En six ans, Samuel Piette est passé de joueur anonyme à vedette du soccer montréalais. Une évolution remplie de beau, mais aussi de défis, comme celui de gérer cette nouvelle vie sous les projecteurs. Entrevue.

C’est une journée comme les autres pour Samuel Piette. Il vient tout juste de terminer un entraînement, mais cette fois, quelques partisans chanceux du CF Montréal ont pu y assister.

Naturellement, il fait fi de sa dépense énergétique dans la dernière heure et de la chaleur accablante en ce mercredi de juillet pour se diriger vers les supporters. Il se prête à l’exercice comme pas un ; pique des jasettes, serre des pinces, prend une tonne de clichés et signe un paquet d’objets, le tout avec un sourire authentique. Maintenant que c’est chose faite, il retourne à l’intérieur, prend une bonne gorgée d’eau et se tire une bûche.

À peine installé dos aux fenêtres qui surplombent les quatre terrains du Centre Nutrilait, le natif de Repentigny entame un récit rocambolesque sur la façon dont il a perdu une paire de lunettes semblable à celle du représentant de La Presse. Pour une énième fois, il se montre généreux de son temps et de ses réponses lors d’une entrevue de plus d’une quarantaine de minutes.

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Samuel Piette à l’entraînement en février dernier

La rencontre a lieu, à quelques jours près, six ans après l’arrivée de Piette avec l’Impact de Montréal. Et à ce jour, il est toujours aussi charismatique, sinon plus, et doué dans son rôle d’emblème du club et du sport au Québec.

La relation d’amour entre Montréal et celui qui est désormais le capitaine du Bleu-blanc-noir s’est entamée avec un coup de foudre. Après une Gold Cup fort concluante comme milieu défensif du Canada, Piette a débarqué à Montréal le 3 août 2017. Deux jours plus tard, l’Impact croisait le fer avec Orlando City au stade Saputo, mais Piette attendait toujours ses papiers. Il n’a donc pu fouler le terrain.

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Premier entraînement de Samuel Piette avec l’Impact de Montréal, le 3 août 2017

« En partant, j’étais au stade, c’était la première fois que j’y allais en tant que membre de l’Impact. Avant, j’y allais pendant mes vacances, pour prendre quelques bières dans les gradins et pour avoir du plaisir. Mais là, tout de suite, le monde me reconnaît. Je me dis : “Voyons donc ! OK, je suis Québécois, mais je n’ai pas joué un câlique de match. Comment les gens savent qui je suis ?” », se rappelle-t-il.

Dominant dès son premier match

Puis, une semaine plus tard, son jeu vient justifier l’engouement des partisans. Piette est dominant à son premier match, qu’il dispute à Philadelphie contre l’Union. L’Impact l’emporte 3-0 et Piette, lui, se taille une place dans le onze de la semaine de la MLS grâce à sa performance sans relâche.

Après la rencontre, il a tâché de chanter P. Y. T. de Michael Jackson en guise d’initiation, avant de retourner à sa chambre, car il était malade. « Je ne me sentais vraiment pas bien. C’était peut-être les nerfs », note-t-il.

Peu importe, la glace est brisée et, en un claquement de doigts, la légende de celui qu’on surnommera le bouledogue de Repentigny commence à s’écrire.

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L’ancien gardien Evan Bush et Samuel Piette, en avril 2018, lors d’un match contre le Los Angeles FC au Stade Saputo

Depuis, celui qui a arboré les numéros 29 et 6 a été de tous les combats. À titre de joueur de champ – cela exclut donc le gardien Evan Bush –, Piette deviendra le joueur ayant obtenu le plus grand nombre de minutes et le plus de départs de l’histoire de l’équipe.

Quand je suis arrivé, je ne m’attendais pas à rester aussi longtemps. Évidemment, je l’espérais. C’était une opportunité de revenir à la maison et c’était un autre défi, entre guillemets, pour moi de jouer à Montréal et en MLS tout simplement.

