Le camping Saint-Bernard de la réserve faunique Mastigouche est trop reculé pour être branché au réseau d’Hydro-Québec. Mais, sous ses allures rustiques, il est en pleine transition énergétique.

Son quartier général est, depuis le 17 mai dernier, alimenté en électricité grâce à la batterie d’une voiture Tesla Model 3, dont la carrosserie était destinée à la ferraille.

La réserve Mastigouche est située entre les régions de Lanaudière et de la Mauricie. Ce haut lieu de chasse et de pêche, prisé des campeurs, était alimenté en courant grâce à une génératrice de 40 kilowatts. Énergivore en diesel, elle roulait 24 heures sur 24 pour assurer le fonctionnement de la pompe d’un puits, source d’eau pour les campeurs et le personnel du parc national.

PHOTO FOURNIE PAR INGENEXT

Au premier coup d’œil, le nouveau système a presque l’air d’un congélateur en inox. En réalité, il s’agit d’une prouesse hybride, composée d’une génératrice de 20 kilowatts et d’une batterie recyclée de Tesla.

Au premier coup d’œil, le nouveau système a presque l’air d’un congélateur en inox. En réalité, il s’agit d’une prouesse hybride, composée d’une génératrice de 20 kilowatts et d’une batterie recyclée de Tesla. La conception de la cyberbatterie et son assemblage ont été assurés par des ingénieurs de l’entreprise Ingenext, de Trois-Rivières, pionnière dans la réutilisation des batteries de véhicule.

« Grâce à la cyberbatterie, on estime notre réduction des émissions en dioxyde de carbone (CO2) à 22 tonnes par saison de camping. Ce n’est pas rien. Une tonne, c’est quand même l’équivalent du volume d’une voiture de type Beetle de Volkswagen », résume Hugues Sansregret, responsable du développement durable de la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ).

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le responsable du développement durable de la SEPAQ, Hugues Sansregret, multiplie les initiatives écoresponsables. Sur la photo, un porte-bûches fabriqué à partir de vieilles toiles de tente.

Depuis cette conversion, explique le gestionnaire, la vieille génératrice ne fonctionne que pour charger la batterie. Cette dernière est suffisamment puissante pour fournir l’énergie du poste d’accueil. Selon les calculs de la SEPAQ, la consommation de diesel a chuté de 4300 litres, passant de 12 300 à 8000 litres par année. La génératrice ne fonctionne plus que 10 heures par jour.

« Notre génératrice ne roule pas beaucoup, dit M. Sansregret. Sa durée de vie a triplé d’un seul coup. Sans compter les économies d’entretien. »

Écotech Québec, qui représente la grappe des technologies propres du Québec, a décerné un prix à la cyberbatterie de Mastigouche lors de l’édition 2023 des Euréka, un évènement soulignant les initiatives pour un « Québec vert et prospère ». Isabelle Dubé-Côté, présidente et cheffe de la direction d’Écotech Québec, fait valoir que la cyberbatterie permet une réduction des polluants à la source, et une réutilisation avant le recyclage.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

La réserve faunique Mastigouche

« Notre jury a eu un coup de cœur. Sa portée peut être importante. C’est pertinent avec les orientations de l’électrification des transports au Québec », souligne-t-elle.

Chez Ingenext, les idées se succèdent. Plus d’une trentaine de chariots à bagages d’aéroport, notamment à Montréal-Trudeau, ont été convertis à l’électricité par Ingenext grâce à des batteries de Chevrolet Volt, indique Guillaume André, directeur des opérations de l’entreprise. Son modèle d’affaires repose sur la réutilisation avant le recyclage.

Pour la réserve faunique, la batterie provenait d’une voiture accidentée. Les batteries ne sont pas éternelles, mais dans bien des cas, elles vont durer plus longtemps que l’automobile. La batterie d’une Tesla, par exemple, peut conserver sa puissance durant une bonne dizaine d’années.

Guillaume André, directeur des opérations chez Ingenext

L’organisme Recyc-Québec ne détient pas de données sur le recyclage ou la réutilisation des batteries Tesla, Chevrolet Volt ou autres. En novembre 2022, une étude de Stantec Experts-conseils, réalisée à la demande de l’organisme, a révélé qu’il n’existe pas de recycleur spécialisé dans la récupération et la valorisation des bornes de recharge, ni au Québec ni dans le reste du pays. Pour ce qui est de l’extraction des minéraux des batteries au lithium-ion, la société Lithion est l’un des seuls grands acteurs de la province.

Dans de nombreux pays, il existe un marché de don et revente des batteries de véhicules électriques usagées. Au Japon, le constructeur Nissan propose à ses clients des batteries remises à neuf à un coût inférieur d’environ 40 % à celui d’une batterie neuve.

En Angleterre, toute entreprise proposant des batteries de véhicule a l’obligation de les récupérer. Nissan a d’ailleurs mis en place un système permettant aux consommateurs de retourner leur batterie auprès de n’importe quel concessionnaire du Royaume-Uni. En Europe, Toyota récupère plus de 90 % de ses batteries, selon l’étude de Recyc-Québec.

Entrailles d’une batterie de voiture

Éléments constitutifs : cathode, anode, électrolyte, séparateur

Matériaux utilisés : métaux ferreux, lithium, phosphate, graphite, cuivre, aluminium, plastique, manganèse, cobalt, nickel

Source : étude réalisée par Stantec Experts-conseils à la demande de Recyc-Québec, 10 novembre 2022