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Nos objectifs de réduction de GES ont-ils pris en compte l’augmentation exponentielle de la population ?
— Richard Champagne

Oui, mais certains démographes estiment que les projections sous-estiment la population future de la planète.

Plus il y a d’humains, plus il y a d’émissions de gaz à effet de serre (GES), dit Marian Starkey, vice-présidente de Population Connection, une ONG de Washington dont la mission est d’éviter la surpopulation de la Terre. Donc la chose à faire, tant sur le plan de la richesse des pays que de la lutte contre les changements climatiques, c’est de faire en sorte que la population mondiale cesse de croître, explique-t-elle.

Population Connection est persuadée que les prévisions démographiques surestiment la chute de la fécondité dans les pays africains, dans les décennies à venir. Les projections du GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU] se basent sur ces prédictions démographiques. Mais si elles sous-estiment la population future, c’est un problème, selon Mme Starkey.

Mme Starkey cite notamment une récente étude de Jane O’Sullivan, agronome de l’Université du Queensland en Australie, dont les travaux sur les pays en voie de développement ont mené à une croisade contre la surpopulation et les discours déplorant le vieillissement de la population. Publiée l’automne dernier dans la revue World, l’étude note que dans plusieurs pays touchés par la guerre, notamment le Soudan, la République démocratique du Congo, l’Afghanistan et le Mali, la fécondité augmente au lieu de diminuer.

On parie sur une diminution de la fécondité en Afrique, mais tout dépend de l’éducation des femmes et de l’accès aux programmes de planning familial, explique la chercheuse de l'ONG de Washington. Et avec les assauts mondiaux contre la liberté reproductive, par exemple aux États-Unis, les perspectives ne sont pas encourageantes, selon elle.

L’hiver dernier, des démographes de l’Université de Washington financés par la fondation Gates ont annoncé un pic de 9,7 milliards en 2064, suivi par une baisse à 8,8 milliards d’ici la fin du siècle, à cause d’un « effondrement de la fécondité », un qualificatif contesté par Population Connection puisque « 8,8 milliards de personnes est supérieur à la population actuelle ».

Population Connection a été fondée il y a 50 ans, au moment où la population mondiale connaissait une augmentation sans précédent.

Inquiétante, la chute de la fécondité ?

À l’inverse, certains économistes avancent que la chute de la fécondité, non seulement dans les pays riches, mais aussi dans des pays émergents comme la Chine, minera la lutte contre les changements climatiques. « Dans toutes les espèces vivantes, la survie de l’espèce est liée à la capacité de se reproduire », explique Michael Platt, un neuroéconomiste de l’Université de Pennsylvanie qui vient de publier, dans Nature Mental Health, un essai sonnant l’alarme sur la chute de la fécondité.

« Je pense que la crise de la fécondité est liée à un sentiment de désespoir face aux inégalités économiques grandissantes, qui va diminuer la pulsion de survie de l’humanité, dit M. Platt. Sans ce désir de survivre, comment aurons-nous l’énergie et l’imagination nécessaires pour trouver les réponses aux changements climatiques ? »

À cette analyse, plusieurs répondent que le salut de la Terre passe par la décroissance économique. Mme Starkey nuance cette avenue : historiquement, les pays sont devenus plus riches en ayant moins d’enfants, dit-elle. Elle estime qu'il reste à démontrer que les pays dont la population stagne sont en péril sur le plan économique. Elle pense plutôt que cela mènera plutôt à une hausse de la productivité, et il y a toujours l’immigration pour faire croître la population.

Une version précédente de cet article attribuait à Marian Starkey des propos tirés d'un communiqué de presse de Population Connection.

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  • 2,2 %
    Augmentation de la population mondiale en 1963
    Source : Forum économique mondial
    0,9 %
    Augmentation de la population mondiale en 2020
    Source : Forum économique mondial