L’opposition officielle de Gatineau refuse d’accoler l’étiquette de « climat toxique » à l’hôtel de ville, comme l’a laissé entendre jeudi la mairesse France Bélisle en démissionnant de ses fonctions. À Québec, les libéraux et les solidaires réclament une commission parlementaire sur « la civilité au sein des conseils municipaux ».

Ce qu’il faut savoir

  • La mairesse de Gatineau, France Bélisle, a démissionné jeudi en dénonçant un climat hostile à l’hôtel de ville.
  • L’opposition dénonce cette caractérisation qu’elle estime fausse.
  • À Québec, le Parti libéral et Québec solidaire ont réclamé la tenue d’une commission parlementaire sur le rôle des élus municipaux.

« Il y a des débats autour de la table du conseil, mais ça se fait toujours de manière très saine. Je n’invaliderai pas les émotions de Mme Bélisle, mais ça ne tombe absolument jamais dans l’agressivité ou un climat toxique », a dit vendredi la présidente du caucus d’Action Gatineau, Caroline Murray.

Jeudi, Mme Bélisle avait dénoncé des « attaques personnelles » ainsi qu’un climat hostile, de la partisanerie et des luttes de pouvoir qui ont hypothéqué sa santé. Elle s’en était alors également prise à « des élus qui ne jouent pas leur rôle à la bonne place ni au bon moment », en déplorant « des décisions et des orientations prises à des fins tellement partisanes ».

Une vision que refuse Mme Murray.

Même notre maire suppléant [Daniel Champagne] a tenu à se dissocier des propos de Mme Bélisle en disant que lui non plus, il n’avait jamais été victime de ce climat toxique. La situation à Gatineau est complexe, mais je ne crois pas que cette étiquette s’applique ici. 

Caroline Murray, présidente du caucus d’Action Gatineau

Globalement, la conseillère municipale reconnaît que la pression sur les élus est devenue très forte. « Les gouvernements municipaux sont les plus près de la population, ce qui a beaucoup d’avantages, mais aussi de désavantages, comme le fait que c’est plus facile d’avoir accès aux élus et les insulter. Je pense que ça demeure tout de même une minorité, mais c’est quand même très dérangeant. »

« Il y a une réflexion à faire sur les conditions de travail des élus municipaux. C’est très inquiétant, il y a beaucoup de choses à améliorer et je suis contente que ça sonne une cloche à Québec », dit Mme Murray.

Vers une commission

Sur la colline Parlementaire, justement, une commission sur le sujet a été réclamée vendredi. « Nous souhaitons proposer […] que la Commission de l’aménagement du territoire se saisisse de toute urgence d’un mandat d’initiative sur la civilité au sein des conseils municipaux et, plus largement, sur la dégradation du respect envers les élus de tous les paliers de gouvernement et les enjeux liés au harcèlement et aux menaces », écrivent les libéraux Michelle Setlakwe et Enrico Ciccone.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La députée libérale Michelle Setlakwe

Dans une lettre envoyée au président de la Commission de l’aménagement du territoire, Sébastien Schneeberger, ils affirment que « l’actualité des derniers mois nous rappelle constamment les difficultés vécues par les élus, notamment au palier municipal, qui exercent une pression constante et les forcent à évoluer dans un climat délétère qui mine leur santé mentale et physique ».

Chez Québec solidaire, le député de Taschereau, Etienne Grandmont, a également demandé vendredi que la même commission tienne « une séance de travail pour évaluer la possibilité de se saisir d’un mandat d’initiative portant sur la hausse de démissions des élus municipaux ».

Un élu municipal québécois sur dix a quitté ses fonctions depuis son élection à l’automne 2021. Au total, près de 800 d’entre eux ont abandonné la politique. « Cette série de démissions a un impact réel sur le développement économique des villes et des régions, sans compter que, de ce fait, ce sont nos démocraties locales qui sont mises à mal », estime M. Grandmont.

Lisez l’article « Politique municipale : “Ça devient inhumain, ce qu’on demande à nos élus” »

Un obstacle pour la relève

Les libéraux proposent d’entendre la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, et la ministre de la Famille, Suzanne Roy, mais aussi les représentants de la Commission municipale du Québec, de l’Union des municipalités du Québec et de la Fédération québécoise des municipalités, ainsi que les maires des dix plus grandes villes du Québec et les ex-mairesses de Gatineau et de Chapais, France Bélisle et Isabelle Lessard.

Au Parti québécois, le député Joël Arseneau a évoqué « la nécessité d’une prise de conscience quant à l’intimidation et la civilité envers les élus », en disant appuyer l’idée d’une commission parlementaire sur le sujet, « dans une logique de prévention, de sensibilisation et d’action contre l’intimidation ».

Appelé à réagir, le cabinet de la ministre des Affaires municipales Andrée Laforest a indiqué qu’il laissera les parlementaires siégeant à la Commission de l’aménagement du territoire « traiter de la question ». « On ne peut pas présumer de leur décision. Dans tous les cas, la ministre a l’intention de faire des gestes dans ce dossier dès son prochain projet de loi omnibus », a précisé l’attachée de presse, Élodie Masson.

Sur X, Mme Laforest a confirmé avoir demandé aux directions régionales de son ministère de lui formuler des recommandations et « de communiquer rapidement avec l’ensemble des municipalités de leur territoire pour s’enquérir de leur situation et réitérer leurs services ».

« À travers le Québec, les [directions régionales] sont toujours disponibles pour accompagner les municipalités, par exemple en offrant de l’accompagnement sur les rôles et les responsabilités des élus, la gestion des ressources humaines, le financement municipal ou l’éthique et la déontologie », a-t-elle indiqué, en précisant que ces instances « peuvent également réaliser un accompagnement plus soutenu ».

Une députée menacée ferme son bureau

La situation ne suscite pas l’inquiétude qu’au municipal. Vendredi, la députée de Lotbinière-Frontenac, Isabelle Lecours, a d’ailleurs fermé temporairement son bureau de circonscription après avoir reçu des menaces en lien avec le dossier du projet de CPE de Val-Alain. Ce dernier a récemment été annulé par le ministère de la Famille en raison de son coût jugé trop élevé de 891 000 $. « Dans le but de protéger mon équipe, j’ai décidé de fermer temporairement le bureau de circonscription de Saint-Apollinaire et la Sûreté du Québec a été contactée », a écrit Mme Lecours sur son compte Facebook, en précisant que le bureau de Thetford demeurait toutefois ouvert.