Sitôt ouvert, sitôt ciblé : une descente policière s’est tenue mardi dans les locaux de l’entreprise Funguyz, qui vend illégalement des champignons magiques, au premier jour de son ouverture. Quatre personnes ont été arrêtées et une enquête a été ouverte.

Comment s’est déroulée l’ouverture ?

Le magasin Funguyz situé rue Ontario, à l’intersection de l’avenue Papineau, a ouvert ses portes à 11 h mardi. En l’espace de quelques minutes, l’établissement a attiré une dizaine de clients.

À l’intérieur du commerce, des sachets de champignons séchés, des gélules contenant de faibles doses de champignons et divers produits comme du chocolat et des jujubes à la psilocybine (l’ingrédient actif que l’on retrouve dans les champignons magiques) étaient déposés sur des tablettes.

Le copropriétaire du commerce, Hector Hernandez, qui milite pour la légalisation des champignons magiques, était présent pour conseiller les clients. « Si c’est ta première fois, je te suggère les microdoses. On ne veut pas que quelqu’un ait une mauvaise expérience », avait-il lancé en anglais à l’un d’entre eux.

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La journée a pris une tout autre tournure en fin d’après-midi lorsqu’une descente policière s’est tenue dans les locaux de l’entreprise. Que s’est-il passé exactement ?

L’opération policière a débuté à 16 h 20. Au total, quatre arrestations ont été réalisées et une perquisition a aussi eu lieu, a indiqué la porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Sabrina Gauthier. Les enquêteurs ont quitté les lieux vers 19 h, a-t-elle ajouté en soirée.

Aucun détail concernant les personnes arrêtées, les possibles accusations ou la perquisition n’a été rendu public mardi soir. L’enquête est toujours en cours, a précisé Mme Gauthier.

« On s’attend à ce qu’il y ait une descente de police, c’est arrivé à tous nos commerces. Si ça arrive, on va rouvrir tout de suite après », avait déclaré en matinée le copropriétaire Hector Hernandez, qui ne se disait pas du tout inquiet.

La semaine dernière, lors de la descente de police qui a eu lieu au magasin Funguyz à Barrie, en Ontario, « ils ont pris nos produits et ont fait des arrestations. On a rouvert dès qu’ils sont partis », dit-il.

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La production, la vente et la possession de champignons magiques sont illégales au Canada. Depuis janvier 2022, il est possible d’y avoir accès légalement à des fins thérapeutiques, mais l’accès est toutefois très limité.

La chaîne de magasins de champignons magiques Funguyz, qui compte déjà 11 magasins en Ontario, souhaite tout de même s’établir à travers la province dans les prochaines semaines avec deux boutiques à Montréal, une à Laval et une à Trois-Rivières.

Quels sont les effets des champignons magiques ?

« Les champignons magiques ne font pas apparaître des choses qui n’existent pas comme un éléphant rose », dit Jean-Sébastien Fallu, professeur à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal et spécialiste en toxicomanie.

La substance entraîne généralement une distorsion des sens, comme la perception visuelle et sonore. « La perception du temps peut aussi paraître plus longue, ça peut provoquer des introspections et ça peut aller jusqu’à des petits délires », détaille le spécialiste.

Certains essais cliniques ont également montré des effets prometteurs pour le traitement de l’anxiété, la dépression et le trouble obsessionnel compulsif.

Ces effets sont causés par la psilocybine que l’on retrouve dans les champignons magiques. Cette substance imite la sérotonine, un neurotransmetteur dans le cerveau impliqué dans la régulation des comportements et des émotions.

Funguyz vend des gélules de microdoses de champignons. À quoi bon consommer d’infimes quantités de substances ?

Le professeur Jean-Sébastien Fallu soutient que les recherches sur l’effet des microdoses sont encore embryonnaires. « Les gens rapportent anecdotiquement des effets bénéfiques, mais on ne sait pas encore si c’est vraiment dû aux champignons, si c’est un effet placébo ou un mélange des deux », dit-il.

Les gélules vendues chez Funguyz contiennent trois choix de microdosage : 50 mg, 100 mg ou 200 mg de champignons. Sur son site internet, l’entreprise soutient que les microdoses de champignons magiques offrent une « clarté mentale et une concentration accrue ».

Est-ce que les champignons magiques sont sécuritaires ?

« Oui, les champignons sont sécuritaires, dans le sens qu’il n’y a pas de toxicité physique ni de risque de dépendance, dit le professeur Jean-Sébastien Fallu. Quand on regarde les études scientifiques qui classent la dangerosité des drogues, de l’alcool et du tabac, les champignons magiques sont les moins dangereux. »

Ça ne devrait pas pour autant être une substance prise sur un coup de tête, estime le spécialiste. En effet, à plus forte dose, il y a un risque de bad trip, soit une expérience désagréable vécue sous l’influence de la drogue.

Bien que la substance puisse aider certaines personnes souffrant de problèmes de santé mentale, « ça peut aussi aggraver ou déclencher des problèmes de santé mentale », dit-il. Plusieurs facteurs entrent en jeu, notamment la quantité ingérée et la fréquence de consommation.

Devrait-on s’inquiéter de l’ouverture du magasin montréalais ?

« Oui et non, répond M. Fallu. Puisque ce n’est pas encadré par l’État, ça repose sur le bon vouloir des promoteurs de Funguyz, et on ne sait pas quelle est la qualité de ces produits-là. » Il se dit toutefois « assez convaincu » qu’on peut leur faire confiance, « parce qu’ils n’ont pas d’intérêt à ce qu’il y ait des problèmes chez les gens qui consomment des produits de leur commerce ».

Funguyz soutient que ses employés sont formés et qu’ils sont présents pour conseiller les clients. Une mesure que M. Fallu juge rassurante. « Ce sont des produits qui sont accessibles dans la nature et sur l’internet, donc c’est peut-être mieux d’avoir accès à cette information-là au moment de l’achat. »