Le gouvernement Legault et le Front commun dressent la table pour Noël. Des projets d’entente de principe sur les conditions de travail ont maintenant été conclus avec environ 85 % des 420 000 travailleurs. Et des négociations intensives se sont tenues toute la nuit à la table centrale, laissant croire à un accord possible ce dimanche au sujet des augmentations de salaire.

Au lendemain de l’entente de principe avec les 95 000 enseignants de la CSQ, les dominos se sont mis à tomber rapidement samedi. Québec s’est entendu en soirée avec le plus important syndicat du secteur de la santé, la Fédération de la santé et des services sociaux de la CSN (FSSS-CSN) et plusieurs syndicats du réseau de l’éducation.

Puis au petit matin dimanche, une entente a annoncé avec l’Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux (APTS) et ses 65 000 membres.

Trois autres syndicats affiliés à la CSQ ont ensuite annoncé en avant-midi être également parvenus à une entente avec le gouvernement, soit la Fédération du personnel de soutien de l’enseignement supérieur (FPSES-CSQ), la Fédération de la santé du Québec (FSQ-CSQ) et la Fédération du personnel de soutien scolaire (FPSS-CSQ).

Ces accords aux tables sectorielles, portant sur les conditions de travail, touchent plus de 360 000 des 420 000 travailleurs du Front commun intersyndical (CSN, FTQ, CSQ et APTS).

Mercredi dernier, le Front commun a menacé de lancer une grève générale illimitée en janvier à défaut de règlement d’ici la fin de l’année. Ses membres ont débrayé 11 jours à l’automne, en trois épisodes (une journée, puis trois, et enfin sept). Mais le discours était loin d’être guerrier samedi : on reconnaissait que les négociations progressent très bien.

Les voyants étaient au vert aux tables sectorielles comme à la table centrale. Un règlement d’ici au 25 décembre est possible, disait-on en coulisses.

De son côté, le gouvernement Legault a rappelé samedi que son objectif est d’obtenir une entente avant Noël, autre signe que l’atteinte de la cible paraît possible.

Par ailleurs, un blitz de négociation était en cours avec la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui ne fait pas partie du Front commun et dont les membres sont en grève depuis un mois. Pas question de signer une « entente à rabais » en dépit de l’objectif de conclure un règlement avant le 25 décembre, a prévenu sa présidente.

La Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec (FIQ), qui ne fait pas partie non plus du Front commun, a quant à elle annoncé qu’elle poursuivait les négociations en présence d’un conciliateur nommé mardi dernier.

Ententes dans le secteur de la santé

Le gouvernement a frappé un grand coup dans le secteur de la santé avec une entente de principe à la plus grosse table sectorielle du secteur public, celle concernant les 120 000 travailleurs de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN).

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Piquet de grève devant l’hôpital Notre-Dame, à Montréal, le 6 novembre

Cet accord, qui concerne les conditions de travail, devra être soumis aux délégués syndicaux pour être entériné avant d’être présenté aux membres de la FSSS-CSN lors de futures assemblées générales. Or, le syndicat prévient que les délégués ne seront informés de son contenu que « lorsque nous aurons une entente de principe à la fois pour la table sectorielle et la table centrale ».

Les détails de la nouvelle entente demeurent pour l’instant confidentiels. Selon le gouvernement, elle assurera notamment « une meilleure conciliation du travail et de la vie personnelle » et permettra d’« améliorer l’offre de service pendant les quarts de travail défavorables avec de meilleures conditions de travail ».

Le « problème » reste toutefois « entier » en ce qui a trait aux questions salariales, soutient le syndicat.

Après un blitz de négociation toute la nuit, l’APTS est parvenue à une hypothèse de règlement avec Québec. Membre du Front commun, le syndicat représente 65 000 membres, soit la majorité du personnel professionnel et technique du secteur public de la santé et des services sociaux du Québec.

« Depuis un peu plus d’un an, nous travaillons d’arrache-pied pour obtenir une amélioration des conditions d’exercice et de pratique des professionnel·le·s et des technicien·ne·s membres de l’APTS ainsi qu’une meilleure reconnaissance de leur expertise afin de lutter contre la pénurie de main-d’œuvre et la surcharge de travail dans notre réseau public », a déclaré Robert Comeau, président de l’APTS dans un communiqué dimanche matin.

« Les gains obtenus aujourd’hui favoriseraient l’attraction et la rétention au sein de nos 108 titres d’emploi », précise M. Comeau dont le syndicat est membre du front commun intersyndical dans les présentes négociations du secteur public.

Une situation détonne : aucun syndicat de la FTQ n’avait encore annoncé d’entente avec le gouvernement aux tables sectorielles.

Des avancées en éducation

Les pourparlers ont débouché samedi soir à plusieurs tables sectorielles du secteur de l’éducation.

