(Québec) Pendant que la Fédération autonome de l’enseignement (FAE) se dit loin d’une entente avec le gouvernement, les chefs syndicaux du Front commun ont affirmé avoir eu mercredi « une bonne discussion », sans plus, avec la présidente du Conseil du trésor, Sonia LeBel.

Les chefs syndicaux du Front commun (CSN, FTQ, CSQ et APTS) ont été avares de commentaires après leur rencontre avec Mme LeBel, à Québec, mercredi.

« Ce n’est pas la première fois qu’on rencontre la présidente du Conseil du trésor. Une bonne discussion. On a fait le point, on a parlé de tous les sujets, et comme on l’a dit depuis le début, on veut une négociation, donc maintenant, on veut que ça continue à la table de négo », a résumé le président de la CSQ, Éric Gingras, à l’extérieur de l’édifice Jean-Talon, dans la Grande-Allée, à Québec.

M. Gingras, entouré des chefs syndicaux du Front commun, a été le seul à prendre la parole et s’est limité à une déclaration sans répondre aux questions des journalistes. « Vraiment, [une] mise au point, des échanges, une discussion, tous les sujets, et nos équipes sont au travail. C’est ça qui est important, c’est le message qu’on porte ce soir », a-t-il dit.

La présidente du Conseil du trésor ne s’est pas non plus adressée aux médias après cette rencontre à laquelle la négociatrice en chef du gouvernement participait.

« La rencontre a été constructive. C’était important qu’on s’assoie ensemble à ce stade-ci pour faire le point sur les négociations. On a réitéré notre objectif de régler d’ici la fin de l’année. On ne fera pas d’autres commentaires », a indiqué le cabinet de Mme LeBel en soirée.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor

Les chefs syndicaux du Front commun, qui représente quelque 420 000 employés de l’État, avaient d’ailleurs baissé les attentes à leur arrivée. Revenue en catastrophe de Dubaï, la présidente de la FTQ, Magali Picard, a relativisé ce rendez-vous au sommet en disant que « ce n’est pas la première rencontre qu’on a avec la présidente du Conseil du trésor ».

« C’est une mise à jour et on en a eu quelques-unes depuis le début », a-t-elle précisé. Elle a martelé que les discussions pour renouveler les contrats de travail, « ça se passe aux tables de négociation ».

Selon le premier vice-président de la CSN, François Enault, l’objectif demeure d’avoir « un règlement avant les Fêtes ». M. Gingras avait aussi modéré les attentes de ses membres sur les réseaux sociaux en indiquant qu’il ne fallait pas s’attendre à ce qu’un règlement survienne mercredi soir. Cette rencontre survient au lendemain de l’annonce de sept autres jours de grève, du 8 au 14 décembre.

« Aller chercher de la flexibilité »

Un peu plus tôt dans la journée, le premier ministre François Legault a réaffirmé qu’il était prêt à bonifier l’offre salariale si les syndicats jetaient du lest sur les règles d’organisation du travail.

« On essaie de faire notre possible pour améliorer les conditions de travail des enseignants, des infirmières, mais aussi [pour] aller chercher la flexibilité qu’on aurait dû aller chercher depuis 20 ans [dans les] conventions collectives pour qu’on soit capable de donner de meilleurs services à nos enfants et à nos patients », a-t-il dit mercredi.

Je pense qu’on veut que les syndicats nous disent : si j’augmente l’enveloppe de 14,8 %, on met l’argent où ? On devrait [...] avoir le même objectif : oui, bien payer notre monde, mais aussi être capable d’améliorer les conditions de travail et améliorer les services qu’on donne à nos enfants dans les écoles et qu’on donne aux patients dans les hôpitaux.

François Legault, premier ministre

Cela passe entre autres par une révision complète du processus d’affectation des enseignants, estime Québec. Or, ces façons de faire sont historiquement négociées entre les centres de services scolaires et les syndicats locaux, plutôt qu’aux tables de négociation nationales.

« Penser qu’on va réussir à inclure ça dans une entente avant les Fêtes, c’est absolument irréaliste et honnêtement irresponsable quand on considère qu’il y a en ce moment 66 500 profs dans les rues et qu’il y a un demi-million d’élèves qui ne vont pas à l’école », a affirmé pour sa part la présidente de la FAE (qui ne fait pas partie du Front commun syndical), Mélanie Hubert.

Lors d’un point de presse mercredi matin à Québec, Mme Hubert a mitraillé une à une les demandes du gouvernement alors qu’une délégation des profs en grève générale illimitée manifestaient devant le parlement.

« Il faut une entente avant Noël »

Alors que l’impasse se poursuit aux tables de négociation, la présidente de la FAE n’a pas expliqué pourquoi le syndicat n’avait pas demandé la présence d’un conciliateur, comme l’a pourtant réclamé (et obtenu) le Front commun. « Si on constate qu’on est dans une impasse, il faudra changer de stratégie », a-t-elle dit.

Dans tous les cas, la FAE estime qu’il faut une entente d’ici les Fêtes et se dit prête à participer à un blitz de négociations pour y parvenir. « Je ne peux pas croire que ça ne sera pas réglé à Noël. On a des gens dans la rue. Il y a un demi-million d’élèves qui ne vont pas à l’école », a-t-elle plaidé.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Mélanie Hubert, présidente de la FAE

« Ce qu’on aimerait aussi, c’est que le gouvernement comprenne qu’il n’y aura pas de solutions magiques qui vont donner des résultats dans les prochains six mois. Ça fait 20 ans que le réseau se dégrade. Ça va probablement prendre autant de temps, deux, trois, quatre rondes de négociations, pour vraiment rattraper tout ce qui s’est perdu au fil du temps », a ajouté Mme Hubert.

Dans sa dernière offre, le gouvernement a proposé 10,3 % d’augmentation salariale sur cinq ans, en plus d’un montant forfaitaire de 1000 $ la première année. À cela s’ajoute une somme équivalant à 3 % réservée à des « priorités gouvernementales », ce qui fait que le gouvernement présente son offre comme valant 14,8 % sur cinq ans. Les syndicats, à la fois la FAE et le Front commun, ont rejeté cette offre, la qualifiant de « dérisoire ». Ils n’ont pas effectué de contre-offre, ce que réclame par ailleurs Québec.

Avec Tommy Chouinard, La Presse