La Ville de Beauceville a rasé des milieux humides sans permis pour agrandir son parc industriel et versé illégalement plus de 2 millions de dollars à un organisme de développement industriel.

Ce sont les conclusions d’un rapport d’enquête de la Commission municipale du Québec (CMQ)1 rendu public lundi.

Souhaitant agrandir son parc industriel à la suite des inondations de 20192, Beauceville a contourné les autorisations et évaluations nécessaires pour acquérir des terrains en zone agricole et y faire une coupe à blanc « sur plusieurs hectares » au printemps dernier.

Le rapport souligne également qu’il est « particulièrement préoccupant » de ne pas avoir évalué sérieusement les conséquences de la destruction de milieux humides alors que ceux-ci contribuent à diminuer les risques d’inondations.

« Les milieux humides, le principe général, c’est qu’on veut en garder, parce qu’on en a déjà trop perdu partout » au Québec, déplore la biologiste Kim Marineau. Elle souligne que même lorsqu’une autorisation est délivrée et que des fonds sont prévus pour compenser la destruction de milieux humides, en pratique, les projets ne se concrétisent pas, comme l’a révélé La Presse3.

Beauceville s’expose à des poursuites judiciaires ainsi qu’à des sanctions administratives et pénales. Les amendes pour avoir contrevenu à la Loi sur la qualité de l’environnement vont de quelques milliers à quelques millions de dollars.

Dépense importante

La Ville a aussi procédé à « une importante dépense de fonds publics » pour un projet qui « était loin d’être acquis », observe-t-on.

La Ville a acquis trois terrains et signé une promesse d’achat pour un quatrième au coût total d’environ 850 000 $, « et ce, sans savoir si les terrains pourront réellement être utilisés à des fins industrielles ».

La présence de milieux humides était connue, mais « il appert que, pour accélérer la démarche, les étapes de cheminement du projet d’agrandissement du parc industriel n’ont pas été respectées », peut-on lire dans le rapport.

Le maire blâmé

La CMQ blâme notamment le maire François Veilleux et le directeur général Serge Vallée, qui ont « commis des actes répréhensibles ». Le maire, absent pour des raisons de santé, n’a pas répondu à une demande d’entrevue de La Presse. Le directeur général a dirigé La Presse vers le maire suppléant, Patrick Mathieu, qui a refusé de répondre à nos questions.

« Moi, j’ai collaboré dans le rapport, mais je n’avais pas tous les tenants et aboutissants de ce rapport, ça fait que je l’étudie, je l’épluche, j’en prends connaissance », a déclaré M. Mathieu. « À très court terme, la Ville va émettre des commentaires ou se mettre disponible pour répondre à des questions sous forme d’une conférence », a-t-il assuré.

En outre, la CMQ a appris l’existence d’un programme de subventions pour la construction et la rénovation résidentielles, commerciales et industrielles qui permet aux propriétaires d’obtenir un remboursement de taxes foncières. Un autre programme prévoit le remboursement à de nouvelles entreprises locataires d’une partie des coûts de location.

La Ville a versé plus de 2 millions de dollars depuis 2016 dans le cadre de ces programmes, gérés par la Corporation de développement industriel de Beauceville (CDIB).

Ces versements « sont illégaux », tranche la CMQ, puisqu’aucune disposition législative ne les autorise, l’aide financière aux organismes par les villes étant strictement encadrée.

Le conseil municipal a décidé de cesser « tout transfert de fonds relatifs à de nouvelles ententes » à la CDIB le 3 octobre dernier. Mais le montant total « pourrait atteindre 3,7 millions de dollars en 2026 si les subventions devaient être accordées pour les projets en cours » à cette date, souligne le rapport, qui recommande d’y mettre fin immédiatement.

La CMQ recommande aussi à Beauceville de suivre les étapes appropriées pour son projet d’agrandissement du parc industriel et de faire les demandes d’autorisation qui s’imposent.

Un « suivi des mesures correctrices mises en place » doit être fait d’ici le 1er mai 2023.

1. Consultez le rapport de la CMQ 2. Lisez l’article « Inondations : 100 édifices de Beauceville pourraient être démolis » 3. Lisez l’article « Compensations pour la destruction de milieux humides : près de 100 millions dorment à Québec »
En savoir plus
  • 15 000 $ à 3 000 000 $
    Les amendes prévues par la Loi sur la qualité de l’environnement pour les personnes morales qui réalisent certains projets sans autorisation, comme l’a fait Beauceville.
    Source : Loi sur la qualité de l’environnement, article 115.31.