Plus d’un cinquième des installations hébergeant des enfants sous la protection de la jeunesse au Québec sont dans un état de vétusté important, selon un bilan du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) obtenu par La Presse.

Des 139 centres de réadaptation (centres jeunesse) et foyers de groupe de la province, 19 sont dans un état de vétusté considéré comme « mauvais » (cote D) et 11 dans un état « très mauvais » (cote E). C’est-à-dire que leurs infrastructures présentent « un niveau élevé à très élevé de dégradation et de défectuosité » et que l’immeuble a besoin de travaux « importants et parfois urgents ».

À Laval, 5 des 14 unités d’hébergement de l’île sont en mauvais état, selon le MSSS. Deux de ces unités se trouvent au centre de réadaptation (centre jeunesse) Cartier. La Presse a révélé lundi que par manque de place, le CISSS de Laval devait y installer des « enfants tannants » dans des locaux ayant l’apparence de cellules de prison. Deux enquêtes sont en cours à ce sujet ⁠1.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Seule une base de lit en béton meuble l’espace où sont mis en retrait certains jeunes au centre de réadaptation Cartier, à Laval, qui a un indice de vétusté « mauvais », selon le MSSS.

En 2021, le CISSS de Laval a déposé un projet de modernisation pour l’ensemble de ses installations jeunesse. Selon ce plan, les chambres du centre de réadaptation Cartier sont « non adaptées aux besoins des jeunes (vétustes, mal aménagées et sans fenêtres) ». Représentante nationale de l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) à Laval, Natacha Pelchat affirme que la vétusté des locaux a un impact sur le travail des intervenants.

Si le milieu n’est pas adéquat, je ne peux pas répondre aux besoins des jeunes et leur donner toutes les options possibles pour passer au travers. Plus les années passent et plus on doit innover avec rien.

Natacha Pelchat, représentante nationale de l’APTS à Laval

En Outaouais, cinq des neuf unités d’hébergement jeunesse sont considérées comme en mauvais état alors que dans les Laurentides, quatre unités sur cinq sont dans la même situation. Les centres de réadaptation d’Huberdeau et de Sainte-Agathe ont notamment le pire indice de vétusté du MSSS (cote E). Le centre de réadaptation de Saint-Jérôme, qui a aussi la cote E, n’est toutefois plus utilisé depuis trois ans.

Une intervenante qui a œuvré dans plusieurs centres de réadaptation des Laurentides, mais qui ne veut pas divulguer son identité par peur des représailles, mentionne que le centre de réadaptation de Sainte-Agathe est « quasiment comme une prison ». « C’est déshumanisant, cet environnement. C’est à pleurer. […] Les chambres sont minuscules, les enfants n’ont tellement pas de place dans leurs chambres qu’ils doivent mettre tout leur stock dans des casiers à l’extérieur. » Un projet de nouveau centre de réadaptation à Sainte-Thérèse est toutefois en construction et plusieurs unités des centres vétustes des Laurentides y seront déménagées.

Toit qui coule à Montréal

Sur le territoire du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, 12 des 24 unités d’hébergement jeunesse sont vétustes, selon le MSSS. Plusieurs unités se trouvent au centre de réadaptation du Mont-Saint-Antoine, qui avait fait les manchettes l’an dernier⁠2. Ce centre obtient la cote E.

  • Cette photo datant du printemps dernier montre la vétusté au centre de réadaptation du Mont-Saint-Antoine, dans l’est de Montréal.

    PHOTO FOURNIE PAR L’APTS

    Cette photo datant du printemps dernier montre la vétusté au centre de réadaptation du Mont-Saint-Antoine, dans l’est de Montréal.

  • Cette photo datant du printemps dernier montre la vétusté au centre de réadaptation du Mont-Saint-Antoine, dans l’est de Montréal.

    PHOTO FOURNIE PAR L’APTS

    Cette photo datant du printemps dernier montre la vétusté au centre de réadaptation du Mont-Saint-Antoine, dans l’est de Montréal.

  • Cette photo datant du printemps dernier montre la vétusté au centre de réadaptation du Mont-Saint-Antoine, dans l’est de Montréal.

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    Cette photo datant du printemps dernier montre la vétusté au centre de réadaptation du Mont-Saint-Antoine, dans l’est de Montréal.

  • Cette photo datant du printemps dernier montre la vétusté au centre de réadaptation du Mont-Saint-Antoine, dans l’est de Montréal.

