L’équivalent en bois de la moitié des logements neufs construits au Québec ne pourra être récolté en raison des incendies de forêt historiques de l’été dernier, s’alarme l’industrie. Le forestier en chef appréhende des « impacts sociaux importants » dans certaines régions, dont le Nord-du-Québec.

Chargé d’établir la possibilité forestière, soit la quantité de bois qu’il est possible de récolter dans les forêts publiques au Québec, le forestier en chef, Louis Pelletier, a présenté mercredi une mise à jour de ses prévisions.

En temps normal, celles-ci sont établies pour une période de cinq ans, mais les incendies de forêt historiques qui ont ravagé la province l’été dernier ont obligé ses équipes à refaire leurs calculs.

En tenant compte des dommages causés par les flammes, entre autres, le forestier en chef recommande à Québec de diminuer de 619 400 m⁠3 par an la quantité de bois qui devrait être récoltée à l’échelle de la province, et ce, à compter du 1er avril 2024.

Des régions particulièrement touchées

À l’échelle de la province, il s’agit d’une baisse d’environ 2 % du volume total de bois qui serait prélevé d’ici la fin de la période actuelle, en mars 2028.

Si cette baisse peut paraître peu importante, le forestier en chef entrevoit malgré tout des « impacts sociaux importants » dans certaines régions particulièrement ravagées par les flammes, dont le Nord-du-Québec. Environ 17 % de la superficie exploitable y a été touchée, de sorte que Louis Pelletier recommande de diminuer d’environ 13 % la quantité de bois qui devrait y être récoltée.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

Paysage dévasté par les incendies de forêt dans la taïga, dans le Nord-du-Québec, en août dernier

« C’est une région qui est fortement dépendante de la transformation du bois, de l’aménagement forestier », a-t-il expliqué à l’occasion d’une séance d’information, mercredi.

[Quand] on regarde le 2 % au niveau provincial, ça peut sembler minime, mais quand on regarde l’endroit et la concentration des volumes, pour certaines régions, ça fait mal.

Louis Pelletier, forestier en chef du Québec

Pour les régions plus touchées comme le Nord-du-Québec, l’Abitibi-Témiscamingue et la Mauricie, le forestier en chef explique attendre de « nouvelles informations » à venir dans les prochains mois et qui pourraient encore modifier ces prévisions dans les prochaines années.

« Le scénario le plus pessimiste »

Le Conseil de l’industrie forestière du Québec (CIFQ) a réagi mercredi pour exprimer son « inquiétude » au sujet des recommandations du forestier en chef, qui confirment « le scénario le plus pessimiste » envisagé par l’industrie.

Si les « conséquences maximales » sont effectivement attendues dans les régions du Nord-du-Québec et de l’Abitibi-Témiscamingue, « des répercussions se feront également sentir dans toute la chaîne de valorisation du bois et sur l’ensemble de l’activité économique des communautés forestières québécoises », craint le CIFQ.

« Une réduction de 620 000 m⁠3 représente environ 23 000 logements par année, soit l’équivalent d’environ 50 % des logements construits annuellement au Québec. Cela signifie également que l’emploi de près de 2700 travailleurs et travailleuses risque sérieusement de disparaître », explique son PDG, Jean-François Samray.

L’important complexe industriel exploité par l’entreprise Chantiers Chibougamau dans la ville du même nom est susceptible « de faire les frais » de l’annonce du forestier en chef, explique son directeur exécutif du développement corporatif, Frédéric Verreault : « 620 000 m⁠3, c’est tout le bois pour une grosse usine de bois par année qui n’existe plus ».

Or, « c’est trop important et trop percutant pour qu’on accepte cette éventualité », a-t-il plaidé à chaud mercredi, refusant de se laisser abattre par la nouvelle. Frédéric Verreault plaide ainsi pour une meilleure répartition des récoltes entre les régions (mutualisation), pour éviter à celles déjà éprouvées par les incendies de forêt d’avoir à revivre un autre traumatisme quelques mois plus tard.

Création d’un comité spécial

En tout, 1,3 million d’hectares de forêt ont été touchés par les incendies l’été dernier au Québec, soit l’équivalent de la région de Lanaudière. De ce nombre, 920 000 hectares étaient considérés comme « sous aménagement forestier » et sont pris en compte par le forestier en chef dans ses calculs du volume qu’il est possible d’exploiter.

Informé des recommandations du forestier en chef mercredi, le gouvernement du Québec a rapidement annoncé la création d’un comité spécial pour « soutenir les travailleurs, les communautés et les entreprises du secteur forestier concernés ».

Ce dernier « permettra d’accompagner les acteurs de la filière forestière les plus concernés par la récente modification de la possibilité forestière de manière à assurer la vitalité des régions touchées et le développement durable de nos forêts », a expliqué la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina.