Le gouvernement Legault en est finalement venu à une entente de principe avec le plus gros syndicat d’enseignants, vendredi. Ses membres sont appelés à l’entériner après les Fêtes au moment où leurs collègues de la Fédération autonome de l’enseignement, en grève, attendent toujours les résultats d’un blitz de négociation.

Les délégués de la Fédération des syndicats de l’enseignement (FSE-CSQ), qui représente 60 % des enseignants et qui fait partie du Front commun, avaient été convoqués vendredi après-midi à Québec.

Ils ont alors entériné le projet de règlement qui leur avait été présenté, fruit d’un blitz de négociation lancé la veille qui s’était poursuivi jusqu’à tard dans la nuit, vendredi matin.

« Quand on regarde nos trois grandes priorités — la composition de la classe, l’allégement de tâche, la rémunération —, les pas qu’on a faits nous permettent de penser qu’on a atteint nos objectifs même si on ne pourra pas régler tous les problèmes du système d’éducation par la négociation, parce que c’est plus vaste que ça, les problèmes qu’on a en éducation », a affirmé la présidente de la FSE-CSQ, Josée Scalabrini, dans une vidéo sur Facebook en fin de soirée.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

La présidente de la Fédération des syndicats de l’enseignement, Josée Scalabrini

Prochaine étape : les quelque 95 000 enseignants membres du syndicat seront appelés à se prononcer dans le cadre d’assemblées générales locales à des dates qui n’ont pas encore été précisées vendredi soir, mais qui mèneront à « après les Fêtes », toujours selon Mme Scalabrini.

Affectations en août, aides à la classe, permanences

Les détails de l’entente de principe, qui concerne essentiellement les conditions de travail, n’ont pas été dévoilés dans l’immédiat par la FSE-CSQ. Mais selon nos informations, elle prévoit notamment que l’affectation des classes aux enseignants se fera dorénavant début août, alors que le gouvernement souhaitait que cela se fasse plus tôt dans l’été.

Une entrée en fonction devancée des quelque 4000 aides à la classe promis par le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, est également prévue, tout comme l’ouverture d’un grand nombre de postes permanents pour des enseignants qui n’ont pas de charge complète.

L’entente de principe concerne également les quelque 8000 enseignants des commissions scolaires anglophones du Québec représentés par l’Association provinciale des enseignantes et enseignants du Québec (APEQ-QPAT).

Le gouvernement n’a pas souhaité commenter le dossier vendredi soir.

Et la grève du Front commun ?

L’adoption de cette entente de principe viendrait sceller l’essentiel des nouveaux contrats de travail de l’ensemble des enseignants.

La FAE pourrait modifier certains éléments secondaires avec sa propre entente ; c’est ce qui s’était produit lors de la précédente ronde de pourparlers, alors que la FAE, sous la gouverne de Sylvain Mallette, avait été la première à s’entendre avec le gouvernement et que la FSE-CSQ avait conclu son propre accord par la suite.

Il est vrai qu’une entente sectorielle porterait principalement sur les conditions de travail. Mais elle toucherait également le salaire : il est acquis que l’échelle salariale sera revue à la hausse.

À cette bonification s’ajoutera la hausse salariale que tous les employés de l’État obtiendront à la suite d’une éventuelle entente à la table centrale, où le Front commun (CSN, FTQ, CSQ et APTS) et le gouvernement négocient toujours.

« Tout ce qui est salaire, assurances, congés parentaux, disparité régionale, ce n’est pas réglé, et ça, il faudra attendre pour avoir ces résultats-là en Front commun », a d’ailleurs rappelé la présidente de la FSE-CSQ, Josée Scalabrini, toujours dans sa vidéo publiée vendredi soir.

Par communiqué, le syndicat avait un peu plus tôt réitéré que « les enjeux salariaux devraient être réglés » à la table centrale « afin d’éviter une grève générale illimitée du Front commun en début d’année 2024 ».

Blitz pour la FAE

Pour l’instant, il n’y a pas de proposition de règlement avec la Fédération autonome de l’enseignement (FAE), qui ne fait pas partie du Front commun.

Après avoir d’abord refusé l’offre du gouvernement d’entreprendre un blitz de négociations comme l’a fait la FSE-CSQ, le syndicat qui représente quelque 66 500 enseignants est revenu sur sa position en début d’après-midi vendredi.

« [Jeudi], la partie patronale nous a conviés à un blitz, mais dans la discussion, on a compris qu’ils cherchaient encore à restreindre les sujets qui seraient en jeu pour la négociation », avait expliqué la présidente de la FAE, Mélanie Hubert, dans un message vidéo diffusé un peu avant midi sur la page Facebook de l’organisation.