Samuel Piette, capitaine du CF Montréal

« Les conditions, pas juste salariales, mais sur les plans familial et social étaient vraiment favorables. Pour moi, c’était vraiment le bon move à faire à ce moment-là », dit-il.

L’histoire lui aura donné raison, car en plus de ce contrat initial de deux années et demie, il a décroché deux autres contrats, a décroché deux Championnats canadiens et a pris part à la meilleure saison du club en MLS en 2022. Il s’est aussi établi comme un leader de l’équipe senior canadienne. Ç’a été un parcours ponctué de succès qui l’a aidé à graver son nom dans l’histoire du club.

De quidam à tête d’affiche

Certes, quand Piette est arrivé à Montréal en 2017, son nom avait commencé à circuler en raison de ses prestations à la Gold Cup. Cela dit, dans l’œil du club public, il était tout de même anonyme. Piette jouait alors pour le CD Izarra, en troisième division espagnole.

Puis, du jour au lendemain, le voici au premier plan.

Parti à 14 ans en Europe et revenu à Montréal à 22 ans, Piette sentait qu’il avait raté son adolescence et « tous les partys et les bars » qui viennent avec. « Je n’avais jamais connu ça », explique-t-il.

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Mêlée de presse à la suite du premier entraînement de Samuel Piette avec l’Impact

Qui plus est, le club est rapidement tombé en vacances lors de cette saison-là, le 22 octobre, pour être précis. Devant près de trois mois d’inactivité, il trouvait que le moment était propice, à Montréal de surcroît, pour « vivre des trucs ». Il précise que c’est toutefois « sans perdre la tête ».

Néanmoins à sa première saison morte, sans avoir le monde à ses pieds, car il n’est qu’un « petit joueur de soccer », Piette se fait reconnaître et devient une personnalité publique malgré lui.

On me payait des verres, on m’invitait à des évènements, des festivals. J’étais allé aux Gémeaux avec ma conjointe avant qu’on se sépare. Man, je n’avais pas d’affaire là !

Samuel Piette, capitaine du CF Montréal

« Je ne suis pas un acteur, puis là on me dit qu’on aimerait ça que je vienne. C’était particulier. Mais, au fil des années, j’ai été capable de doser ça, puis de mieux gérer ça. Mais encore aujourd’hui, c’est toujours quelque chose qui me surprend », raconte-t-il.

Après trois mois, tout juste avant le début de la saison suivante, Piette réalise que ce train de vie n’est pas pour lui. Il retrouve sa conjointe Chloé, celle qui deviendra la mère de son enfant.

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Septembre 2019, comité d’accueil pour Samuel Piette et l’Impact qui revient de Toronto avec la Coupe des Voyageurs du championnat canadien

Tout de même, l’apprentissage de la gestion de l’amour des Montréalais pour lui ne s’est pas fait instantanément. Quand Piette nomme d’autres personnalités publiques qui lui ont mentionné être des partisans, comme l’acteur Michel Laperrière ou les joueurs de hockey Yvon Lambert, Réjean Houle et Maxime Talbot, son premier réflexe demeure de répondre : « Ce n’est pas vous qui m’aimez, c’est moi qui vous aime ! »

Aujourd’hui, même si cela fait partie de son quotidien de se faire aborder au parc ou à l’épicerie, Piette se plaît dans ce rôle d’ambassadeur.

« Ça me surprend toujours qu’on me reconnaisse, mais c’est quelque chose qui fait toujours chaud au cœur, admet-il. Je ne suis pas quelqu’un qui demande qu’on le laisse tranquille avec sa famille. Moi, je me mets à leur place. Si c’était moi qui rencontrais une de mes idoles, j’aimerais ça qu’il prenne du temps. »

Et c’est un peu la conclusion de l’entrevue : Samuel Piette aime les gens. « Je pense que d’année en année, on dirait que mon amour pour la ville, pour le club et ma vie ici grandit. Je suis super bien, je suis super heureux, je suis super fier, surtout. »

Son seul souhait : que Montréal continue à entretenir cet amour et qu’il puisse y rester jusqu’à la retraite.