(Saguenay) La direction de Québec solidaire, qui souhaitait un virage « pragmatique », respire mieux : les opposants à la Déclaration de Saguenay se sont ralliés et les premiers amendements la dénaturant ont été rejetés. Gabriel Nadeau-Dubois peut déjà pousser un soupir de soulagement.

Il ne restera ce dimanche matin qu’un bloc d’amendements à analyser par les militants réunis en Conseil national à Saguenay. Ils passeront ensuite au vote pour adopter le document préparé par l’aile parlementaire du parti, qui a été présenté par le co-porte-parole masculin de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, comme une première étape vers un virage « pragmatique » à la suite de la démission choc de la co-porte-parole féminine Émilise Lessard-Therrien.

Ce virage avait déclenché une fronde. Une quarantaine d’ex-candidats et anciens employés et l’ancienne députée Catherine Dorion ont pris la plume pour exprimer leur crainte que la formation politique ne devienne « un éteignoir plutôt qu’un catalyseur d’espoir ».

C’est d’ailleurs l’un des signataires de cette lettre, le militant de longue date André Frappier, qui a mené la charge au Conseil. Son objection : des points de la Déclaration de Saguenay, élément phare du virage « pragmatique », entrent en contradiction avec son programme.

La déclaration, qui provient d’une tournée des régions d’élus et de militants, stipule par exemple que « Québec solidaire reconnaît le rôle central de l’industrie forestière dans l’épanouissement économique de plusieurs régions du Québec ».

« On va travailler ensemble »

Elle indique également qu’« un gouvernement solidaire va adopter une stratégie d’adaptation des forêts aux changements climatiques, en collaboration avec les communautés touchées et l’industrie ».

Le programme actuel du parti prévoit plutôt « de placer la grande industrie forestière sous contrôle public (participation majoritaire de l’État) en envisageant, au besoin, la nationalisation complète ».

M. Frappier souhaitait donc user d’un « point d’ordre » qui aurait empêché l’aile parlementaire d’utiliser cette déclaration comme outil politique pour la transformer en simple « rapport ». À la suite d’un débat technique, l’ex-co-porte-parole par intérim de Québec solidaire est revenu sur sa manœuvre. « On va travailler ensemble », a-t-il lancé au micro, avant d’être chaudement applaudi.

Les amendements demandant la nationalisation du logement et de la filière batterie ont été largement battus. « C’est énormément d’argent », a plaidé au micro le député Haroun Bouazzi.

Pas question non plus d’exclure l’industrie forestière ou de biffer le passage sur l’importance des « emplois de qualité liés à l’exploitation des ressources naturelles ».

« L’industrie, ce n’est pas juste les grands, ce sont les petits entrepreneurs généraux qui font de la plantation et du reboisement », a noté une militante de Charlevoix.

Opposition à un « référendum contre l’immigration »

La journée a commencé par un discours des deux co-porte-parole du parti. Gabriel Nadeau-Dubois a fait valoir que l’« urgence d’agir » justifiant la modernisation de Québec solidaire s’explique par la nécessité de faire rempart au Parti québécois, qui veut selon lui transformer le projet de pays en « référendum contre l’immigration ».

« On ne peut pas laisser Paul St-Pierre Plamondon transformer ce beau et grand projet qu’est l’indépendance du Québec en un référendum contre l’immigration », a-t-il lancé, soulevant les militants réunis en Conseil national samedi à Saguenay.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Gabriel Nadeau-Dubois

M. Nadeau-Dubois estime que le chef péquiste et le premier ministre François Legault sont, malgré les apparences, « bien d’accord ». « Le logement, les écoles, le français, les services publics, peu importe le problème, pour ces deux-là, c’est toujours la faute de l’immigration », a-t-il lancé.

Il a critiqué François Legault, qui accepte le privé en santé, et le « bon vieux Parti libéral » qui s’ennuie selon lui de l’austérité, et qui a rendu hommage à l’ancien premier ministre Philippe Couillard en fin de semaine.

Ces trois partis sont différents, mais ils veulent former le prochain gouvernement au Québec. Si on est ici ensemble, c’est qu’on partage cette conviction que ce n’est pas ça qu’on veut pour le Québec.

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

La co-porte-parole par intérim, Christine Labrie, a expliqué de son côté aux militants que certaines propositions « nous sortent de nos pantoufles ».

L’ombre d’Émilise Lessard-Therrien

Malgré tout, impossible d’ignorer le contexte qui entoure la tenue de ce Conseil national. Le parti est secoué par une crise interne depuis la démission d’Émilise Lessard-Therrien de son poste de co-porte-parole féminine de Québec solidaire.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Québec solidaire se réunissait en Conseil national dans la foulée de la démission de la co-porte-parole Émilise Lessard-Therrien.

Samedi matin, Radio-Canada rapportait le contenu d’un document de 23 pages où Émilise Lessard-Therrien raconte « de long en large » les raisons qui ont mené à sa démission. Elle y montre, exemples à l’appui, que Québec solidaire n’a jamais reconnu son autorité de co-porte-parole.

Mme Labrie et M. Nadeau-Dubois ont fait acte de contrition. « C’est un échec collectif qu’on n’ait pas réussi à la soutenir », a lancé Christine Labrie. « Je regrette d’avoir échoué à prévenir son départ. J’ai ma part de responsabilité dans ce départ, et j’ai une autre responsabilité : c’est d’apprendre les bonnes leçons de ce départ. Il faut continuer de se remettre en question », a dit M. Nadeau-Dubois.