Comment ils sont passés de la parole aux actes

Devant l’urgence climatique, les villes de la province se regroupent dans une course pour réduire leur empreinte carbone. Elles seront accompagnées dans un Parcours de décarbonation municipale tout juste lancé par l’Union des municipalités du Québec (UMQ). Le premier défi consiste à s’attaquer à la pollution émise par les bâtiments et les véhicules.

« Les nouveaux maires sont de plus en plus sensibles à l’environnement. Nous ne partons pas de zéro », résume le président de l’UMQ et maire de Varennes, Martin Damphousse, en ouvrant les portes de son hôtel de ville. Un bâtiment patrimonial dont l’étanchéité énergétique laisse à désirer, admet-il.

La première cohorte du Parcours regroupe près d’une dizaine de municipalités, petites et grandes, dont Varennes. Une dizaine d’autres souhaitent se joindre à la deuxième vague de décarbonation, prévue à la fin de l’été 2024, indique l’UMQ.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Le chef de division du développement durable à la Ville de Varennes, Mathieu Vallée, et le maire de Varennes, Martin Damphousse

Sur le terrain, une équipe d’experts accompagne déjà les décideurs municipaux. Il y a des conseils juridiques en matière de réglementation. Des formations. De l’accompagnement. Des achats regroupés pour épargner de l’argent, notamment dans l’achat de véhicules électriques.

Par exemple, les municipalités peuvent se lancer dans l’isolation de leur tuyauterie ou y aller d’audace en remplaçant les appareils de chauffage au mazout.

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La Ville de Varennes possède un parc de 18 véhicules électriques. Elle s’apprête à acquérir un camion incendie de premier répondant 100 % électrique. Elle sera la seule municipalité au pays, avec Toronto, à posséder ce type de véhicule.

L’UMQ encourage également les villes à se tourner vers les véhicules électriques, à favoriser le covoiturage, à installer des bornes de recharge publiques. Des formations à « l’écoconduite » seront offertes.

Jusqu’en Gaspésie

À Carleton-sur-Mer, municipalité de la Gaspésie de 4081 citoyens, les élus ont adopté, le 12 février dernier, le Plan de réduction des gaz à effet de serre 2024-2030. Dans cette région, les changements climatiques frappent fort. Il y a érosion des côtes, submersion et le casse-tête de la préservation des bois de mer.

« Chez nous, on n’offre pas encore le compostage. On estime que 60 % de nos émissions polluantes proviennent de l’enfouissement des déchets. On a un camping municipal visité par 3000 personnes en été. Ça vous donne une idée de l’ampleur du défi. Avec les municipalités de la Régie intermunicipale de gestion des matières résiduelles Avignon-Bonaventure [RGMRAB], on a un projet de captation des biogaz », explique le maire Mathieu Lapointe, joint par téléphone.

PHOTO FOURNIE PAR LA VILLE DE CARLETON-SUR-MER

Le maire de Carleton-sur-Mer, Mathieu Lapointe

Il raconte qu’un inventaire des gaz à effet de serre (GES) effectué en 2019 a permis de réaliser que 42,6 % des émissions par source d’énergie provenaient de l’utilisation du propane. Les bâtiments les plus pollueurs sont l’aréna et les garages municipaux. Côté véhicules, le parc comprenait neuf véhicules à essence et dix véhicules et machineries encore au diesel au moment de l’inventaire.

« Nous continuons de remplacer par l’acquisition prochaine d’un cinquième véhicule électrique, cette fois pour l’entretien de notre camping. On veut réduire la fréquence de la tonte du gazon, revoir les parcours de déneigement. Pour le garage municipal, on a un projet de conversion à l’électricité. On veut aussi des thermostats intelligents, installer des ampoules DEL, etc. Il y a beaucoup à réaliser, ça prend de l’argent. On espère profiter des achats regroupés », ajoute le maire Mathieu Lapointe.

PHOTO FOURNIE PAR LA VILLE DE CARLETON-SUR-MER

Carleton-sur-Mer a acquis un camion électrique (Ford Etransit) et attend une nouvelle camionnette (F150 Lightning pro). Ces deux véhicules remplacent des véhicules à essence.

Baisse de ses surplus énergétiques

Normand Mousseau est professeur de physique et directeur scientifique à l’Institut de l’énergie Trottier, organisme regroupant des experts autour de ces enjeux. Il souligne que la consommation des villes était au nombre des recommandations, il y a 10 ans, lors de la tenue de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec.

L’expert en biophysique rappelle qu’Hydro-Québec a prévenu la municipalité de Saint-Bruno-de-Montarville, à la fin du mois de janvier, de la baisse de ses surplus énergétiques. Et des conséquences possibles de l’adoption d’un règlement visant à bannir le gaz naturel entourant la construction d’un vaste quartier résidentiel.

Les petites municipalités sont à la limite de ce qu’elles peuvent faire. Il faut absolument un regroupement d’experts, pas juste pour donner des orientations ou pour imposer des sources d’énergie. Il faut une équipe. Par exemple, il y a plusieurs autres options que le gaz naturel pour les bâtiments. On peut ouvrir la voie à la géothermie, sorte de thermopompe captant la chaleur du sol au lieu de l’air.

Normand Mousseau, professeur de physique et directeur scientifique à l’Institut de l’énergie Trottier

À Varennes, ville de la Rive-Sud de près de 21 000 citoyens, le chef de division du développement durable, Mathieu Vallée, sera au cœur du Parcours de décarbonation. Dans l’urgence, 250 000 $ ont été débloqués l’été dernier pour sauver une portion de la piste cyclable qui menaçait d’être engloutie par la montée du fleuve. À cause du trafic fluvial.

La municipalité s’inquiète de la préservation de ses côtes, en plus de veiller à diminuer son empreinte carbone. Il y a l’efficacité énergétique du complexe aquatique à revoir, du garage municipal. La bibliothèque municipale « net zéro », avec ses panneaux solaires et sa géothermie, fait déjà la fierté municipale, explique M. Vallée.

« Notre plus grande source de GES provient de notre parc industriel [Novoparc]. À long terme, on aimerait créer une boucle énergétique pour récupérer la chaleur de nos serveurs. On peut penser à des entreprises installées sur notre territoire, par exemple aux serveurs de Google ; plusieurs industries émettent de la chaleur. Nous étudions comment on pourrait en retirer des revenus. S’assurer de la paternité d’un système novateur. »

L’UMQ collabore avec divers partenaires pour gérer le Parcours de décarbonation municipale, dont le gouvernement du Québec, Hydro-Québec, IVEO (solutions de mobilité durable) et Énergir (anciennement Gaz Métro).

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