Le journaliste, politicien et homme d’affaires Yves Michaud, qu’on surnommait le « Robin des banques », est mort à l’âge de 94 ans.
M. Michaud s’est éteint mardi soir à la résidence Notre-Dame-de-la-Paix à Montréal, où il habitait. La nouvelle a été rapportée par Radio-Canada mercredi matin. Les causes de sa mort n’ont pas été précisées.
« Yves Michaud était un vrai combattant », a souligné mercredi le premier ministre François Legault.
Toute sa carrière, il s’est battu pour protéger la langue française et la culture québécoise. Il s’est aussi porté à la défense des petits actionnaires, on le surnommait le ‟Robin des banques”.
François Legault, premier ministre du Québec
Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a dit mercredi de M. Michaud qu’il a été « l’incarnation même du militant pugnace, intransigeant, rigoureux, impatient et le cœur gros de même dans l’espoir de toucher au pays du Québec, un pays qu’il voulait au service des gens plutôt que de la haute finance », a-t-il dit.
Le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, a quant à lui souligné le fait que c’était un « indépendantiste de la première heure » épris de justice sociale.
Né à Saint-Hyacinthe en 1930, Yves Michaud a d’abord fait carrière dans le monde du journalisme. Il a été notamment rédacteur en chef et directeur général du journal La Patrie de 1962 à 1966.
En 1966, il a fait le saut en politique et a été élu député libéral de Gouin. En désaccord avec le dépôt d’un projet de loi sur la langue française, il a claqué la porte en 1969, et a siégé comme indépendant. Défait en 1970, il a tenté ensuite sans succès de se faire élire sous la bannière du Parti québécois dans Bourassa en 1973.
« Une perte pour le Québec »
M. Michaud a aussi occupé diverses fonctions diplomatiques et a laissé sa marque dans la fonction publique. Il a travaillé en tant que haut-commissaire à la Coopération au ministère des Affaires intergouvernementales et a occupé le siège de délégué général du Québec à Paris de 1979 à 1984.
Yves Michaud a aussi fondé en 1995 le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MEDAC), destiné à faire valoir les droits des petits actionnaires face aux institutions financières, ce qui lui a valu son célèbre surnom.
L’ancien ministre péquiste Claude Morin a connu Yves Michaud dans les années 1960. « Il était devenu un ami personnel. C’était un personnage éveillé, il se posait des questions, il arrivait avec des solutions. C’était un homme sincère, honnête. C’est une perte pour le Québec », dit-il.
M. Michaud était aussi un « très grand ami » de René Lévesque. « On jouait aux cartes ensemble ici à la maison », se souvient M. Morin.
Martine Tremblay, qui a été la dernière des chefs de cabinet de René Lévesque, se souvient qu’Yves Michaud était capable d’être « drôle et incisif », notamment en présence de M. Lévesque.
[Yves Michaud] était l’un des rares à tutoyer René Lévesque, qui le tutoyait en retour, alors qu’il ne tutoyait pratiquement personne. Ils avaient une relation qui pouvait être parfois chaude, parfois froide, mais ils avaient une grande familiarité.
Martine Tremblay, ancienne cheffe de cabinet de René Lévesque
Louise Harel, ancienne cheffe de l’opposition et ministre du Parti québécois, note que M. Michaud était un homme « généreux » qui l’a aidée dans sa carrière. « J’ai pu bénéficier de ses conseils à Paris, car j’y suis allée à quelques reprises en tant que présidente de l’Assemblée nationale. C’était un homme accessible, d’une grande simplicité. »
« La motion scélérate »
Yves Michaud est mort sans avoir reçu d’excuses de l’Assemblée nationale pour une « motion scélérate », qui l’accusait injustement d’avoir tenu des propos antisémites, en 2000.
Cette année-là, l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité, sans préavis ni débat, une motion pour condamner des propos antisémites que M. Michaud n’a pas tenus.
La députée de Québec solidaire Ruba Ghazal, qui a remis une médaille de l’Assemblée nationale à M. Michaud il y a deux ans, dit « regretter que l’Assemblée nationale n’ait jamais réparé l’erreur qu’elle a commise » à l’endroit « d’un grand Québécois ». Paul St-Pierre Plamondon est du même avis.
Plusieurs élus de l’époque se sont excusés depuis, mais pas l’Assemblée nationale.
Dans une lettre publiée en 2021, l’ex-première ministre Pauline Marois et une trentaine d’ex-élus, comme le libéral Jean-Marc Fournier et le péquiste François Gendron, demandaient à l’Assemblée nationale de réparer cette erreur.
« Ces propos n’ont pas été vérifiés au préalable et M. Michaud n’a pas eu l’occasion de se faire entendre de l’Assemblée nationale, contrairement aux exigences fondamentales du respect du droit à la justice », notaient les auteurs.
Cette « motion scélérate » a été un des combats de sa vie. En 2020, en entrevue avec La Presse, il déplorait que « l’Assemblée nationale, en 20 ans, n’ait pas trouvé un seul moment pour s’excuser ». Il avait alors perdu l’espoir de recevoir des excuses avant sa mort. « J’ai l’impression que je vais emporter cette saloperie dans ma tombe », avait-il dit.
Lisez la chronique « La dernière chance d’Yves Michaud »En 2020, une motion avait été déposée par le Parti québécois pour effacer cette erreur, mais la Coalition avenir Québec avait refusé son dépôt. La ministre Martine Biron a affirmé que le fait que M. Michaud n’ait jamais obtenu réparation l’a peiné. « C’est vrai que j’aurais dû me faire une tête là-dessus. Ça a été son grand souhait », a-t-elle dit.
Avec la collaboration d’Hugo Pilon-Larose, La Presse
Yves Michaud en six temps
1930
Naissance à Saint-Hyacinthe
1962 à 1966
Directeur général du journal La Patrie
1966
Élection dans la circonscription de Gouin comme député pour le Parti libéral du Québec
1979 à 1984
Délégué général du Québec à Paris
1995
Fonde le Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires
2024
Mort à Montréal à l’âge de 94 ans