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    Cette photo datant du printemps dernier montre la vétusté au centre de réadaptation du Mont-Saint-Antoine, dans l’est de Montréal.

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« Au Mont-Saint-Antoine, le toit a coulé, il y a de la moisissure, les tuiles du plafond sont manquantes, souillées […], vivre là-dedans, c’est inconcevable pour des jeunes et c’est difficile d’y travailler pour nos intervenants », commente la présidente de l’exécutif local de l’APTS au CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, Julie Houle.

Directrice de la protection de la jeunesse du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal, Assunta Gallo indique que d’ici 2026, 15 millions seront investis pour corriger la situation au Mont-Saint-Antoine. À terme, les bâtiments seront modernisés, les toits seront refaits, les fenêtres changées, les salles de bains et cuisines rénovées. Les travaux sont déjà commencés, assure Mme Gallo. « J’ai la responsabilité de m’assurer que les conditions de vie là-bas sont correctes », dit-elle.

PHOTO FOURNIE PAR L’APTS

L’afflux de jeunes au centre de réadaptation de Lanaudière à Joliette est tel qu’on y a construit une unité de débordement dans le gymnase.

Le centre de réadaptation de Lanaudière à Joliette est aussi considéré comme en mauvais état (cote D). Représentant national de l’APTS pour la région de Lanaudière, Steve Garceau affirme qu’à la vétusté du bâtiment s’ajoute un important débordement du nombre d’usagers. Le gymnase de ce centre a été réquisitionné pour en faire des chambres à l’aide de paravents, affirme-t-il.

On est pris dans un système qui n’a jamais évolué. À l’époque, le mandat était plus carcéral, maintenant on a des cas de santé mentale, de la grosse négligence. Il va falloir faire un chantier massif pour adapter ces milieux de vie.

Steve Garceau, représentant national de l’APTS pour la région de Lanaudière

En Montérégie, deux unités d’hébergement jeunesse sur 11 sont en mauvais état (cote D), soit les campus de Longueuil et de Saint-Hyacinthe du centre de réadaptation de la Montérégie. « On se retrouve avec des bâtisses toutes construites au même moment, qu’on n’a pas vraiment entretenues et qui ont des problématiques pour lesquelles les investissements sont devenus majeurs, affirme Joëlle Lavoie-Vigeant, représentante nationale de l’APTS en Montérégie-Est. On sort ces enfants-là de milieux inadéquats et on les met dans ces bâtisses-là, ça leur envoie un message plutôt contradictoire… »

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le campus de Longueuil du centre de réadaptation de la Montérégie a un indice de vétusté « mauvais », selon le MSSS.

Des projets en cours, une analyse à venir

Au MSSS, on affirme que chaque année, les CISSS et CIUSSS reçoivent des sommes « pour réaliser des projets pour contrer la vétusté physique et fonctionnelle » de leurs centres. Ce sont les établissements qui « ont la responsabilité de gérer les priorités et de s’assurer de la sécurité et de la pérennité des installations ».

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

La salle de jeu du centre de réadaptation Cartier n’a pas de fenêtre et a connu des jours meilleurs.

Par exemple, le CISSS de Laval a investi pour rénover les unités de vie du centre de réadaptation Cartier en 2019, note le MSSS. D’autres phases de travaux sont prévues jusqu’en 2025. « Ces travaux jumelés à d’autres travaux de maintien d’actifs […] contribueront à améliorer la qualité et la sécurité des lieux », affirme le MSSS.

Au cours des dernières années, 19 installations d’hébergement jeunesse « ont été refaites partiellement ou complètement » au Québec, selon le Ministère. Trois projets de construction de centres de réadaptation jeunesse sont également inscrits au Plan québécois des infrastructures.

Le MSSS précise que l’indice de vétusté « concerne les éléments techniques du bâtiment » comme la toiture et les fenêtres, et que « les aménagements et les aspects fonctionnels des unités ne sont pas couverts par cette évaluation ».

Au cours des prochaines semaines, le MSSS compte entamer une démarche pour évaluer les éléments qui touchent directement la vie des enfants, comme les chambres et la cour extérieure. Pour Sébastien Pitre, responsable national de la protection de la jeunesse à l’APTS, il est urgent d’avoir « du concret pour améliorer les conditions de vie des enfants ».

1. Lisez le dossier « Des “tannants” en retrait dans des cellules » 2. Lisez l’article « Centre de réadaptation de la DPJ : sous des bâches pour l’hiver »