Les immigrants ont rarement fait autant parler d’eux que durant la campagne électorale provinciale. Mais qui sont ces personnes qui choisissent de s’installer au Québec ? Sont-ils actifs sur le marché du travail ? Parlent-ils français ? La Presse tente de départager le vrai du faux.

Francisation, obligatoire ou non ?

Les immigrants qui choisissent le Québec ne sont pas obligés de suivre des cours de français. « Mais le français est l’un des critères les plus importants dans la sélection du programme économique [immigrants permanents] », souligne Ndiaye Ndeye Dieynaba, directrice de l’Observatoire sur les migrations internationales, les réfugiés, les apatrides et l’asile.

« Un programme de francisation est offert aux immigrants du programme économique, mais aussi aux réfugiés et aux demandeurs d’asile. Le gouvernement du Québec propose des cours de 8 à 12 semaines avec la possibilité d’une aide financière », ajoute la professeure du département des sciences juridiques à l’UQAM.

Les immigrants temporaires (travailleurs ou étudiants) doivent pour leur part connaître le français OU l’anglais pour entrer au pays. François Legault a répété, jeudi, qu’il souhaite obtenir davantage de pouvoirs notamment dans la sélection d’immigrants temporaires afin de freiner le déclin du français au Québec.

50 000

Nombre d’immigrants que François Legault souhaite accueillir annuellement.

Les immigrants parlent-ils français ?

Quand on regarde les statistiques sur les immigrants et le français, il y a à première vue des données préoccupantes. En 2016, 15,1 % de la population immigrante connaissait uniquement l’anglais, contrairement à 2,7 % de la population née au Québec. Au travail, 53,8 % des immigrants disaient utiliser le français plutôt que 84,1 % pour la population née dans la province. Mais attention à ces chiffres, prévient Martin Papillon, directeur du Centre de recherche sur les politiques et le développement social de l’Université de Montréal.

« Ce que le Ministère regarde beaucoup, c’est la langue parlée de la deuxième génération d’immigrants. En d’autres mots, la grande majorité des enfants d’immigrants parlent le français en raison de la loi 101. Ils ont l’obligation de fréquenter l’école en français », explique-t-il. « Les enfants d’immigrants apprennent tous le français, ils sont tous socialisés en français. Il y a bien sûr un transfert vers l’anglais, il ne faut pas le nier, mais ce n’est pas la majorité », ajoute-t-il.

Les immigrants et le marché du travail

L’idée que des immigrants viennent au Québec — ou au Canada – pour se faire vivre par l’État est dépassée, affirme Maxime Lapointe, avocat spécialisé en immigration. « C’est une vieille conception qui vient d’anciens programmes d’immigration économique qui faisaient en sorte que certains immigrants finissaient comme chauffeurs de taxi. Mais les programmes ont changé », assure le spécialiste.

Le professeur Martin Papillon abonde dans le même sens. « Après cinq ans, le taux d’emploi et les revenus des immigrants s’apparentent à ceux de la population née au Québec. Ce n’est pas vrai qu’ils vivent aux crochets de l’État. En fait, puisqu’on les sélectionne, ils sont souvent surqualifiés et ils réussissent à trouver un emploi », ajoute-t-il.

Résidents permanents et citoyens

Les immigrants temporaires n’ont pas le droit à une carte d’assurance maladie, sauf quelques exceptions. Les immigrants permanents, oui. « Le résident permanent a tous les droits d’un citoyen canadien sauf trois : le citoyen a le droit absolu de demeurer au pays alors que le résident permanent peut perdre ce droit », explique Ndiaye Ndeye Dieynaba.

« L’autre différence concerne la langue. Au Québec, si l’un de vos parents est anglophone, vous avez le droit d’aller à l’école en anglais. Les immigrants n’ont pas ce droit. Et en troisième lieu, les résidents permanents n’ont pas le droit de vote. »

S’installer au Québec pour de bon

Temporaires, permanents, réfugiés… pas si simple de démêler tous ces termes. Il existe trois grandes voies pour immigrer au Québec de façon permanente, explique le professeur Martin Papillon.

  1. Les travailleurs qualifiés : « La personne présente une demande à Service Canada à partir de son pays d’origine, mais le Québec a le pouvoir de sélectionner lui-même les travailleurs qualifiés. La sélection est basée sur une grille de pointage selon l’employabilité et la connaissance du français, notamment », dit M. Papillon.
  2. Les réfugiés : les candidats doivent respecter des critères entièrement établis par le fédéral.
  3. La réunification familiale : le programme est géré par le fédéral, mais le Québec impose des critères aux parrains. Ceux-ci doivent démontrer leur capacité à subvenir aux besoins essentiels du membre de la famille qui immigre pour une période allant de 3 à 10 ans.

30 mois

Au total, 24 mois sont nécessaires pour que le Canada traite la demande d’un travailleur qualifié souhaitant s’installer au Québec. Le gouvernement provincial prend six mois supplémentaires pour évaluer le dossier. Le délai peut être plus long si le candidat doit passer une entrevue.

Sources : Immigration et Citoyenneté Canada et ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec

Immigrants temporaires

La plus grande proportion des immigrants arrive au Québec avec un statut de travailleur temporaire ou d’étudiant étranger.

Une fois au Québec, les travailleurs temporaires et les étudiants étrangers peuvent demander une résidence permanente à condition d’avoir travaillé pendant deux ans et d’avoir un niveau de français oral intermédiaire avancé.

De plus en plus d’immigrants temporaires sont acceptés comme résidents permanents. « Les gouvernements partout dans le monde privilégient cette voie pour l’immigration permanente parce que les gens sont déjà ici et ils ont une connaissance de la société. C’est dans l’idée que le processus d’intégration est déjà commencé », affirme M. Papillon.

« C’est faux de penser que chaque année, 50 000 personnes débarquent d’un avion pour s’installer au Québec. Dans beaucoup de cas, ce sont des gens qui sont déjà ici avec un permis de travail délivré par le fédéral qui deviennent résidents permanents », ajoute l’avocat Maxime Lapointe.

263 000

Estimation du nombre de résidents non permanents au Québec en date du 1er janvier 2020.

Source : ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration du Québec