Des dizaines de citoyens évacués et isolés, plusieurs routes bloquées, un barrage détruit et des glissements de terrain : Saint-Côme et Sainte-Émélie-de-l’Énergie, dans Lanaudière, étaient toujours aux prises mardi avec des inondations ayant forcé le recours à l’état d’urgence. Les autorités étaient aux aguets en prévision de la pluie prévue plus tard dans la journée.

« L’inquiétude, c’est les 10 à 15 millimètres de pluie prévus cet après-midi », a affirmé mardi Caroline Proulx, ministre responsable de la région de Lanaudière. Les autorités surveillent la situation de près étant donné que la fonte des neiges est encore en cours dans la région.

Les cours d’eau sont toujours en hausse à Maskinongé et à L’Assomption, a ajouté la ministre.

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Une maison de Sainte-Émélie-de-l’Énergie menacée par un glissement de terrain

À Sainte-Émélie-de-l’Énergie, la route 131 était toujours fermée. « On ne permet que le passage des véhicules d’urgence », a expliqué le maire de la ville, Martin Héroux.

Au cours de la journée, une trentaine de citoyens ont pu accéder à leur résidence après l’évacuation de lundi. Une centaine de foyers demeuraient sans électricité et complètement isolés, sans accès à la route principale.

« La Sécurité civile cherche des voies alternatives pour permettre aux gens de circuler », a indiqué Mme Proulx.

Dur lendemain pour les citoyens

La mine basse, Alain Isabelle observe son chalet situé tout près du barrage qui a cédé à Sainte-Émélie-de-l’Énergie. La maison perchée au sommet d’un ravin est en mauvaise posture en raison d’un glissement de terrain survenu lundi. « Ça s’est détérioré très, très vite. Ce n’est pas une bonne nouvelle », explique le propriétaire.

Il y avait une distance d’au moins deux mètres entre le bâtiment et le bord du ravin avant l’effondrement. À présent, à peine un mètre sépare la maison du bord du ravin.

« On ne pense pas pouvoir y habiter, à moins de la déplacer. Mais on ignore si c’est possible », explique avec désarroi M. Isabelle. Malgré les prévisions météorologiques, il croit que le pire est derrière lui. Il demeure néanmoins surpris. « En cinq ans ici, je n’ai rien vu de tel. On ne pensait pas être à risque. Avec les changements climatiques, les tempêtes de neige, la fonte et les pluies, on va voir de plus en plus de gens dans ces situations. »

« La journée [de lundi] a été longue », soupire Marc-André Forget. Le résidant de Sainte-Émélie-de-l’Énergie habite aux abords de la rivière Noire depuis deux ans. Il a reçu l’avis d’évacuation de la Ville lundi après-midi, comme beaucoup de citoyens. Mais mieux vaut rester chez lui pour surveiller l’état de sa propriété, dit-il à La Presse entre deux gorgées de café, le regard tourné vers les six pompes à eau installées lundi matin.

Ce ne sont pas les nombreuses routes bloquées et son sous-sol en rénovation rempli d’eau qui inquiètent M. Forget et le tiennent aux aguets. « J’ai peur qu’il tombe plus de pluie ce soir. Et il y a eu le glissement de terrain juste devant chez moi », dit-il en pointant l’endroit en question.

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Le sous-sol de Marc-André Forget, un résidant de Sainte-Émélie-de-l’Énergie, a été inondé.

Le débit de la rivière Noire a diminué, mais le niveau de l’eau demeure inquiétant pour M. Forget. Plusieurs arbres menacent de s’effondrer, dont un immense conifère. « Cet arbre-là, s’il tombe, il atterrit sur mon toit », dit-il.

« Je serais plus anxieux si j’étais loin de chez moi à me demander si l’arbre est tombé. J’avais prévu le coup, j’ai des provisions pour les deux prochaines semaines », explique-t-il.

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Un glissement de terrain est survenu en bordure de la rivière Noire.

Selon Environnement Canada, de 15 à 30 millimètres de pluie étaient attendus de mardi après-midi jusqu’à mercredi soir : « Les averses seront modérées à fortes avec un risque d’orage cet après-midi. Les quantités sont moins élevées que celles de l’évènement de pluie des deux derniers jours. Cependant, ces précipitations créeront un stress supplémentaire sur les cours d’eau déjà vulnérables. »

État d’urgence à Saint-Côme

Le maire de Saint-Côme, Martin Bordeleau, a déclaré l’état d’urgence lundi soir en raison des inondations. Même son de cloche à Sainte-Émélie-de-l’Énergie, où l’état d’urgence a également été déclaré en raison de la montée des eaux. Une partie de la route 131 a été fermée. Un barrage a cédé, isolant environ 300 maisons du secteur. On signalait mardi un glissement de terrain et une vingtaine de routes bloquées.

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Une partie de la route 131 a été fermée à Sainte-Émélie-de-l’Énergie.

« En raison des fortes pluies des derniers jours, plusieurs routes sont endommagées et menacent de céder. Nous sollicitions votre plus grande prudence lors de vos déplacements obligatoires », souligne la municipalité de Saint-Côme.

La Ville suggère aux résidants d’éviter la route 347 à la hauteur de la rue de l’Auberge et de la côte Jaune, du rang 9, de la terrasse Bellevue, du chemin Laporte, de la rue du Lac-Émile et de la rue du Lac-Guénard. « Plusieurs de ces routes sont déjà isolées. » Les sinistrés peuvent se réfugier au Centre de loisirs Marcel-Thériault, a indiqué la municipalité par communiqué.

À Ottawa, le premier ministre Justin Trudeau a assuré mardi que le gouvernement fédéral serait là pour aider le Québec. « Évidemment, on va être là pour aider s’il y a une demande. Certainement, c’est des inondations très graves qu’on est en train de voir cette année », a-t-il dit avant la réunion hebdomadaire du Cabinet.

« Nous travaillons étroitement avec le gouvernement du Québec pour le soutenir, mais c’est lui qui mène la charge et à l’heure actuelle ils nous disent qu’ils n’ont pas besoin d’une aide supplémentaire du gouvernement fédéral, a indiqué le ministre de la Protection civile, Bill Blair. Mais nous restons disponibles au cas où cette aide serait requise. » Le Québec pourra également faire une demande de fonds pour la reconstruction en vertu du programme des Accords d’aide financière en cas de catastrophe (AAFCC). Près des trois quarts des 7,9 milliards de dollars versés après des catastrophes naturelles depuis 1970 l’ont été au cours des 10 dernières années, selon le ministère fédéral de la Sécurité publique.

Avec la collaboration de Mylène Crête et d’Henri Ouellette-Vézina, La Presse

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