(Montréal) Québec est une fois de plus blâmé par le Tribunal administratif du travail pour son attitude face à des syndicats dans la santé et les services sociaux. Il devra leur verser 65 000 $ à titre de dommages punitifs.

Le Tribunal juge aussi que Québec a entravé les activités des trois organisations syndicales plaignantes : l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et deux fédérations affiliées à la CSN, en santé et services sociaux et représentant des professionnels.

Il déclare aussi que Québec a manqué à son obligation de négocier de bonne foi.

Dans son jugement, le Tribunal écrit que le ministère de la Santé, le ministre Christian Dubé et le comité patronal de négociation « persistent à reproduire un comportement illégal et antisyndical ». Il évoque une conduite « répréhensible » qui est « en passe d’être un modus operandi ».

Cette fois-ci, la plainte des syndicats avait trait à une directive ministérielle de verser un montant forfaitaire de 900 $ pour permettre d’acquitter le coût d’adhésion à un ordre professionnel, mais seulement pour certains intervenants en protection de la jeunesse, soit ceux qui travaillaient au service d’évaluation/orientation.

Québec voulait ainsi attirer des travailleurs dans ce service d’évaluation/orientation, afin de réduire la liste d’attente qui atteignait un sommet.

Toutefois, la mesure temporaire avait été décidée unilatéralement par Québec. Les syndicats concernés n’avaient rien pu négocier. Ils avaient été placés devant le fait accompli, relate le juge administratif Pierre-Étienne Morand.

« Les représentants patronaux ont ignoré, contourné et écarté les interlocuteurs syndicaux avec lesquels la loi leur impose de transiger », écrit-il.

« Il en est résulté, dès le 8 mai 2023, une modification aux conditions de travail, imposée par la seule volonté patronale », ajoute-t-il.

Qui plus est, le remboursement des cotisations aux ordres professionnels faisait partie des demandes syndicales, dans le cadre de la négociation pour le renouvellement des conventions collectives.

« Le manquement à l’obligation de négocier avec diligence et bonne foi saute aux yeux », écrit encore le juge administratif.

Le ministère, le comité patronal de négociation, les établissements de santé et le ministre « ont déjà été sanctionnés pour avoir commis des gestes similaires, faisant fi de l’interlocuteur syndical obligé », ajoute le juge administratif Morand, citant d’autres décisions du même ordre remontant à 2021 et 2022.

Il note aussi qu’à l’époque, en 2023, ces syndicats étaient « plus vulnérables qu’à l’habitude », puisque les négociations pour le renouvellement des conventions collectives avaient débuté.

Devant le tribunal, Québec avait plaidé l’urgence vu la liste d’attente en évaluation/orientation à la DPJ. Mais le Tribunal a répondu que cette liste ne datait pas de la veille.

Le Tribunal administratif du travail ordonne donc au ministère, au comité patronal de négociation et au ministre Dubé de cesser d’entraver les activités de ces syndicats et de payer une somme de 15 000 $ à l’APTS – la somme demandée – et de 25 000 $ à chacune des deux fédérations de la CSN, soit 65 000 $ au total.

Québec a pris acte de la décision du tribunal. « Lorsqu’un signalement est fait à la DPJ, il est urgent d’agir pour assurer le bien-être des enfants. C’est l’importance de déployer les ressources nécessaires rapidement qui a dicté nos actions à ce moment-là. Les syndicats ont décidé de poursuivre le gouvernement pour cela. C’est leur droit. »