(Saguenay) Les débats ont été houleux, mais les délégués de Québec solidaire (QS) ont adopté la déclaration de Saguenay et ont accepté d’« actualiser » et d’élaguer le programme du parti. C’était deux jalons du virage « pragmatique » souhaité par Gabriel Nadeau-Dubois et l’aile parlementaire.

Appel aux régions : la déclaration de Saguenay en bref

À la suite de sa défaite électorale en 2022, Québec solidaire a entamé une tournée des régions, où il est incapable de s’imposer. De cette tournée, la direction du parti a pondu un document politique.

  • Identité : QS réitère son attachement à l’interculturalisme, avec le français comme langue commune.
  • Économie régionale : le parti reconnaît « le rôle central de l’industrie forestière dans l’épanouissement économique de plusieurs régions du Québec ».
  • Transition juste : QS met de l’avant « le principe du zéro perte d’emploi nette à l’intérieur de chaque région » pour rassurer les travailleurs de plusieurs industries polluantes.
  • Agriculture : il reconnaît le rôle de l’Union des producteurs agricoles dans « la protection des producteurs et productrices de différentes échelles », sans toutefois régler le débat sur la fin du monopole syndical, demandé par des militants.

« On a débattu en fin de semaine avec vigueur, c’est vrai, mais avec sagesse. On a trouvé ensemble des voies de passage », a lancé le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, lors d’un discours dimanche.

Après 18 ans, il fallait sortir de notre zone de confort, il fallait qu’on écoute, pas juste les convaincus, mais les convaincables.

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

M. Nadeau-Dubois espère envoyer un « message fort aux régions du Québec » : que Québec solidaire est en faveur de la décentralisation, que le parti veut protéger la qualité de vie des travailleurs d’industries polluantes menacées par la transition énergétique, et qu’il est solidaire des producteurs agricoles « en lutte partout au Québec ».

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Gabriel Nadeau-Dubois

La co-porte-parole par intérim, Christine Labrie, a ajouté que c’était maintenant aux membres de trouver les meilleures solutions à proposer aux Québécois lors de la campagne électorale de 2026.

Mais les demandes de M. Nadeau-Dubois, dans un contexte où le parti était en crise à la suite de la démission d’Émilise Lessard-Therrien, ont provoqué une onde de choc, et les débats qui ont eu lieu lors du conseil national, samedi et dimanche, avaient déjà débuté dans les semaines précédentes dans des lettres ouvertes diffusées dans plusieurs quotidiens.

Dans l’une d’elles, une quarantaine d’ex-candidats et anciens employés ainsi que l’ancienne députée Catherine Dorion ont pris la plume pour exprimer leur crainte que la formation politique devienne « un éteignoir plutôt qu’un catalyseur d’espoir ».

Lisez la lettre « Réinventer notre démocratie en faillite »

C’est le militant de longue date André Frappier, l’un des signataires de cette missive, qui a mené la charge. Par deux fois, il a tenté par des procédures de reporter la refonte du programme et la déclaration de Saguenay. Samedi, l’ex-co-porte-parole par intérim de Québec solidaire a reculé. « On va travailler ensemble », a-t-il lancé au micro, avant d’être chaudement applaudi.

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Le vote a été très serré, mais la déclaration de Saguenay a finalement été adoptée dimanche.

Dimanche, sa deuxième proposition a été battue. La voie de passage : au lieu d’être « modernisé », le programme sera « actualisé ». Le calendrier demeure : cet élagage doit déboucher sur une plateforme électorale simplifiée prête pour 2026. La finalité reste la même : le document sera plus court, plus général, et « exposera la philosophie gouvernementale d’un éventuel gouvernement solidaire », ont exposé les porte-parole en point de presse. Les « engagements politiques trop spécifiques » qui s’y trouvent disparaîtront.

Débat sur l’UPA

Le changement de position du parti à l’égard de l’Union des producteurs agricoles (UPA) a été au centre des débats, dimanche. Les membres ont décidé de conserver la position historique des solidaires, soit s’opposer au monopole syndical, mais le parti va reconnaître le rôle de l’UPA dans « la protection des producteurs et productrices de différentes échelles » et « soutient qu’une variété de voix s’y expriment ».

Dans les faits, le débat est mis sur pause : les militants vont décider, lors de l’actualisation du programme, s’ils inscrivent à nouveau la promesse de casser le monopole de l’UPA dans leur plateforme en 2026.

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Des interventions d’une durée maximale de deux minutes ont été accordées aux membres désireux de se prononcer sur les amendements proposés.

Et l’aile parlementaire semblait convaincue que ce virage est nécessaire. Pour convaincre les militants, la députée Alejandra Zaga Mendez a porté le ballon et a résumé la question de cette façon : l’agriculture est en crise, un « mouvement social est en marche », et ce mouvement social est représenté par l’UPA. « En ce moment, plus que jamais, on doit reconnaître ce syndicat », a dit Mme Zaga Mendez aux délégués. Ce monopole est une force qui agit comme « rempart » pour protéger la souveraineté alimentaire du Québec.

Des militants s’y sont toutefois fermement opposés. Selon l’un d’entre eux, « l’UPA est un accélérateur de la destruction agricole, ils représentent fuck all ».

Une ancienne copropriétaire d’une ferme, qui a dû vendre l’an dernier, s’est portée à la défense du syndicat agricole. « Les agriculteurs rushent leur vie. Ils veulent fermer parce qu’ils ne sont pas capables. Les gens sont mobilisés et il faut les écouter. J’ai toujours l’impression qu’on infantilise les agriculteurs. Ça me dérange profondément. »

Comme n’importe quel syndicat, l’UPA est un espace démocratique pour des milliers de personnes ancré dans toutes les régions du Québec.

Une ancienne copropriétaire d’une ferme

Amendements litigieux battus

Taxer la malbouffe ? Favoriser les productions végétales ? Nationaliser le secteur du logement ou de la filière batterie ? Interdire les subventions aux multinationales comme Northvolt ? Les amendements qui dénaturaient la déclaration de Saguenay ou qui étaient plus litigieux ont été battus.

Un exemple parmi d’autres : la place que doit prendre l’industrie forestière. Le programme du parti prévoit « de placer la grande industrie forestière sous contrôle public [participation majoritaire de l’État] en envisageant, au besoin, la nationalisation complète ».

La déclaration de Saguenay la présente plutôt comme un partenaire, et précise l’importance des « emplois de qualité liés à l’exploitation des ressources naturelles ».

« L’industrie, ce n’est pas juste les grands, ce sont les petits entrepreneurs généraux qui font de la plantation et du reboisement », a noté une militante de Charlevoix.