La Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ) avait été prévenue par des employés que la transition numérique devrait être plus « graduelle », affirme leur syndicat, qui s’en prend à la « mauvaise planification » du gouvernement, au moment où les files d’attente s’allongent à travers la province.

« On n’a pas fait la communication nécessaire, on n’a pas donné la formation requise. Nos membres avaient pourtant avisé les gestionnaires qu’on n’était pas prêts à arriver avec cette transition-là, du jour au lendemain, qu’on s’en allait dans le mur. Mais personne ne nous a écoutés, et vous voyez le résultat », déplore en entrevue le président du Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec (SFPQ), Christian Daigle.

Son groupe, qui représente 2200 employés de la SAAQ, dénonce le fait que le gouvernement a tout simplement voulu aller « trop vite » dans ce dossier.

« Pour nous, c’est clairement une mauvaise planification. Le résultat, c’est qu’en ce moment, ce ne sont pas juste les citoyens qui ont des difficultés. Nos membres également ont les mêmes problèmes informatiques, alors que les citoyens sont en face d’eux avec des questions. Tout ça était prévisible », martèle M. Daigle.

Mais le minimum, selon le leader syndical, aurait été de « préparer les gens à se créer une identité numérique », la nouvelle plateforme étant la première à s’intégrer au nouveau Service d’authentification gouvernementale (SAG). « C’est un changement majeur pour tout le monde. Il aurait fallu du rodage, des instructions, de la communication. Bref, il aurait fallu y aller plus graduellement, surtout pour un besoin aussi essentiel que le permis de conduire. »

« Gouvernement brouillon »

Appelée à réagir, la SAAQ a indiqué lundi qu’elle ne fera aucun commentaire à ce sujet. Pendant ce temps, lundi, les files d’attente étaient néanmoins encore réalité dans de nombreux centres de service. En matinée, au Carrefour Langelier, à Montréal, plusieurs dizaines de personnes patientaient, parfois assises sur des chaises de camping. Dès le début de la journée, une longue file a été observée à l’extérieur.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Partout au Québec, et en particulier à Montréal, les forts taux d’achalandage épuisent le personnel, déplore Christian Daigle.

La situation était très similaire à la succursale du boulevard Henri-Bourassa, où même les gens ayant pris rendez-vous ont dû patienter plus d’une heure.

Sur Twitter, le député libéral Monsef Derraji a d’ailleurs dénoncé que « l’attente continue ». « Ce gouvernement brouillon peut-il agir avec des mesures de mitigation pour faciliter cette transition ? », s’est-il demandé.

Dimanche, la Société avait annoncé que 150 employés, des travailleurs de la SAAQ provenant d’autres secteurs, seraient réaffectés à l’accueil des clients et à l’aide à l’inscription en ligne. Des employés à la retraite pourraient aussi être mis à contribution. Ils devaient recevoir une formation « accélérée » dès lundi, afin d’être en poste à compter du 13 mars. Sept centres de service devraient recevoir ces nouvelles ressources.

Une capacité d’accueil quotidienne de chaque centre de service est aussi diffusée depuis lundi sur le site web de la SAAQ, qui envisage également d’implanter des abris chauffés dans certaines succursales pour les personnes attendant à l’extérieur. Des bornes numériques libre-service ont aussi été ajoutées dans certains points de service.

J’espère qu’avec les mesures, […] la situation se résorbera.

Geneviève Guilbault, ministre des Transports

Dans l’opposition, on réclame des réponses. « La ministre aurait dû s’assurer que le système fonctionnait convenablement au moment de rouvrir les bureaux, elle aurait dû exiger un plan de contingence et, devant la crise, elle devait réclamer des actions immédiates dès les premiers dérapages », a affirmé lundi le critique péquiste en matière de transports, Joël Arseneau. « Les Québécois ont le droit de savoir pourquoi l’implantation de SAAQclic a autant dérapé », a aussi jugé Étienne Grandmont, chez Québec solidaire.

Gare à l’agressivité

Partout au Québec, et en particulier à Montréal, les forts taux d’achalandage épuisent le personnel, déplore Christian Daigle. « Il y a plusieurs endroits où les travailleurs pleurent de fatigue pendant leurs pauses. Les gens sont brûlés, mais malgré ça, ils font le temps supplémentaire pour défaire l’engorgement, ils y tiennent », illustre-t-il.

Le SFPQ dit d’ailleurs n’avoir qu’une demande aux citoyens : « Ne déversez pas votre fiel sur les travailleurs ; ce n’est pas eux qui ont pris la décision », fait valoir son président.

Fait à noter : une rencontre est prévue cette semaine entre le syndicat, des travailleurs et la haute direction de la SAAQ. « Il faut trouver une autre façon de faire les choses. On ne peut pas passer deux mois dans cette situation-là », plaide M. Daigle.