« Donc, notre conseil fédératif de négociation nous a dit qu’on veut bien accélérer la cadence et partir en blitz pour parvenir à une entente, mais pas aux conditions imposées. On a fait 22 jours de GGI [grève générale illimitée], et ce n’est certainement pas pour nous laisser dicter notre conduite. »

La présidente a ajouté que le comité de négociations se rendra disponible pour négocier durant toute la période des Fêtes « s’il le faut », mais qu’il n’y aura pas d’entente au « rabais ».

Entre-temps, la FAE compte « évaluer l’impact » de la proposition de règlement conclue avec la FSE-CSQ « sur sa propre négociation ».

« Mais ça ne change rien à nos objectifs et aux revendications qu’on portait, a précisé Mélanie Hubert. Nos demandes sont justes, et pour le moment, la partie patronale ne reconnaît toujours pas les besoins de l’éducation des adultes. Elle cherche à nous imposer sa vision malgré toutes les concessions qu’on a pu faire, notamment sur les affectations au 30 juin et la création de nouveaux postes permanents. »

En fin de journée, vendredi, la FAE a publié sur sa page Facebook un message invitant ses membres qui le souhaitent à « continuer à afficher leurs couleurs pendant le congé des Fêtes ». Or, le message a finalement été retiré après un grand nombre de commentaires où les gens s’en prenaient à la stratégie du syndicat.

« Franchement ! Vous avez du culot de nous demander de continuer à nous afficher ! Allez négocier une entente d’ici demain ou dimanche au lieu de nous dire que vous êtes disponibles pour négocier pendant le temps des Fêtes ! », écrivait, par exemple, Élaine Fontaine.

Une stratégie différente

Les deux syndicats d’enseignants ont adopté une stratégie différente de moyens de pression. La FSE-CSQ — comme les autres organisations du Front commun — a opté pour des journées de grève d’abord, avec la possibilité de déclencher une grève générale illimitée au besoin. Elle a fait 11 jours de débrayage, répartie sur trois séquences (un jour, trois jours, puis sept).

Quant à la FAE, elle s’est dotée d’un mandat de grève générale illimitée. C’est son syndicat montréalais, l’Alliance des professeures et des professeurs de Montréal, qui, le 16 mai, a tracé la voie en adoptant le premier un mandat de grève générale illimitée (GGI). Ce n’était pas une proposition soumise par la direction de la FAE. Le vote s’est déroulé au Théâtre St-Denis, où quelque 600 des 9500 membres étaient réunis en assemblée. L’appui à la GGI a été de 98,2 %. Les autres syndicats régionaux de la FAE ont ensuite emboîté le pas.

Des centaines de commentaires

La vidéo de Mélanie Hubert publiée plus tôt avait également suscité des centaines de commentaires, pour la plupart positifs et encourageants, mais dont plusieurs faisaient également état du désir d’en finir avec cette grève.

« Il faudrait peut-être se réveiller un moment donné !!! La FSE aura réglé et nous serons encore en GGI !!! Voyons dont [sic] c’est le temps que cette grève se termine et que la FAE mette de l’eau dans son vin !!! », a écrit Sonia Vézina.

« Un blitz. Une entente de principe. Fin. Ça suffit, je n’ai plus les moyens financiers et psychologiques de continuer votre grève qui n’a jamais été la mienne. C’est gênant à la fin ! », a commenté Josée Lusignan.

Avec Suzanne Colpron, La Presse

Et les autres ?

Cette entente de principe entre le gouvernement et la FSE-CSQ est intervenue à la table dite « sectorielle » des enseignants, où se négocient la majorité des conditions de travail propres à leur profession, par exemple les ratios d’élèves dans les classes. Mais la FSE-CSQ est une des organisations syndicales membres du Front commun qui négocie pour elles à la table dite « centrale » les principales matières qui affectent la majorité des conventions collectives dans les secteurs de la santé et des services sociaux et de l’éducation, entre autres le salaire, le régime de retraite et les droits parentaux. Or, les négociations du Front commun se poursuivent à la table centrale, tout comme les négociations des autres organisations membres du Front commun à leurs tables sectorielles respectives.

Précision :
Une version précédente de ce texte indiquait que 600 des 95 000 membres de l’Alliance des professeures et des professeurs de Montréal avaient participé à un vote. Or, il y a 9500 membres. Nos excuses.