part d’organisations en tout genre, y compris des municipalités, témoigne Marie-Aube Simon, directrice adjointe à la formation continue.

La formation « Fatigue de compassion : comprendre, prévenir, agir », destinée à l’origine au milieu de la santé, gagne aussi en popularité auprès des organisations gouvernementales et des organismes à but non lucratif, signale Mme Simon.

À force de travailler avec « des situations d’agression, d’agressivité verbale ou physique et d’enjeux de santé mentale », dans lesquelles « on doit offrir un bon service à la clientèle, mais se protéger en même temps, les gens s’épuisent à la longue ».

Consultez les statistiques sur la violence, le stress et le harcèlement en milieu de travail Voyez la fiche de la CNESST sur la violence en milieu de travail