Comme le veut la tradition, de nouveaux arrivants épaulés par l’organisme La Maisonnée ont célébré ensemble les fêtes de fin d’année.

La Maisonnée avait dressé de longues tables dans le sous-sol de l’église Saint-Ambroise. Suspendu des guirlandes au plafond et engagé des musiciens. Elle attendait 217 personnes. Mais il n’en est venu que 147, à cause de la première tempête de neige qui s’abattait sur Montréal.

Chaque fin d’année, La Maisonnée, organisme communautaire voué à l’accueil et à l’accompagnement des nouveaux arrivants, organise une fête pour le premier Noël de ses protégés – plutôt baptisée « fête interculturelle » pour tenir compte du fait que la plupart d’entre eux ne sont pas chrétiens.

Malgré la tempête, ça faisait pas mal de monde. « Il ne faut pas oublier les 36 bénévoles », lance Zina Laadj, intervenante sociale et coordonnatrice pour l’organisme, dont la clientèle a monté en flèche en 2022. Surtout des demandeurs d’asile.

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Quelques pas de danse entre deux bouchées…

« On a dû renforcer l’équipe, engager de nouvelles personnes, et affecter des intervenants à l’accompagnement des demandeurs d’asile », explique-t-elle, entre deux bouchées d’un généreux buffet syrien.

« On nous a bien accueillis »

Imran Rana est l’un de ces nouveaux « clients ». « C’est mon premier Noël au Québec », se réjouit-il, assis un peu plus loin avec sa femme.

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Pakistanais, Imran Rana a demandé l’asile au Canada le 3 août.

Le Pakistanais de 45 ans a connu La Maisonnée lorsqu’il était hébergé au Ramada, boulevard Décarie. Il a passé six semaines dans cet hôtel, aux frais du gouvernement fédéral, après avoir demandé l’asile au Canada en passant par le chemin Roxham. Comme plus de 35 000 autres, en cette année record.

C’était le 3 août. Imran arrivait de New York, où il a vécu pendant huit mois, en attendant que sa femme puisse le rejoindre.

C’est d’ailleurs à New York qu’il a appris l’existence du chemin Roxham.

« Des gens m’en ont parlé, dit-il en anglais. C’est facile de trouver toutes les informations dont on a besoin. Il y a même des vidéos sur YouTube qui montrent comment traverser le chemin Roxham ! »

Imran et sa femme ont acheté des billets d’autocar New York–Plattsburgh, puis pris un taxi pour aller au bout de Roxham Road, où un tout petit fossé mille fois piétiné sépare les États-Unis du Canada.

J’avais peur de ce qui allait nous arriver à la frontière. Vous savez, ce n’est pas une frontière normale. Mais nous avons été étonnés, sérieusement. On nous a bien accueillis.

Imran Rana, nouvel arrivant venu du Pakistan

Depuis, Imran a trouvé un appartement, près de l’hôtel Ramada, avec l’aide d’une intervenante de La Maisonnée. « On a l’appartement, mais ça prend des meubles, dit-il en riant. J’ai acheté un matelas, mais on n’a pas de table ni de chaises. On mange sur le plancher. »

Le loyer de ce trois et demie, non chauffé, non éclairé, est de 1045 $ par mois.

En attendant de trouver un emploi, Imran Rana fréquente des banques alimentaires, dont le service de dépannage de La Maisonnée et Moisson Montréal.

Dans son pays, il travaillait en ressources humaines pour une chaîne de télé. « Sur LinkedIn, je reçois des offres tous les jours, mais c’est toujours bilingue, français-anglais, dit-il. Je sais que je vais devoir parler français, mais ça prend du temps. »

Walid et les siens

Walid, un « ancien » de La Maisonnée, parle très bien français.

Avocat dans son pays, ce réfugié syrien a suivi des cours de francisation à temps complet pendant un an à son arrivée, en 2017. Sa femme Koulod aussi. Leurs deux enfants ont appris la langue à l’école.

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Au menu : un généreux buffet syrien

L’anglais ? « Non, je ne le parle pas », dit-il.

Les deux premières années ont été très difficiles, confie Walid. Au point de songer à tout abandonner pour retourner en Syrie ou aller dans un autre pays.

J’avais beaucoup de difficulté à trouver du travail. Je suis resté parce que l’avenir de mes enfants est au Québec. J’ai décidé de sacrifier ma carrière pour eux. Ici, c’est meilleur pour les études qu’en Syrie. Il y a beaucoup d’opportunités pour eux.

Walid, venu de Syrie

Walid travaille à Postes Canada et poursuit des études au cégep Montmorency dans le domaine des assurances.

Son fils Boulos, 15 ans, pense aller à l’université en génie. « Je suis le troisième de ma classe en mathématiques », dit-il fièrement.

Recruteur et chimiste

Hamid Farahani, sa femme Somayeh Rouhi et leur petite fille Selena, née ici, sont aussi bien intégrés.

Au Québec depuis huit ans, ils viennent d’Iran. À la fête de Noël, ils partageaient une table avec leurs amis Fatemeh Mohaghegh Zadeh, Kamal Eskandar Zadeh et leur fils de 15 ans, Amirreza, arrivés au Québec il y a six mois.

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Somayeh Rouhi, son mari Hamid Farahani et leur fille Selena

« J’ai appris le français à La Maisonnée », souligne Hamid Farahani, qui travaille comme recruteur « dans un environnement francophone ». « En Iran, on avait une base, mais, ici, on a vraiment amélioré notre français. Ça prenait les deux langues pour trouver du travail, mais 99 % du travail que je fais est en français. »

Sa conjointe, chimiste, travaille pour une compagnie pharmaceutique.

« C’est la septième fois qu’on assiste à la fête de Noël de La Maisonnée », précise Hamid, une assiette bien garnie devant lui.