(Ottawa ) Le premier ministre Justin Trudeau et sa femme Sophie Grégoire se séparent. Après 18 ans de mariage, ils prendront des chemins différents, mais leur famille reste « unie », assure le couple. L’image du premier ministre en souffrira-t-elle ? Chose certaine, il n’est pas le premier leader à vivre une rupture alors qu’il est en fonction.
La fin de 18 ans de mariage
Le premier ministre Justin Trudeau et sa femme Sophie Grégoire ont annoncé mercredi leur séparation après 18 ans de mariage.
La nouvelle a été confirmée par le bureau du premier ministre.
« Aujourd’hui, le premier ministre et Sophie Grégoire Trudeau ont fait le point sur leur relation. Sophie et le premier ministre ont signé un accord de séparation légale. Ils ont veillé à ce que toutes les mesures légales et éthiques concernant leur décision de se séparer soient prises, et continueront à le faire à l’avenir », peut-on lire dans cette déclaration.
« Ils restent une famille unie et Sophie et le premier ministre se concentrent sur l’épanouissement de leurs enfants dans un environnement aimant et collaboratif », ajoute-t-on dans cette déclaration.
Les deux parents seront constamment présents dans la vie de leurs enfants et les Canadiens peuvent s’attendre à souvent voir la famille ensemble.
Extrait de la déclaration du bureau du premier ministre
Le bureau du premier ministre a précisé que la famille sera ensemble en vacances à partir de la fin de semaine prochaine. « Pour le bien-être de la famille, nous vous demandons de respecter leur vie privée », a-t-on indiqué.
M. Trudeau et Mme Grégoire se sont mariés en 2005 à Montréal. Ils ont trois enfants : Xavier, Ella-Grace et Hadrien.
M. Trudeau, qui a déjà annoncé sa ferme intention de diriger les troupes libérales aux prochaines élections, et Mme Grégoire avaient déjà dévoilé dans le passé que leur couple avait vécu des moments difficiles.
Une page qui se tourne
« Notre mariage n’est pas parfait et nous avons connu des moments difficiles, mais Sophie reste ma meilleure amie, ma partenaire, mon amour. Nous sommes honnêtes l’un envers l’autre, même quand ça blesse », avait écrit Justin Trudeau dans son autobiographie Terrain d’entente publiée en 2014, quelques mois avant le scrutin fédéral de 2015 qui l’a porté au pouvoir.
Au cours des derniers mois, M. Trudeau et Mme Grégoire ont participé à quelques évènements officiels. Ils se sont notamment rendus en mai au couronnement du roi Charles III, à Londres. Ils ont aussi accueilli en mars le président des États-Unis, Joe Biden, et sa femme, Jill Biden, durant une visite officielle du locataire de la Maison-Blanche à Ottawa.
La nouvelle de la séparation de M. Trudeau et Mme Grégoire a été reprise par de nombreux médias étrangers, notamment The Guardian, la BBC, NBC News, CNN et Paris Match.
Concrètement, cette séparation signifie que Mme Grégoire n’accompagnera plus le premier ministre lors d’évènements officiels au pays tels que des sommets internationaux, notamment, et qu’elle n’aurait plus droit à la protection de la GRC, à moins d’avis contraire. En outre, elle ne pourra plus compter sur les services de presse du bureau du premier ministre pour gérer ses communications.
M. Trudeau pourrait s’exprimer sur ce nouveau chapitre de sa vie personnelle ce jeudi, selon son entourage, avant de partir quelques jours en vacances.
Rencontre durant leur enfance
Justin Trudeau, âgé de 51 ans, et Sophie Grégoire, âgée de 48 ans, se sont connus lorsqu’ils étaient enfants. Sophie Grégoire était alors une camarade de classe du plus jeune frère du futur premier ministre, Michel.
Ils ont commencé à se fréquenter à l’âge adulte alors qu’ils étaient les hôtes d’un gala de bienfaisance. Ils se sont mariés lors d’une cérémonie à Montréal en mai 2005.
Le couple a d’abord vécu dans la métropole, où sont nés leur fils Xavier, 15 ans, et leur fille Ella-Grace, 14 ans. Ils ont déménagé à Ottawa en famille en 2010, deux ans après que Justin Trudeau a été élu député de Papineau à Montréal. Leur fils de 9 ans, Hadrien, est né à Ottawa.
Sophie Grégoire a été animatrice de télévision au Québec, carrière à laquelle elle a mis fin après son déménagement dans la capitale nationale. Elle n’a occupé aucune fonction officielle au sein du gouvernement depuis l’arrivée des libéraux au pouvoir en 2015. Elle a consacré beaucoup de temps et d’énergie à défendre plusieurs causes caritatives et sociales au cours des dernières années, notamment la santé mentale et l’égalité des sexes.
