(Ottawa) Les grands syndicats de la fonction publique fédérale promettent la guerre au gouvernement Trudeau contre le retour au bureau trois jours par semaine. Ils sont furieux de ne pas avoir été consultés et appellent le Nouveau Parti démocratique (NPD) à faire reculer le gouvernement dans le cadre de son entente avec les libéraux.

« Le gouvernement libéral de Trudeau doit se préparer à un été de mécontentement sous quelque forme que ce soit, que ce soit aux frontières ou à l’aéroport », a lancé le président national de l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC), Chris Aylward, en conférence de presse mercredi. Il veut également encourager ses membres à déposer des « dizaines de milliers de griefs ».

Le syndicat qui représente 240 000 membres tient actuellement des votes de grèves pour les employés de l’Agence des services frontaliers du Canada. La politique de retour au travail en personne ne touche pas les agents aux postes frontaliers, mais concerne les autres employés de l’administration.

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Le président national de l’Alliance de la fonction publique du Canada, Chris Aylward

Le Conseil du Trésor a émis une nouvelle directive la semaine dernière pour que les fonctionnaires qui travaillent en mode hybride se rendent au bureau au moins trois jours par semaine au lieu de deux à compter du 9 septembre. Les cadres devront faire acte de présence quatre jours par semaine.

L’AFPC, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC), l’Association canadienne des employés professionnels (ACEP) et l’Association canadienne des agents financiers (ACAF) s’y opposent, d’autant que le gouvernement a annoncé son intention dans le dernier budget fédéral de se départir de nombreux édifices pour créer du logement.

Ils accusent le gouvernement d’avoir fait fi des lettres d’entente conclues l’an dernier avec le Conseil du Trésor sur le télétravail afin de répondre à la demande du premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, et du maire d’Ottawa, Mark Sutcliffe, inquiets pour l’économie du centre-ville de la capitale fédérale.

Leur position étonne le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux. « C’est un peu étonnant parce que les fonctionnaires ont quand même de bonnes conditions de travail », avance-t-il en entrevue.

Productivité des fonctionnaires

Les quatre grands syndicats dénoncent des espaces inadéquats où il n’y a plus suffisamment de bureaux pour tous les employés et qui sont infestés par la vermine. Rien n’indique que le télétravail nuit à la productivité au contraire, ajoutent-ils, puisqu’ils ont moins de distractions et qu’ils peuvent ainsi abattre davantage de travail chaque jour.

M. Giroux dit avoir posé la question au Conseil du Trésor sur la productivité des fonctionnaires en mode hybride. « La réponse qu’on a eue, c’est qu’ils ne mesurent pas la productivité des gens en télétravail ou encore en présentiel, en disant que c’est assez difficile de la mesurer », rapporte-t-il.

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Le directeur parlementaire du budget, Yves Giroux

Mais je suis pas mal certain que les ministères individuels sont capables de déterminer assez facilement combien de passeports, par exemple, un employé typique est capable [de délivrer] par semaine ou par jour. La même chose pour l’Agence du revenu. Ils doivent être capables de mesurer ces choses-là.

Yves Giroux, directeur parlementaire du budget

Dans une lettre adressée à la présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand, 16 syndicats réclament l’« annulation immédiate » du retour à trois jours par semaine au bureau.

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La présidente du Conseil du Trésor, Anita Anand

La ministre Anita Anand a fait valoir que cet enjeu relève du droit de gestion de l’employeur. « C’est une décision qui reste avec le service public et les ministères », a-t-elle affirmé en mêlée de presse.

Dans une lettre, ils demandent au chef du NPD, Jagmeet Singh, de « reconsidérer » la position de son parti et « de faire un geste déterminant » dans le cadre de l’entente entre les libéraux et les néo-démocrates.

« Le plus troublant, c’est que le Nouveau Parti démocratique du Canada continue de soutenir un gouvernement qui méprise de façon aussi flagrante les droits et le bien-être des travailleuses et des travailleurs », écrivent-ils.

M. Singh n’est pas prêt pour l’instant à déchirer l’entente avec les libéraux. « On va utiliser notre pouvoir pour appuyer les travailleurs », a-t-il dit.

Le travail à distance avait été implanté au début de la pandémie de COVID-19 en mars 2020 pour éviter la propagation du virus. Trois ans plus tard, il est passé à un modèle de travail hybride à deux ou trois jours par semaine.