La communauté innue d’Essipit, sur la Côte-Nord, propose de créer une vaste aire protégée qui ferait passer à près de 30 % la superficie de son territoire ancestral bénéficiant de mesures de protection de la biodiversité et demande à Québec d’accélérer le pas en matière de conservation de la nature.

L’initiative Essipiunnu-meshkanau est un projet d’aire protégée de conservation autochtone de 1202 km⁠2 qui se démarque non seulement par son ampleur, mais par sa volonté de relier les différentes aires protégées existantes du secteur, dont le parc national du Fjord-du-Saguenay ainsi que les réserves de biodiversité d’Akumunan et de la Vallée-de-la-Rivière-Sainte-Marguerite.

Ce réseau d’aires protégées est une réponse aux « enjeux de fragmentation du territoire et détérioration des habitats » et aux besoins de subsistance « alimentaire ou culturelle » de la communauté, a déclaré le directeur du développement et du territoire du Conseil de la Première Nation des Innus Essipit, Michael Ross, lors d’une conférence de presse, mercredi.

L’initiative Essipiunnu-meshkanau se connecterait également au projet d’aire protégée Pipmuakan de la communauté innue voisine de Pessamit, qui souhaite protéger les derniers massifs de forêts anciennes fréquentés par le caribou.

CARTE FOURNIE PAR LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION DES INNUS ESSIPIT

Carte illustrant l’initiative Essipiunnu-meshkanau, projet d’aire protégée de conservation autochtone de 1202 km2 sur le territoire ancestral de la communauté innue d’Essipit, sur la Côte-Nord

« On cherche clairement à protéger la même harde de caribous », a lancé M. Ross, ajoutant être en « constante discussion » avec les Innus de Pessamit à ce sujet et soulignant « le manque d’aires protégées dans les régions administratives du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord », où le taux est inférieur à la moyenne québécoise, surtout sous la limite nordique des forêts attribuables à l’industrie.

Cette nouvelle aire protégée bénéficierait aussi à d’autres espèces, comme le garrot d’Islande et la grive de Bicknell, de même qu’aux « écosystèmes uniques liés aux hauts plateaux et sommets des Monts-Valin », indique M. Ross.

Essipiunnu-meshkanau signifie « le chemin », « la voie », en langue innue, nom qui renvoie à la volonté de la communauté de protéger et relier les secteurs naturels qui représentent pour elle une grande importance, précise M. Ross.

Pas de « cloche de verre »

Se disant consciente des impacts potentiels de son projet sur l’exploitation des ressources, la communauté d’Essipit souhaite rencontrer les intervenants concernés, de l’industrie forestière aux villégiateurs, pour discuter de son projet avant de le déposer officiellement au ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs (MELCCFP), d’ici la fin de l’hiver.

« On ne veut pas mettre une cloche de verre sur le territoire », assure Michael Ross, qui dit chercher un « compromis acceptable pour tous », mais cohérent avec les objectifs de conservation d’une aire protégée, qui exclurait donc toute activité industrielle.

PHOTO FOURNIE PAR LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION DES INNUS ESSIPIT

Partie du territoire ancestral de la communauté innue d’Essipit qui serait protégée par l’initiative Essipiunnu-meshkanau

Il évoque notamment la fermeture de chemins forestiers, l’option « probablement la plus simple et rapide à envisager », pour recréer des massifs forestiers non perturbés intéressants notamment pour la protection du caribou.

Québec doit accélérer le pas

Les Innus d’Essipit exhortent Québec à accélérer la cadence dans la réalisation des projets d’aires protégées, rappelant que leur réserve de biodiversité d’Akumunan a mis « plus de 15 ans pour passer du statut de provisoire à permanent ».

Ils souhaitent ainsi que la « mise en réserve » des territoires qu’ils proposent de protéger, soit leur protection temporaire en attendant la création officielle de l’aire protégée, soit ordonnée par Québec « d’ici 2025 ».

L’engagement du gouvernement Legault de protéger 30 % du territoire québécois d’ici 2030, alors que le taux actuel est d’environ 17 %, permet toutefois d’être optimiste, croit Michael Ross, qui considère l’initiative Essipiunnu-meshkanau comme la contribution de sa communauté à l’atteinte de la cible provinciale.

PHOTO FOURNIE PAR LE CONSEIL DE LA PREMIÈRE NATION DES INNUS ESSIPIT

Partie du territoire ancestral de la communauté innue d’Essipit qui serait protégée par l’initiative Essipiunnu-meshkanau

La communauté exhorte toutefois Québec à ne pas négliger de l’inclure dans la planification de son Plan nature 2030, se disant insatisfaite des consultations actuelles.

« Nous voulons participer à tout projet de conservation et de développement sur notre territoire ancestral, a déclaré le chef Martin Dufour. On veut être là en amont, on veut être là dès le début. »

Le projet de créer un réseau d’aires protégées sur le territoire ancestral de la communauté d’Essipit a reçu un appui financier d’un million de dollars du gouvernement fédéral, ainsi que l’aide de chercheurs universitaires et d’organisations environnementales.

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  • 12,6 %
    Proportion du territoire ancestral de la Première Nation Essipit bénéficiant de protection
    Source : Conseil de la Première Nation des Innus Essipit