Une centaine de manifestants et de membres de la Campagne québécoise pour la régularisation des personnes sans statut migratoire se sont rassemblés samedi à 11 h, devant le bureau de circonscription du premier ministre Justin Trudeau, à Montréal.

Le cortège, composé en grande partie de personnes migrantes sans statut, s’est présenté devant le bureau où des banderoles avaient été accrochées. « So-so-so-solidarité, avec, avec, avec les sans papiers », pouvait-on les entendre scander.

Des porte-parole de la Campagne ont ensuite prononcé des discours pour enjoindre le premier ministre à tenir parole.

Fin 2021, le gouvernement libéral s’était engagé à « explorer des moyens de régulariser le statut des travailleurs sans papiers qui contribuent aux communautés canadiennes », sans préciser toutefois à quelle date cela pourrait entrer en vigueur.

« On est là pour dire “ça suffit”. On est fatigués d’attendre. Nous voulons la régularisation maintenant, inclusive, complète, pas d’exigence de langue, pas d’exigence d’expérience de travail », a résumé Viviana Medina, organisatrice communautaire au sein du Centre des travailleurs et travailleuses immigrants (CTI).

« On travaille ici, on vit ici, on reste ici. Régularisation pour toutes et tous ! », a-t-elle ensuite lancé.

Vivre en sursis

Au micro, les porte-parole – incluant le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec et plusieurs organisations syndicales – se sont succédés, rappelant la dure réalité des personnes sans statut, vulnérables autant en matière de logement que dans leur travail où elles sont souvent mal payées et plus à risque de subir du harcèlement moral ou sexuel.

« Parfois on ne reçoit pas nos paies complètes. On ne peut pas se tourner vers la CNESST et l’employeur nous menace de nous dénoncer aux services d’immigration », témoigne Amel, une immigrante sans statut arrivée au Canada en 2012.

Depuis le rejet de sa demande d’asile en 2015, la jeune femme a aussi vu sa santé se dégrader : « Je vis dans l’anxiété, j’ai fait plusieurs fois des dépressions et des crises d’angoisses. Parfois, quand je tombe malade, je n’arrive pas à me faire soigner ».

Lui aussi sans statut, Mamadou Konaté, qui a fui la guerre civile faisant rage en Côte d’Ivoire, espère que le gouvernement tiendra parole. Après avoir travaillé comme préposé à l’entretien ménager dans des CHSLD pendant la pandémie, il a été arrêté en 2020 et menacé de déportation faute de statut régulier avant que la Cour fédérale n’intervienne et suspende l’expulsion.

« On travaille comme tout le monde, on contribue à la société, mais nos droits sont limités, ignorés. On travaille à gauche et à droite et on se fait facilement exploiter », relate-t-il.

L’immigration temporaire en cause

Si la régularisation est bien un enjeu crucial, Marisa Berry Méndez, responsable des campagnes à Amnistie internationale Canada francophone – également membre de la Campagne – croit que le problème prend racine dans l’approche même que le gouvernement a de l’immigration.

« C’est largement un enjeu qui a été créé par les politiques d’immigration du gouvernement qui priorisent et favorisent depuis deux décennies une multiplication des statuts, et des statuts qui sont temporaires et précaires […] qui sont faciles à perdre », explique-t-elle.

D’autres mesures pourraient donc être prises, selon elle. En s’appuyant sur les conclusions du rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage, elle souhaiterait notamment que les permis de travail fermés, c’est-à-dire liés à un seul employeur, soient abolis puisqu’ils favorisent les abus.

Par courriel, le cabinet du ministre Miller a indiqué qu’« Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) étudie les possibilités de régulariser le statut des migrants sans papiers qui contribuent aux collectivités canadiennes ».

« IRCC est en contact avec des experts universitaires et des intervenants pour appuyer ce travail. Au cours de nos travaux, nous continuerons d’écouter les experts ainsi que les personnes sans papiers elles-mêmes », a ajouté l’organisation, disant que tout nouveau développement sera communiqué publiquement.