(Québec) Appuyée par l’opposition à Québec, la veuve de Normand Meunier, cet homme qui a reçu l’aide médicale à mourir après avoir développé des plaies de lit à l’hôpital de Saint-Jérôme, a réclamé une enquête indépendante sur la mort de son mari, ce que le ministre Christian Dubé a accepté mercredi.

« Je suis très émotive, j’espère que ça ne sera pas en vain, tout ce qu’a souffert Normand », a exprimé Sylvie Brosseau, qui s’est déplacée mercredi à l’Assemblée nationale.

« Je veux continuer le combat parce que j’appelle ça un combat. Parce que c’est certain qu’il y a d’autres personnes qui sont très souffrantes dans les hôpitaux présentement et qui ne reçoivent pas les bons soins. Il faut s’en occuper. Il faut prendre ça au sérieux. Il faut prendre le temps. Il faut les écouter », a-t-elle plaidé, les larmes sur les joues.

Normand Meunier, 66 ans, a reçu l’aide médicale à mourir le 29 mars dernier après avoir développé une plaie de lit majeure au fessier lors d’un séjour à l’hôpital de Saint-Jérôme. L’homme, qui est paralysé des bras et des jambes depuis 2022, aurait passé 96 heures sur une civière non adaptée à son état, selon Radio-Canada, qui a dévoilé l’histoire de M. Meunier en avril. Il était hospitalisé en raison d’un virus respiratoire.

Le CISSS des Laurentides a ouvert une enquête interne pour faire la lumière sur les évènements ; le ministre de la Santé, Christian Dubé, avait qualifié la situation « d’inacceptable ».

Or, c’est insuffisant, aux yeux des proches de M. Meunier. Sylvie Brosseau était accompagnée mercredi de l’organisme Moelle épinière et motricité Québec et des députés Elisabeth Prass (Parti libéral du Québec), Vincent Marissal (Québec solidaire) et Joël Arseneau (Parti québécois). Ils demandent à l’unisson que Québec déclenche une enquête indépendante.

« On n’est pas satisfaits de l’enquête qui a été déclenchée parce qu’elle a été déclenchée par le CISSS des Laurentides, qui est à la base du fiasco en question », a déploré M. Marissal, ajoutant que le gouvernement du Québec devrait présenter des excuses officielles à Mme Brosseau. « Honnêtement, aujourd’hui, j’ai honte […], l’aide médicale à mourir, ça n’a jamais été pour [une solution] parce qu’il n’y a pas de soins », a-t-il dit.

Son collègue du Parti québécois va plus loin : « La meilleure façon de traduire ces excuses-là de façon concrète, c’est par le choix de faire enquête sur les circonstances qui ont mené au décès de M. Meunier et de façon plus générale, sur les soins auxquels ont droit au Québec en 2024 les personnes qui vivent avec un handicap, notamment », a déploré M. Arseneau.

M. Marissal a rappelé que les établissements de santé disposent « de protocoles » pour déclencher des enquêtes indépendantes. L’exercice pourrait aussi être mené par le Bureau du coroner.

« S’il y avait eu des matelas adaptés aux urgences, comme dans d’autres institutions médicales, s’il y avait des professionnels qui auraient déplacé M. Meunier, c’est une situation qui aurait pu être évitée », a déploré pour sa part Elisabeth Prass. « C’est une question de mettre des protocoles en place, de s’assurer que la maltraitance organisationnelle soit réglée par des formations », a-t-elle plaidé.

Le ministre Christian Dubé a entendu le cri du cœur de Mme Brosseau. Après lui avoir téléphoné pour lui transmettre ses condoléances, il a accepté de déclencher une enquête indépendante.

« Nous allons plus loin pour faire toute la lumière sur les évènements et apporter les correctifs nécessaires », a indiqué son cabinet en fin de journée.

La forme de l’enquête n’a pas été précisée.

Mme Brosseau avait par ailleurs déploré n’avoir reçu aucun appel de la part de membres du gouvernement.

Rapport du commissaire aux plaintes

Sylvie Brosseau a révélé mercredi avoir reçu un « rapport accablant » du commissaire aux plaintes du CISSS des Laurentides. Elle n’a pas souhaité le rendre public en raison de l’éventualité de poursuites judiciaires. Or, ce rapport ne peut se substituer à une enquête indépendante, a-t-on indiqué.

« On veut quelque chose qui est plus profond, plus large », a expliqué le directeur de Moelle épinière et motricité Québec. « Est-ce que c’est un problème [systémique] ? Est-ce une question organisationnelle ? », a-t-il ajouté, affirmant que 90 % de ses membres « ne veulent plus se rendre à l’urgence malgré leurs problèmes » sous prétexte qu’ils craignent de recevoir de mauvais soins.