Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, s’engage à réformer le Programme des travailleurs étrangers temporaires pour prévenir l’exploitation des migrants, mais refuse d’abolir les permis de travail fermés.

Il en a fait l’annonce le 7 novembre, dans le cadre d’une réunion du Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, qui s’est tenue à la suite des accusations du rapporteur spécial des Nations unies selon lesquelles des volets de ce programme « constituent un terreau pour des formes d’esclavage moderne ».

M. Miller s’est dit prêt à assouplir les règles pour permettre aux migrants qui vivent des difficultés de changer plus facilement d’emploi au Canada. Des travailleurs étrangers agricoles pourraient, par exemple, être autorisés à occuper un autre emploi dans la même région.

PHOTO PATRICK DOYLE, ARCHIVES REUTERS

Le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller

De tous les secteurs, le milieu agricole est celui où les cas d’abus envers les migrants sont les plus nombreux, a dit le ministre. Depuis 2015, 310 agriculteurs se sont vu interdire le droit d’embaucher des travailleurs étrangers temporaires au Canada et 18 autres sont visés par des interdictions temporaires.

Il y a des abus. Je pense que nous devons reconnaître cela et y remédier. Il y a certainement des pommes pourries et nous devons veiller à ce que les gens ne soient pas incités à se comporter mal.

Marc Miller, ministre de l’Immigration du Canada

En septembre, à l’issue d’une visite de 14 jours au Canada, Tomoya Obokata, expert des Nations unies sur les formes contemporaines d’esclavage, s’est dit « profondément troublé par les récits d’exploitation et d’abus » dont lui ont fait part des migrants, notamment au Québec. Il a exhorté le Canada à mettre fin au système des permis de travail fermés et à régulariser le statut des travailleurs temporaires.

Le fait que ces travailleurs, qui « jouent un rôle vital dans l’économie canadienne », aient difficilement accès à la résidence permanente est « discriminatoire », juge-t-il.

« Les régimes de permis de travail spécifiques aux employeurs, y compris certains programmes de travailleurs étrangers temporaires, rendent les travailleurs migrants vulnérables aux formes contemporaines d’esclavage, car ils ne peuvent pas dénoncer les abus subis sans craindre d’être expulsés », a déclaré M. Obokata, à la fin de sa mission.

Lisez « Un danger d’esclavage moderne, s’alarme un représentant de l’ONU »

Ottawa maintiendra les permis fermés

Devant les membres du comité, le 7 novembre, M. Miller s’est dit en désaccord avec les conclusions de l’expert de l’ONU, dont le rapport final est attendu en août 2024. Il a toutefois admis que son ministère devait en faire davantage pour améliorer les conditions de travail de ces travailleurs, dont le nombre ne cesse d’augmenter au pays.

« C’est clair que ça ne peut pas rester comme ça », a-t-il dit.

La solution ne sera toutefois pas l’élimination des permis fermés, qui empêchent les employés de changer d’employeur. « Je ne pense pas qu’il faille supprimer complètement ce type de permis », a affirmé le ministre, rappelant que les employeurs investissent de fortes sommes pour faire venir ici des travailleurs temporaires et qu’ils tiennent à les garder.

« Beaucoup de détenteurs de permis fermés sont très fiers de leur travail et ils travaillent avec des employeurs exemplaires », a-t-il souligné.

Il existe déjà un programme pour les travailleurs qui connaissent des difficultés avec leur employeur. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) peut accorder un permis de travail ouvert pour les travailleurs vulnérables, d’une durée maximale de 12 mois. Ce permis est destiné aux travailleurs maltraités, victimes de violence ou risquant de subir de la violence dans le cadre de leur emploi au Canada.

Depuis la création de ce programme, en juin 2019, 5000 permis ouverts ont été accordés à des détenteurs de permis fermés.

Le gouvernement du Québec se penche aussi sur les permis fermés. En septembre, il a chargé la Commission des partenaires du marché du travail d’évaluer l’impact du permis de travail fermé sur le marché du travail et sur les travailleurs. La ministre québécoise de l’Immigration, Christine Fréchette, a évoqué la possibilité de modifier le permis de travail fermé pour en faire un permis régional ou sectoriel.

Lisez « Québec se penche sur les permis “fermés” »
En savoir plus
  • 1200
    Nombre de permis de travail ouverts accordés à des travailleurs étrangers vulnérables en 2023
    SOURCE : IRCC