Après une longue saga juridique, le sénateur Paul Massicotte a finalement remporté une victoire dans le litige qui l’oppose à la Ville de Saint-Bruno-de-Montarville, sur la Rive-Sud. La Cour supérieure a conclu qu’il avait été victime d’une expropriation déguisée de son terrain situé dans le boisé des Hirondelles et qu’il avait droit à une indemnité.

Une demande de 15 millions pour expropriation déguisée

En 2018, deux entreprises détenues par Paul Massicotte ont déposé un recours devant la Cour supérieure afin de faire annuler les règlements l’empêchant de réaliser un projet de lotissement résidentiel dans le boisé des Hirondelles. Le promoteur réclame aussi une indemnité pour expropriation déguisée de 15 millions de dollars dans l’éventualité où les règlements seraient jugés valides. Dans une décision rendue le 7 mars dernier, le juge Lukasz Ganosik ne se prononce pas sur la validité de la réglementation. Il conclut néanmoins que plusieurs règlements municipaux de Saint-Bruno visant à protéger le boisé des Hirondelles « ont pour effet d’exproprier les demanderesses, Sommet Prestige Canada inc. et Propriétés Sommet Prestige inc. ». Le montant de l’indemnité doit être fixé au cours d’une autre audience. Jointes par La Presse, les parties en cause n’ont pas voulu commenter le jugement. Saint-Bruno a 30 jours pour déposer une demande d’autorisation d’appel.

Des décisions qui compliquent la tâche des municipalités

Ce jugement s’ajoute à d’autres décisions récentes des tribunaux qui risquent de compliquer le travail des municipalités désireuses de protéger les milieux naturels sur leur territoire. En septembre dernier, la Cour suprême du Canada a rejeté une demande d’appel faite par la Ville de Mascouche. La municipalité contestait une décision de la Cour d’appel du Québec, qui lui ordonnait de verser une compensation financière à une citoyenne, Ginette Dupras, pour expropriation déguisée. Celle-ci s’opposait à un changement du règlement de zonage empêchant dorénavant tout lotissement sur son terrain. Une décision récente de la Cour suprême du Canada a aussi donné raison à des promoteurs qui se plaignaient d’expropriation déguisée en Nouvelle-Écosse.

Une espèce menacée

Rappelons que les deux entreprises de Paul Massicotte planifiaient un projet de lotissement d’une vingtaine de maisons dans le boisé des Hirondelles, un projet qui au départ avait reçu l’appui de la Ville de Saint-Bruno. L’élection d’un nouveau conseil municipal, en novembre 2013, a cependant changé la donne puisque les nouveaux élus s’étaient engagés à protéger le boisé en campagne électorale. En 2011 et 2012, deux rapports transmis au ministère de l’Environnement ont en effet confirmé la présence sur le site de plusieurs plants de ginseng à cinq folioles, une espèce menacée. Au cours des années suivantes, Saint-Bruno a adopté des règlements municipaux visant à protéger l’endroit. À noter, à l’automne 2013, le commissaire au lobbyisme du Québec avait conclu que des activités de lobbyisme illégales avaient été menées dans le cadre du projet de Paul Massicotte à Saint-Bruno. Le commissaire François Casgrain avait alors blâmé l’ancien maire Claude Benjamin et des fonctionnaires municipaux.

Un long bras de fer

En 2019, la Cour supérieure a conclu qu’un recours d’un million de dollars intenté par le promoteur contre l’ancien maire de Saint-Bruno, Martin Murray, et l’ancienne conseillère municipale Marilou Alarie constituait une poursuite bâillon. Le promoteur les accusait « d’avoir agi sciemment et abusivement dans le but de faire achopper » son projet de lotissement. Dans sa décision, le juge Claude Dallaire a aussi condamné les entreprises de Paul Massicotte à rembourser les frais de défense de M. Murray et de Mme Alarie. En juin 2022, le sénateur Massicotte, qui est également président du comité permanent du Sénat sur l’énergie, l’environnement et les ressources naturelles, a aussi déposé une requête en Cour supérieure pour faire annuler un nouveau règlement de contrôle intérimaire de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) destiné à protéger les « milieux naturels d’intérêt » sur son territoire. Celui-ci inclut une large partie du boisé des Hirondelles.

En savoir plus
  • 22
    En février 2020, le ministère de l’Environnement du Québec a signifié son refus d’autoriser le projet en vertu de l’article 22 de la Loi sur la conservation du patrimoine naturel.
    Source : ministère de l’Environnement du Québec
    1,9 million
    En 2006, Paul Massicotte a acheté au club de golf privé Mount Bruno Country Club un terrain situé dans le boisé des Hirondelles contre 1,9 million de dollars.
    Source : Décision de la Cour supérieure du Québec