En mai, elle a signé un contrat pour deux livres avec la maison d’édition Penguin Random House Canada. Le premier, De plus près : proche de soi, proche de l’autre, devrait sortir au printemps 2024. L’ouvrage sera « axé sur la connaissance de soi », selon la description offerte sur le site de l’éditeur québécois KO Éditions, qui publiera la version française. L’autre sera un livre d’images pour enfants, qui devrait paraître en 2025.
Aux élections de 2015, Sophie Grégoire avait joué un rôle important durant la campagne, contribuant à sa manière à la victoire impressionnante des troupes libérales.
Pierre Elliott Trudeau aussi
Justin Trudeau n’est pas le premier à vivre une séparation alors qu’il occupe les fonctions de premier ministre. En effet, son père, Pierre Elliott Trudeau, avait annoncé son divorce avec sa femme, Margaret Trudeau, en 1984, la même année où il avait quitté son poste de premier ministre.
Dans son livre Terrain d’entente, Justin Trudeau a écrit que la séparation de ses parents l’avait durement marqué.
Depuis plusieurs mois, des rumeurs circulaient dans la région de la capitale fédérale au sujet d’une possible rupture du couple Trudeau-Grégoire.
Cette annonce survient une semaine après que Justin Trudeau a remanié en profondeur son cabinet tandis que son gouvernement, qui est à la traîne dans les sondages derrière le Parti conservateur de Pierre Poilievre, entreprend la seconde moitié de son troisième mandat.
Avec La Presse Canadienne
« Ça peut le rapprocher de ses électeurs »
Selon des experts, la séparation du couple Trudeau-Grégoire n’annonce pas un grand branle-bas politique pour le premier ministre. Mais, du point de vue de la communication, il y aura peut-être certains ajustements à faire.
Sophie Grégoire a toujours soutenu son mari, ce qui constituait un véritable atout, selon Geneviève Tellier, professeure titulaire en études politiques de l’Université d’Ottawa.
« Elle était très présente, elle participait à des évènements en tant que femme de premier ministre, et c’est ce qui va manquer à Justin Trudeau, cette répartition des tâches, surtout en campagne électorale », dit-elle.
« Sur le plan politique, il n’y aura pas de changement, car je ne pense pas que Sophie Grégoire avait une place importante dans les décisions en matière de politiques publiques, même si, sur les questions de santé mentale ou de l’égalité hommes-femmes, elle est très impliquée. Il reste que sur le fond, les idées, la stratégie, Justin Trudeau a déjà son équipe », ajoute la professeure.
Pour ce qui est de la communication, Geneviève Tellier estime que Justin Trudeau a mis sa famille sur la place publique, il y a eu des publications d’articles, notamment dans les médias étrangers. « Je me rappelle encore la photo du magazine Vogue en 2015 où Justin Trudeau et Sophie Grégoire s’enlacent. Justin Trudeau voulait donner l’image d’un couple moderne », dit-elle.
Une réalité vécue par plusieurs
« Ça fait plusieurs années qu’on voit Justin Trudeau seul, car Sophie Grégoire se faisait plus rare », observe Louis Aucoin, président de Tesla RP. « Annoncer une séparation, ce n’est pas une bonne nouvelle. L’image d’unité de la famille, c’est important en politique, mais en même temps, il fait face à une réalité que vivent beaucoup de gens, la séparation. »
L’image de la personnalité parfaite qui a tous les talents, ça pouvait aussi jouer contre [Trudeau].
Louis Aucoin, président de Tesla RP
Cette séparation va peut-être le rapprocher de ses électeurs. « Beaucoup de Canadiens vont se retrouver dans Justin Trudeau, car de nombreux couples se séparent chaque année et vivent des moments difficiles. Ça peut le rapprocher de ses électeurs. Il va vivre la garde partagée, la conciliation travail-famille. Il a déjà eu un exemple dans sa famille, celui de son père, Pierre Elliott Trudeau, qui s’est séparé de la mère de ses trois enfants, Margaret Sinclair, en 1977 », rappelle Geneviève Tellier.
« Il y avait cette image de famille parfaite de Justin Trudeau, Sophie Grégoire et leurs trois enfants, même si on savait qu’il y avait des hauts et des bas. En même temps, les gens vont se dire que notre premier ministre est finalement comme tout le monde, il a des problèmes avec sa femme et il se sépare », estime Bernard Motulsky, professeur du département de communication sociale et publique de l’UQAM.
C’est tellement courant, des séparations et des divorces, que ce n’est pas un enjeu. Ce qui va changer, c’est qu’il est un cœur à prendre et qu’il est premier ministre.
