(Ottawa) Le premier ministre Justin Trudeau affirme que les États-Unis et l’Europe doivent en faire « beaucoup plus » pour sanctionner les élites haïtiennes qui ont un rôle à jouer dans la crise d’insécurité en Haïti.

« Pour moi, la meilleure façon de refaire une stabilité pour Haïti, c’est d’abord de sanctionner les élites pour leur dire qu’elles ne peuvent plus financer les gangs [ni] l’instabilité politique », a-t-il dit lundi au cours d’une assemblée publique tenue dans le quartier Saint-Michel, à Montréal.

Un membre de l’auditoire a interpellé le premier ministre au sujet des préoccupations de la diaspora haïtienne, dont plusieurs membres habitent ce quartier.

M. Trudeau a rappelé qu’Ottawa a sanctionné 17 personnes, dont plusieurs anciens politiciens, puisque celles-ci sont considérées comme étant complices des bandes armées qui sèment la terreur en Haïti.

La situation dans ce pays des Caraïbes a atteint un niveau critique au cours des derniers mois, les gangs violant les femmes et bloquant l’accès de la population à des services essentiels.

En novembre, le Canada a commencé à sanctionner de premières personnes en vertu de sa Loi sur les mesures économiques spéciales. Cela a pour effet de geler les avoirs de ces personnes au Canada ainsi que de les empêcher de faire tout séjour au pays.

Au cours d’une entrevue accordée à La Presse Canadienne en décembre, M. Trudeau avait évoqué une volonté de voir des pays d’Europe emboîter le pas au gouvernement canadien.

« On amène les États-Unis et peut-être même l’Europe à [mettre de l’avant] leurs propres sanctions aussi », avait-il dit.

Lundi, il est allé plus loin. « Les États-Unis ont commencé à faire plus de sanctions. On a besoin qu’ils en fassent beaucoup plus. On a besoin que l’Europe, que la France, en fassent plus », a-t-il lancé.

Il a aussi ajouté que les pays voisins d’Haïti avaient leur rôle à jouer dans cette approche.

Dans une entrevue accordée à Radio France Internationale (RFI) en décembre, l’ambassadeur français à Port-au-Prince, Fabrice Mauriès, avait indiqué que la France attendait de voir les effets d’une résolution adoptée au Conseil de sécurité des Nations unies concernant des sanctions.

Ce processus vise à identifier les personnes affiliées à des gangs qui devraient faire l’objet de sanctions. Le chef de la fédération des gangs Jimmy Cherizier, connu localement sous le nom de « barbecue », a été sanctionné en vertu de cette résolution.

« L’Union européenne, dont c’est la compétence, a mis en œuvre par règlement communautaire la résolution des Nations unies […] et est en train de débattre éventuellement d’une base juridique qui pourrait renforcer ce dispositif en prenant des sanctions contre un certain nombre de personnalités », a dit M. Mauriès.

Il a affirmé que les sanctions ne sont pas, à son avis, « la panacée ». « Je crois qu’il faut qu’il y ait un effort conjoint pour traiter toutes les composantes de la crise haïtienne. »

De son côté, M. Trudeau a aussi insisté sur la police nationale haïtienne qui doit à ses yeux être appuyée afin qu’elle « ait le pouvoir de faire son travail ».

Il a soutenu que la tenue d’élections ne pourra se faire qu’une fois la stabilité installée en Haïti.

« De voter quand tu as peur de quitter ta maison, quand il y a des gangs armés dans la rue […] ce n’est pas un vrai vote démocratique », a mentionné le premier ministre.

Les dernières élections dans ce pays remontent à 2016. L’ex-président Jovenel Moïse a été assassiné en juillet 2021 et le premier ministre Ariel Henry s’est ensuite présenté comme leader, mais n’a pas été élu.