Après plusieurs jours d’intensification des discussions, la Fédération des professionnelles et professionnels de l’éducation du Québec (FPPE-CSQ), qui regroupe 12 400 membres, est arrivée à une proposition de règlement global avec l’employeur. Idem pour la Fédération du personnel professionnel des collèges (FPPC-CSQ), qui regroupe la majorité du personnel professionnel des cégeps.

Toujours à une table sectorielle, Québec s’est entendu samedi soir avec les 20 500 membres de l’Alliance des professeurs de cégep, qui regroupe les syndicats affiliés à la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN) et à la Fédération des enseignantes et enseignants de cégep (FEC-CSQ).

Le comité de négociation du secteur scolaire de la Fédération des employées et employés de services publics (FEESP-CSN), qui représente 35 000 employés de soutien scolaire dans toute la province, s’est également entendu avec le gouvernement sur une hypothèse d’entente de principe. Vers minuit, la Fédération des professionnèles de la CSN (FP-CSN) a annoncé deux hypothèses d’entente de principe pour plus de 6200 membres œuvrant dans le réseau de la santé et des cégeps. Il y a eu entente par la suite avec les 6000 employés de soutien dans les cégeps de la CSN.

Résultat : la CSN a une hypothèse d’entente de principe à toutes ses tables sectorielles.

Les négociations entre Québec et la FAE se sont intensifiées au cours de la nuit dernière. « Ç’a été intensif depuis [vendredi], ça travaille fort, mais il y a encore des discussions à avoir, des sujets à négocier, donc je vais me réserver », a confirmé la présidente de la FAE, Mélanie Hubert, en entrevue à l’émission Les faits d’abord, à Radio-Canada. Notons que les chefs syndicaux du Front commun ont annulé à la dernière minute leur passage à cette émission.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Mélanie Hubert, présidente de la Fédération autonome de l’enseignement

« On a toujours eu l’objectif d’avoir une entente avant les Fêtes, mais on ne signera pas une entente à rabais », a réitéré Mme Hubert, questionnée pour savoir si la FAE et ses 66 500 membres pourraient poursuivre leur grève générale illimitée après les Fêtes.

Mélanie Hubert n’hésite pas à qualifier de « blitz » les négociations qui se déroulent actuellement « vu qu’on a travaillé en heures assez continues ». Autrement, ni le gouvernement ni la FAE n’ont souhaité commenter officiellement l’état d’avancement des négociations.

Une réaction en demi-teinte

La pression a monté d’un cran vis-à-vis de la FAE après l’annonce du début d’un blitz de négociation entre le gouvernement et la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ).

Ce syndicat, qui représente 60 % des enseignants, a finalement annoncé vendredi soir que ses délégués avaient entériné un projet de règlement convenu avec le gouvernement au cours de la nuit précédente. Cette entente de principe doit être présentée aux membres de la FSE-CSQ « après les Fêtes », selon ce qu’a indiqué sa présidente, Josée Scalabrini.

Lisez l’article « Un syndicat s’entend, l’autre attend »

La nouvelle d’une entente avec la FSE-CSQ vendredi a été reçue en demi-teinte par plusieurs enseignants de la FAE parmi les quelque 200 à 300 venus chercher des denrées dans une salle des Chevaliers de Colomb de LaSalle, à la veille du réveillon de Noël.

Certains ont insisté sur l’importance de ne pas signer « une convention à rabais ». « Je ne perds pas espoir, je me dis qu’on n’a pas fait tout ça pour rien », a résumé Sandrine Décarie-Robillard, ajoutant être « fière » de la position qu’a maintenue la FAE jusqu’ici.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Des centaines d’enseignants se sont rendus samedi dans un centre des Chevaliers de Colomb à LaSalle, où avait lieu une distribution de denrées.

D’autres étaient plus amers vis-à-vis de l’entente conclue par le syndicat concurrent, qui a tenu moitié moins de jours de grève. « [La FSE], ils ne se lèvent pas en disant : « On va profiter de leur combat. » Mais oui, c’est notre combat qui les a amenés là. Oui, c’est plus facile pour eux d’arriver et il y a déjà des acquis, on est déjà rendu là », estime Mathieu Lepage.

« Peut-être que les demandes étaient moins audacieuses que [celles de] la FAE et qu’une entente était donc plus facile ? », a nuancé pour sa part Emmanuelle Pin.

Je n’ai pas de rancœur par rapport à la FSE, je crois qu’elle a fait ce qu’il y avait à faire pour la majorité des enseignants.

Emmanuelle Pin

La vue de cette immense file d’enseignants privés de salaire depuis plusieurs semaines a fait dire à l’une des organisatrices de cette distribution, Céléna Du Nord, que « personne ne s’attendait à ce qu’on se rende là ».

« C’est triste à voir qu’on est poussés à ce point-là, parce que oui, il y a des demandes qui vont nous aider dans notre profession, mais on la fait pour le bien-être des jeunes, cette grève-là. »