Bernard Motulsky, professeur du département de communication sociale et publique de l’UQAM
La coqueluche de nombreux médias
Nos experts interrogés pensent que Justin Trudeau va se retrouver sous la loupe de certains médias mondains comme Paris Match et le magazine People qui se sont emparés de la nouvelle de leur séparation à une vitesse fulgurante. Il devra donc faire très attention. « Il est une vedette politique dans de nombreux pays où on a beaucoup parlé de son allure jeune et de son côté accessible. Il ne faudra pas qu’il se laisse distraire, il devra avoir une conduite exemplaire, une vie où il privilégie sa fonction de premier ministre ainsi que sa famille », estime Mylène Forget, présidente de Massy Forget Langlois relations publiques.
On se rappelle qu’après avoir été élu, en 2015, Justin Trudeau avait été la coqueluche de nombreux médias à l’étranger. Les médias européens l’avaient même surnommé le Kennedy canadien. Ils aimaient sa jeunesse et son allure décontractée. Nos experts interrogés pensent que les faits et gestes de Justin Trudeau vont être surveillés par la presse « pipole », qui se demandera avec qui le célibataire le plus convoité du monde ira manger au restaurant et s’il sera désormais plus heureux ou plus triste.
« Cette annonce de séparation, c’est la première étape d’une opération de communication. Il faut la considérer avec beaucoup de lucidité : cette date a été choisie, ce n’est pas un hasard. On est en plein été, loin des élections, loin de la rentrée parlementaire. Il y a un plan de match qui est établi et qu’on va voir se dérouler dans les six prochains mois où tout est prévu. Le premier ministre n’est pas diverti de son travail, c’est le message clé de l’opération », conclut Louis Aucoin.
Un exemple parmi d’autres
Le premier ministre Justin Trudeau n’est pas le premier leader à vivre une rupture alors qu’il est en fonction.
Pierre Elliott Trudeau
L’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau a annoncé en 1977 qu’il se séparait de sa femme, Margaret Sinclair. Ils ont divorcé en 1984, soit l’année où Pierre Elliott Trudeau a quitté ses fonctions de premier ministre. Le couple s’était marié en secret en 1971 à Vancouver. M. Trudeau était 30 ans plus vieux que Margaret Sinclair. Ensemble, ils ont eu trois enfants : Justin, Alexandre et Michel. Ce dernier a disparu lors d’une avalanche dans le parc du glacier Kokanee, en Colombie-Britannique, en novembre 1998. Dans son autobiographie publiée à l’automne 2014, Justin Trudeau a affirmé que le divorce de ses parents l’avait grandement marqué.
Nicolas Sarkozy
Quelques mois après sa victoire à l’élection présidentielle de mai 2007, le président français Nicolas Sarkozy cause un émoi en France : il annonce qu’il se sépare de sa femme, Cécilia. C’est la première fois qu’un président en exercice et sa femme se séparent depuis la création de la Ve République, en 1958. « Cécilia et Nicolas Sarkozy annoncent leur divorce par consentement mutuel. Ils ne feront aucun commentaire », indique l’Élysée dans un communiqué de presse. Avant d’arriver au pouvoir, le couple Sarkozy avait déjà vécu séparément pendant quelques mois en 2005. Le Nouvel Observateur rapporte alors que Nicolas Sarkozy se serait rendu coupable d’« infidélités, nombreuses mais sans doute inévitables » pour cette « bête politique née pour séduire ».
François Hollande
Le successeur de Nicolas Sarkozy à la présidence française, François Hollande, a aussi connu une séparation à la suite de la publication par le magazine Closer, en janvier 2014, de photos le montrant en train de descendre d’un scooter dans la capitale française devant l’appartement de l’actrice Julie Gayet. Ces images révélaient au monde entier que le président français avait une liaison amoureuse. Deux semaines plus tard, François Hollande annonçait dans un communiqué envoyé à l’AFP sa rupture avec sa compagne des huit années précédentes, Valérie Trierweiler. La séparation a été « extrêmement douloureuse », a écrit l’ancien président dans son livre Les leçons du pouvoir, paru en 2018.
Vladimir Poutine
En 2014, le Kremlin annonce que le président de la Russie, Vladimir Poutine, a officiellement divorcé de sa femme Lioudmila. Le couple était déjà séparé depuis plusieurs années. C’est un peu par hasard que la nouvelle a été confirmée. L’agence étatique Itar-Tass avait relevé que la mention « marié » avait disparu de la biographie du président russe. Un porte-parole du Kremlin avait alors indiqué à l’agence que cela signifiait « que le divorce avait eu lieu » après près de 30 ans de mariage.
Avec l’Agence France-Presse