Le nombre d’évictions forcées a « plus que doublé » par rapport à l’an dernier, s’est inquiété mardi le Regroupement des comités et associations de locataires du Québec (RCLALQ). L’organisme appelle Québec à « renforcer » les mécanismes de protection des locataires.

Dans sa plus récente compilation annuelle des reprises de logement et des évictions — un exercice qu’il réalise depuis quelques années déjà — le RCLALQ recense 3110 cas d’évictions forcées en 2022, une hausse de 150 % par rapport aux 1243 dossiers qui avaient été signalés en 2021. En 2020, ce chiffre était de 757 ; la hausse entre 2020 et 2021 était alors de 64 %.

Dans la métropole, le nombre d’évictions forcées a bondi de 1040 en 2021 à 2256 en 2022. Ces chiffres sont « alarmants », car ils représentent « la plus forte augmentation jamais enregistrée dans la compilation annuelle » de l’organisme, affirme ce dernier. Le groupe presse d’ailleurs la nouvelle ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, « d’agir pour renforcer les protections des locataires ».

Le co-porte-parole du regroupement, Martin Blanchard, déplore qu’une « part importante des évictions forcées sont de nature malveillante ou frauduleuse ». « Il s’agit d’un stratagème utilisé par des propriétaires pour contourner la loi afin de déloger des locataires qui refusent des hausses extravagantes et faire des profits considérables. […] Cette pratique est devenue monnaie courante », martèle-t-il.

La pointe de l’iceberg ?

Selon le RCLALQ, ces chiffres ne représentent que la « pointe de l’iceberg », les signalements au Tribunal administratif du logement (TAL) pour des évictions forcées étant aussi en hausse depuis l’an dernier.

« Notre compilation ne fait état que du nombre de locataires qui ont consulté un comité logement pour faire part d’une situation d’éviction. Il y a plusieurs régions pour lesquelles le manque de ressources nous empêche de recueillir des données suffisantes, mais les intervenants sur le terrain nous indiquent que le phénomène est en pleine explosion partout », illustre l’autre co-porte-parole du groupe, Cédric Dussault.

Outre un registre des loyers, le RCLALQ réclame que Québec « apporte des modifications à la législation pour obliger tous les projets de reprise, d’éviction et de travaux majeurs à obtenir une autorisation du tribunal ». L’organisme demande aussi « l’interdiction des projets de reprise et ceux menant à l’éviction » lorsque le taux d’inoccupation des logements locatifs est sous 3 %.

Au cabinet de la ministre Duranceau, on se dit « conscient qu’il peut parfois y avoir de l’abus de la part de propriétaires qui souhaitent transformer leur immeuble ». « Cependant, le locataire peut contester le bien-fondé d’une éviction auprès du TAL. S’il y a contestation, le propriétaire doit démontrer qu’il entend réellement subdiviser le logement, l’agrandir ou en changer l’affectation en accordance avec la loi », rappelle l’attaché de presse, Philippe Couture.

« Nous invitons la population qui se sent interpellée à utiliser les services du TAL. En ce qui concerne les mécanismes de contrôle de l’augmentation des loyers, c’est le TAL qui en a la responsabilité, car c’est son rôle de maintenir l’équilibre délicat entre les locataires et les propriétaires », ajoute-t-il.

Dans un courriel, le directeur des affaires publiques de la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ), Marc-André Plante, a quant à lui rejeté les conclusions de l’étude du RCLALQ, jugeant que celle-ci ne fait « aucune distinction entre une éviction légale au sens de la loi et la réception d’un appel par un comité de logement dont la mission est la défense des locataires ». « Les conclusions sont davantage du militantisme politique que des observations scientifiques », a-t-il martelé.

En savoir plus
  • 50 %
    « La nouvelle ministre Duranceau doit régler le problème à la source et encadrer réellement les hausses de loyer pour s’assurer que les évictions ne servent plus de prétexte pour relouer le même logement 50 % plus cher. Le temps de l’inaction a assez duré », a réagi mardi le critique solidaire en logement, Andrés Fontecilla.