Policiers, militaires, secouristes, bénévoles, experts en communications, monteurs de lignes. Des milliers de personnes sont intervenues d’une façon ou d’une autre au bénéfice des sinistrés durant le verglas. En voici quatre.

Steve Flanagan, d’Hydro-Québec : 42 heures sans arrêt

L’équipe des relations publiques d’Hydro-Québec est passée de 10 à une cinquantaine de personnes pendant la crise du verglas. Là-dessus, une quinzaine de porte-parole ont donné quelque 3000 entrevues, la plupart dans les trois premières semaines.

Et foi du plus connu d’entre eux, Steve Flanagan, leurs heures de sommeil étaient courtes.

Le lundi 5 janvier, il est seul au bureau avec son collègue Jean-Claude Lefebvre. « Dans la journée, on suivait les conditions météo, se remémore M. Flanagan. Ça faisait partie de nos habitudes, car lorsqu’il y avait de la pluie, du verglas, des tempêtes de neige, ça pouvait avoir un impact sur le réseau de distribution. À la fin de la journée, Jean-Claude est parti avec ce qu’on appelait la mallette d’urgence : un ordinateur portable et un bottin téléphonique. »

Le lendemain matin, vers 5 h, M. Flanagan reçoit un appel de son collègue qui lui signale que déjà des milliers d’abonnés sont sans électricité. À son arrivée au siège social d’Hydro-Québec, des camions de reportage l’attendent.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Steve Flanagan, le 12 janvier 1998

« Ce fut le début d’une longue journée, dit-il. J’ai travaillé 42 heures consécutives. Et je ne savais pas encore que j’avais quitté la maison pour trois semaines. » M. Flanagan a logé dans un hôtel à deux pas de son bureau et dormait autour de quatre heures par nuit.

À un moment, les gens de LCN m’ont demandé si je pouvais faire le point avec eux toutes les 15 minutes. J’ai dit oui. Quand les responsables de RDI ont vu ça, ils m’ont demandé la même chose. Je me suis retrouvé à faire huit entrevues à l’heure ! Aux heures de pointe, ça pouvait monter à 13, 14 !

Steve Flanagan, ex-porte-parole d’Hydro-Québec

Depuis 2004, l’ancien porte-parole a ouvert sa propre boîte, Flanagan Relations publiques. Il estime que le modèle de gestion de crise et la façon de communiquer d’Hydro-Québec, qui avaient justement été revus de fond en comble en 1997, ont fait école. « Lorsqu’on regarde la crise du verglas 25 ans plus tard, je pense que cela a rendu la société québécoise plus résiliente. »

Josée Payant, de la Croix-Rouge : de la Floride à Saint-Césaire

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Josée Payant, de la Croix-Rouge

À la Société canadienne de la Croix-Rouge depuis 42 ans, Josée Payant était en vacances avec sa famille en Floride lorsque le verglas a frappé. Une fois qu’elle a été de retour au Québec, on lui a donné 24 heures avant de se mettre au travail à temps plein.

« Je vivais au cœur de Saint-Césaire, dans le triangle noir. J’étais moi-même sinistrée avec un enfant d’âge préscolaire, un autre au primaire et un autre au cégep. J’ai gardé mon bébé et placé les deux autres. »

Josée Payant est alors directrice des opérations intérieures et internationales pour le Québec. Son travail : développer, coordonner et implanter tout un éventail de programmes destinés à venir en aide à la population. Et vite.

« Tout de suite après les évènements, nous avons signé un protocole d’entente avec le ministère de la Sécurité publique pour devenir gestionnaires du matériel d’urgence du gouvernement. Depuis ce temps-là, c’est nous qui avons la gestion des lits, couvertures, trousses d’hygiène, etc. »

Adjudant Jean-François Tremblay, des Forces armées : un autre biscuit ?

PHOTO FOURNIE PAR LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

L’adjudant Jean-François Tremblay, responsable des tirs régimentaires au 12régiment blindé du Canada, à Valcartier

Avec ses camarades, Jean-François Tremblay est parti de Québec pour Montréal où, durant les deux premières semaines de la crise, il a travaillé dans les rues à ramasser des branches, émonder des arbres tout en gardant un œil sur la sécurité des sinistrés qui, eux, le leur rendaient bien.

« Dans les rues, on se faisait offrir du café, des biscuits, toutes sortes de choses, se rappelle l’adjudant Jean-François Tremblay. Un jour, j’étais affecté à une équipe de scie mécanique. Nous avions fait une pause et j’ai dit à mon coéquipier que j’arrêtais de manger des biscuits, au risque d’en faire une overdose. Un peu plus loin, nous avons croisé une mère avec sa fille de 3-4 ans qui apportaient… un plateau de biscuits. Je n’ai pas eu le choix d’en prendre un autre ! »

Après deux semaines passées à Montréal, la troupe s’est déplacée dans la région d’Acton Vale, où M. Tremblay a fait du porte-à-porte pour s’assurer que les gens vivaient en sécurité et distribuer des cordées de bois.

« Une de nos tâches principales est la protection du Canada, peu importe le contexte, rappelle-t-il. C’est toujours valorisant d’aller aider nos gens. »

Serge Mainville, d’Environnement Canada : « Es-tu sérieux ? »

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Le météorologue Serge Mainville, d’Environnement Canada

En 1998, le météorologue Serge Mainville travaille au bureau d’Environnement Canada à Ottawa. Il est en poste dans la nuit du 4 au 5 janvier. Ce qu’il voit sur son radar et ses écrans n’annonce rien de bon. Ses collègues de Montréal voient la même chose, à savoir de forts risques de pluie verglaçante durant… cinq jours !

Le bureau de Montréal étant plus éloigné du système de précipitations, c’est Ottawa qui lancera le message de pluie verglaçante pour les jours 3, 4 et 5.

À la relève, à 7 h du matin, Serge Mainville fait un breffage de la situation à une de ses collègues un peu éberluée.

À la fin de mon exposé, elle m’a dit : “Sérieux ? Tu me prévois cinq journées consécutives de pluie verglaçante ?” Ses yeux me signalaient que j’annonçais une tragédie.

Serge Mainville, météorologue à Environnement Canada

M. Rainville revoit son analyse. Et fait le même constat. « À Ottawa, l’équipe de jour a refait les modèles pour en arriver à la même conclusion », dit-il. Serge Mainville n’en retire aucune espèce de gloire. « On voulait donner le meilleur service possible avec les instruments à notre disposition. À partir de là, ça ne m’appartenait plus. »

Lisez « La crise du verglas, 25 ans plus tard : dans l’enfer de glace »