Le Québec doit rapidement se doter d’une stratégie nationale de la biodiversité et déployer « un vaste programme d’adaptation des forêts » aux changements climatiques. Dans son plus récent rapport, le Comité consultatif sur les changements climatiques invite aussi le gouvernement Legault à attaquer de front l’urgence climatique et la crise de la biodiversité.

Un plan pour la biodiversité

Dans son rapport dévoilé vendredi, le comité consultatif sur les changements climatiques recommande en premier lieu que le gouvernement du Québec se dote d’une première stratégie nationale de la biodiversité « accompagnée d’un plan d’action, comme l’ont fait la très grande majorité des États se considérant comme liés à la CBD [Convention sur la diversité biologique] ». « On a une politique nationale sur l’eau, une sur les changements climatiques, ça nous prend une politique pour la biodiversité », lance Jérôme Dupras, professeur au département des sciences naturelles de l’Université du Québec en Outaouais et coauteur du rapport. Le document signale qu’une telle stratégie constituera le cadre commun permettant une cohérence des actions de l’État concernant la biodiversité. » On invite aussi le gouvernement à « accroître le financement et l’expertise quant à la séquestration du carbone, en particulier dans le secteur agricole et les milieux humides ».

Deux crises « intrinsèquement liées »

Le rapport intitulé Climat et biodiversité : redéfinir notre rapport à la nature invite le gouvernement du Québec à « considérer la crise de la biodiversité selon les mêmes niveaux d’urgence et d’attention que ceux accordés à la crise climatique ». « Ces deux crises sont intrinsèquement liées : les changements climatiques dégradent la biodiversité, les écosystèmes et les services qu’ils rendent, induisant d’importants dommages et pertes, alors même que le maintien d’écosystèmes fonctionnels et diversifiés est essentiel pour préserver leur rôle dans la séquestration des gaz à effet de serre », soutiennent les experts québécois. On note également que le Québec se trouve « en première ligne » quant aux impacts des changements climatiques, notamment en ce qui concerne le pergélisol et la forêt boréale.

Adapter les forêts aux changements climatiques

« Compte tenu de l’importance de la forêt pour la société québécoise et la régulation du climat à l’échelle planétaire, le comité recommande en particulier de mettre en œuvre un vaste programme d’adaptation des forêts au climat du futur d’ici 2025. » Le rapport suggère entre autres de diversifier les espèces plantées et les pratiques forestières. On rappelle que « les changements climatiques auront un effet marqué sur la biodiversité et les populations du nord du Québec ». Selon les prévisions du consortium Ouranos, la température moyenne pourrait grimper de 9 degrés dans le Nord d’ici la fin du siècle, soit le double des prévisions pour le Sud. Un tel réchauffement fragilisera plusieurs écosystèmes. Fait à noter : on demande aussi au ministère responsable des forêts d’« exercer son leadership pour mobiliser tous les acteurs concernés, aussi bien sur les terres publiques que sur les terres privées ».

Des aires protégées dans le Sud

Sans surprise, le comité recommande que Québec protège 30 % du territoire d’ici 2030, mais « en priorisant les milieux d’intérêt stratégique pour la biodiversité ». Un engagement qui a d’ailleurs été pris par le gouvernement Legault en marge de la COP15 sur la biodiversité qui se tient à Montréal. « Il y a du bon 30 et du moins bon 30 », prévient Jérôme Dupras, qui siège aussi au comité consultatif sur les changements climatiques. « Il faut représenter la diversité des écosystèmes au Québec et pour ça, ça prend absolument des aires protégées dans le Sud. » Un 30 % d’aires protégées dans le Nord, plus facile à réaliser, ne permettrait pas d’atteindre les engagements internationaux, souligne-t-il. « Dans les milieux habités [du Sud], il y a de grands manques à gagner. »

« Il ne faut plus marchander la nature »

« Le taux des changements des écosystèmes à venir, c’est alarmant pour les prochaines années », ajoute le spécialiste de l’évaluation économique des services écosystémiques. L’expert prévient que Québec devra aussi adapter son approche pour la protection de la biodiversité. « Il ne faut plus marchander la nature dans une logique compensatoire. Les banques de compensation, c’est une idée vieille de 50 ans », dit-il, faisant référence à la gestion des milieux humides, où Québec autorise la destruction de milieux sensibles en échange de compensations financières payées par des promoteurs. Rappelons que depuis 2017, le ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques a récolté plus de 100 millions de dollars en compensations financières et que seulement 2,6 % de ces fonds ont été réinvestis à ce jour pour des projets de restauration ou de création de nouveaux milieux humides.

Qu’est-ce que le comité consultatif sur les changements climatiques ?

C’est un comité scientifique indépendant chargé de conseiller le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs. Il publie notamment des rapports scientifiques qui sont rendus publics. Le comité est formé de 10 personnes et il est présidé par le professeur Alain Webster.

En savoir plus
  • 50 %
    La moitié du PIB mondial est modérément ou fortement dépendante de la nature et de ses services.
    SOURCE : Rapport du comité consultatif sur les changements climatiques