(Ottawa) Une organisation d’anthropologie médico-légale du Guatemala tend la main aux Premières Nations du Canada pour les aider à trouver, et potentiellement récupérer, les restes des enfants qui ont été enterrés près des anciens pensionnats fédéraux.

Fredy Peccerelli, qui est membre fondateur de la Fondation guatémaltèque d’anthropologie médico-légale, travaille depuis près de 30 ans à retrouver et récupérer les corps des « disparus » – des civils mayas qui ont été tués pendant la guerre civile au Guatemala. Le conflit s’est étiré sur 36 ans et a pris fin en 1996.

Selon M. Peccerelli, les fouilles dirigées par des Autochtones de son groupe permettent en moyenne d’identifier les restes d’au moins 125 personnes par année. Les dépouilles qui sont découvertes sont ensuite remises aux familles et aux communautés.

En tout, plus de 8000 corps ont été retrouvés lors des exhumations de l’organisation au Guatemala. Près de la moitié d’entre eux, soit 3800, ont été identifiés.

Au Canada, la question de savoir comment aller récupérer les restes qui ont été localisés sur les sites des anciens pensionnats a donné du fil à retordre aux Premières Nations.

On estime que 150 000 enfants autochtones ont été contraints de fréquenter des pensionnats, dont plus de 60 % étaient dirigés par l’Église catholique.

Les survivants de ces écoles soutiennent depuis de nombreuses années qu’il existe une possibilité que des tombes anonymes se trouvent aux endroits où étaient situés les pensionnats, ce qui a incité la Commission de vérité et réconciliation à publier un rapport sur les enfants disparus et les enterrements anonymes en 2016.

Ce n’est toutefois qu’en 2021 que les projecteurs nationaux se sont tournés sur cet enjeu. La nation Tk’emlúps te Secwépemc a alors annoncé la découverte de ce que l’on pense être 215 tombes anonymes sur le site d’un ancien pensionnat de Kamloops, en Colombie-Britannique.

Même s’il ne se trouvait pas au Canada à ce moment, M. Peccerelli a suivi de près l’évolution de ce dossier.

Selon lui, la première chose à faire à la suite de la découverte des tombes anonymes est de mettre en place une équipe médico-légale indépendante dirigée par les Premières Nations.

« Personne ne traitera les fouilles avec autant de respect et de dignité que les membres des Premières Nations. C’est la manière la plus digne de procéder », a fait valoir M. Peccerelli.

La Fondation guatémaltèque d’anthropologie médico-légale a déjà travaillé avec d’autres Premières Nations, au Mexique et au Rwanda notamment, pour former des gens à collecter l’ADN, fouiller les tombes et rapatrier les restes.

Et elle est prête à faire la même chose au Canada, a assuré M. Peccerelli.

D’autres efforts déjà en cours

L’interlocutrice spéciale indépendante pour les enfants disparus et les tombes anonymes, Kimberly Murray, a cité le travail de l’organisation guatémaltèque comme un exemple de la façon dont les choses pourraient se dérouler au Canada.

Dans un récent rapport du comité sénatorial des peuples autochtones, Mme Murray a fait part de ses inquiétudes quant à la manière dont le gouvernement fédéral gère les recherches potentielles dans les anciens pensionnats.

Plus tôt cette année, le gouvernement fédéral a signé un accord technique avec la Commission internationale pour les personnes disparues, une organisation dont le siège social se trouve à La Haye qui travaille à retrouver les personnes disparues en raison de conflits armés, de violations des droits de la personne et de catastrophes.

Le groupe a été engagé pour consulter les Premières Nations sur les options qui s’offrent à elles pour identifier et rapatrier les enfants disparus.

Mme Murray a cependant déploré qu’Ottawa n’ait pas d’abord consulté des organisations dirigées par des Autochtones qui ont de l’expérience avec les survivants et les enfants disparus.

Elle s’est également dite préoccupée par le fait que le gouvernement fédéral soit trop impliqué dans les travaux et conserve le contrôle de toutes les données recueillies par la Commission internationale pour les personnes disparues, même s’il a promis que les travaux allaient être menés de manière indépendante.

Pendant ce temps, les recherches ont déjà commencé à certains endroits au Canada.

En juillet, des membres de la nation Anishinabe Minegoziibe, une Première Nation du Manitoba située au nord-ouest de Winnipeg, ont amorcé des fouilles avec des archéologues et des scientifiques de l’Université de Brandon pour fouiller les terrains de l’ancien pensionnat de Pine Creek.

Il s’agirait de l’une des premières opérations de recherche de la sorte au pays.