35 jours
La crise dure 35 jours. Sous des accumulations allant jusqu’à 100 millimètres de verglas, le réseau d’Hydro-Québec s’effondre. Quelque 24 000 poteaux de bois, 900 pylônes et 3000 kilomètres de lignes électriques sont fauchés. Au plus fort de la crise, 1,4 million d’abonnés, soit 3,5 millions de personnes, vivent dans le noir ; 598 municipalités (sur 1421) du Québec, 48 MRC et deux communautés urbaines sont touchées. La Croix-Rouge et ses 3300 bénévoles ouvrent 450 centres d’hébergement au Québec, en Ontario et au Nouveau-Brunswick.
Hydro-Québec sur le terrain
Dès le 6 janvier, alors que 750 000 clients d’Hydro-Québec sont privés d’électricité (vers 16 h), la société d’État dépêche 590 équipes d’élagueurs et de monteurs de lignes sur le terrain. Le 8 janvier, on retrouve 1209 équipes au travail dans les régions touchées, auxquelles s’ajoutent 400 équipes de travailleurs américains (linemen). Le vendredi 30 janvier, alors que la crise est en voie d’être résolue, Hydro-Québec déploie encore 1412 équipes de monteurs de lignes, 92 d’élagueurs et 68 d’installateurs de poteaux.
Plus de 15 000 soldats
À la demande du premier ministre du Québec, Lucien Bouchard, les Forces armées canadiennes (FAC) se déploient dans plusieurs régions du Québec. Ils iront aussi dans les provinces voisines. En tout, 15 784 militaires, dont 3740 réservistes, sont sur le terrain. L’opération RÉCUPÉRATION est lancée. Elle coûtera en tout 105 millions.
Un note sur la table
Les FAC sont sur le terrain avec 232 véhicules, 30 remorques et 29 hélicoptères Griffon. L’adjudant Jean-François Tremblay, alors caporal à la base de Valcartier, a participé aux secours. « On nous a appelés vers 16 h 30 pour nous signaler de rentrer dans les lignes régimentaires à 18 h 30. J’ai quitté la maison en laissant une petite note à ma conjointe sur la table. Elle se doutait bien que je partirais en raison de mon métier ! Nous avons mis six heures à nous rendre à Montréal. »
Un évènement étudié sous toutes ses facettes
La tempête de 1998 est une référence parmi les études de cas en météorologie. Au Québec, on l’a beaucoup étudiée.
Julie Mireille Thériault, du département des sciences de la terre et de l’atmosphère (UQAM), et titulaire de la chaire de recherche du Canada en évènements météorologiques hivernaux extrêmes
Le col roulé d’André Caillé
Un des symboles de cette crise fut le chandail à col roulé d’André Caillé, PDG d’Hydro-Québec. Steve Flanagan, alors porte-parole de la Société d’État, raconte. « Le mercredi 7 janvier, j’étais avec M. Caillé, qui arrivait de Paris, à Saint-Hyacinthe. Il avait froid et on cherchait quelque chose à lui remettre. Son chauffeur avait le fameux col roulé blanc dans son véhicule. C’est ce qu’il portait le même jour, à 22 h, au Téléjournal. Après l’entrevue, M. Caillé a dit : “Je vais le garder jusqu’à ce que la situation revienne à la normale.” C’était sa façon de montrer qu’il était avec les travailleurs. »
La peur de manquer d’eau
Le vendredi 9 janvier à 12 h 38, les deux usines de production d’eau potable de Montréal, Atwater et Des Baillets, cessent de fonctionner. Il n’y a plus de courant. Montréal est dans le noir. Le maire Pierre Bourque demande l’aide de Québec et d’Hydro-Québec. Montréal n’est alors alimenté en électricité que par un seul fil. Le métro a aussi cessé de fonctionner. Finalement, deux des cinq pompes de l’usine Des Baillets recommencent à fonctionner à 15 h 33. En soirée, tout revient à la normale.
La Croix-Rouge et le gouvernement
Tout en ouvrant 450 centres d’hébergement, la Croix-Rouge a recueilli près de 11 millions en dons. « Comme nous avions un pied dans les centres d’hébergement, on transmettait des informations en direct du terrain aux instances gouvernementales », a dit Josée Payant, alors directrice des opérations domestiques et internationales de la Croix-Rouge pour le Québec
20 000 mètres cubes
À Montréal, c’est le volume des branches tombées envoyées au complexe environnemental Saint-Michel pour être mises en copeaux. Ailleurs au Québec, les plus importants dommages aux arbres concernent des peuplements de moindre valeur commerciale (comme le bouleau gris) et les jeunes arbres. En Montérégie et dans le Centre-du-Québec, le peuplement d’érables à sucre est gravement atteint. Les érables rouges, les peupliers faux-trembles et les hêtres sont aussi très touchés.
30 morts
La crise du verglas fait 30 morts au Québec. Les victimes ont de 10 à 93 ans. Les causes sont variées : hypothermie, chutes d’un toit, incendies, émanations de monoxyde de carbone, etc.
Solidarité et débrouillardise
Un des enseignements du verglas de janvier 1998 est, sans aucun doute, l’importance de la solidarité, du ressort, de l’ingéniosité, la débrouillardise des sinistrés. Ces qualités sont le reflet d’une caractéristique précieuse de la société québécoise. Aucun système de sécurité civile ne pourra remplacer le dynamisme et l’autosuffisance de la collectivité pendant les heures critiques du début d’un sinistre qui les frappe.
Roger Nicolet, président de la Commission scientifique et technique chargée d’analyser les évènements relatifs à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998
Sources : Forces armées canadiennes ; HydroPresse, janvier 2018, hydroquebec.com/verglas-1998 ; Croix-Rouge canadienne ; Bureau du coroner du Québec ; Archives de Montréal ; Commission scientifique et technique chargée d’analyser les évènements relatifs à la tempête de verglas survenue du 5 au 9 janvier 1998 ; Jennifer Milton et Alain Bourque, Compte rendu climatologique de la tempête de verglas de janvier 1998 au Québec, Environnement Canada, septembre 1998.