(Drummondville) Haute comme trois pommes et pesant à peine trois kilos, la chienne Rosy, certifiée comme chien d’assistance, est au cœur d’un litige opposant sa propriétaire Lynn Blondeau et le HLM où elle habite. La dame risque de perdre son logement au début du mois de mars.

Le problème : les chiens ne sont pas admis dans la tour d’habitations à loyer modique pour aînés où vit Lynn Blondeau, à Drummondville. Un interdit que la dame connaissait lorsqu’elle a signé son bail en 2018 et qu’elle a ignoré en emménageant malgré tout avec Rosy, bichon maltais de 13 ans surnommé « bébé Rose ».

Pour la dame de 62 ans, Rosy est beaucoup plus qu’un animal de compagnie. La chienne lui permet de gérer un stress post-traumatique lié à des agressions sexuelles subies pendant son enfance et son adolescence, affirme-t-elle. « ​​Vous, quand vous vous couchez le soir, vous dormez sur vos deux oreilles. Moi, j’ai un film qui passe dans ma tête, confie-t-elle. J’ai besoin de me coller sur bébé Rose pour réussir à m’endormir. »

Après trois ans à tenter de convaincre son propriétaire, sans succès, Lynn Blondeau devra déménager dans un autre logement subventionné qui ne lui convient pas, le 2 mars.

Des chiens thérapeutiques

Depuis plusieurs années, les animaux d’assistance sont reconnus au Canada comme moyen, pour des personnes atteintes d’un trouble médical, de répondre à leurs besoins quotidiens, selon Cliquezjustice.ca, site pancanadien d’information juridique.

Consultez la page de Cliquezjustice.ca à ce sujet

Il existe deux types d’animaux d’assistance. D’abord, ceux dits « de service ». Ils sont dressés pour accomplir des tâches précises, comme les chiens-guides de la Fondation Mira qui accompagnent les personnes aveugles.

Il y a aussi des animaux de « soutien affectif », qui ont un rôle beaucoup plus large. Ils sont aussi reconnus. « La personne qui a un handicap a le droit de choisir le moyen pour pallier son handicap », explique Meissoon Azzaria, coordonnatrice aux communications de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ).

Accrédités ou pas accrédités ?

À la CDPDJ, les chiens-guides ou d’assistance « de service » ayant suivi un entraînement ont fait l’objet de décisions favorables. Par contre, aucune jurisprudence n’existe, à ce jour, concernant les animaux de « soutien affectif », précise Meissoon Azzaria.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

L’immeuble où réside Lynn Blondeau à Drummondville

Devant le Tribunal administratif du logement, « quand des locataires ont pu prouver qu’ils avaient des conditions particulières de santé physique ou mentale, et qu’ils ont une prescription médicale attestant du bienfait d’un animal, les juges ont toujours pensé que le préjudice serait trop grave [pour eux de se défaire de leur animal] », détaille Robert Pilon, coordonnateur de la Fédération des locataires d’habitations à loyer modique du Québec.

Dans la dernière année, Lynn Blondeau a fait des démarches pour que Rosy soit reconnue comme chien d’assistance. En mai 2021, elle a obtenu une ordonnance médicale de son médecin de famille indiquant qu’elle devait « garder son chien pour des raisons médicales », comme la gestion de son anxiété et sa sécurité.

Lynn Blondeau a aussi suivi la formation de l’entreprise Chiens ASE (pour Assistance Support Émotionnel), établie à Granby. Rosy a reçu son accréditation de Chien ASE le 20 mai 2021, valide pour quatre ans.

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Un « subterfuge »

Ces démarches n’ont pas convaincu le directeur de l’Office d’habitation Drummond, David Bélanger. Son équipe et lui estiment qu’il s’agit d’un « subterfuge » de la part de Mme Blondeau pour garder son chien sans avoir à déménager. « Il apparaît pour nous que la démarche qui a été effectuée n’est pas très crédible, soutient-il. On fait reconnaître un chien qui est âgé d’une dizaine d’années […]. Pour nous, c’est une échappatoire de se soustraire à l’obligation d’avoir un chien dûment certifié. »

Au Québec, comme dans d’autres provinces, il n’y a pas de critères de certification officielle pour les animaux d’assistance, contredit Meissoon Azzaria. La position de l’Office d’habitation Drummond fait aussi bondir Chantal Krüger, directrice de Chiens ASE.

On a beaucoup de difficultés avec ce propriétaire [en particulier], parce que dans d’autres HLM, un peu partout en région, dans des condos, à la DPJ, dans des associations, nos chiens sont acceptés !

Chantal Krüger, directrice de Chiens ASE

Chiens ASE est une entreprise privée plutôt qu’un organisme à but non lucratif, fait valoir l’Office d’habitation Drummond. Le billet médical « sommaire » fourni par Mme Blondeau ne remplit pas les critères de l’Office d’habitation, soutient aussi David Bélanger.

Lynn Blondeau a aussi signé, deux fois plutôt qu’une, des ententes juridiques disant qu’elle acceptait de déménager dans un autre logement de l’Office d’habitation Drummond où les chiens sont admis. Elle a même négocié une indemnité de 3500 $ pour partir en mars. Elle a depuis changé d’avis, estimant qu’elle a le droit de rester dans son logement avec Rosy.

Les deux parties ont deux versions très différentes des faits. Le litige pourrait bien se terminer devant les tribunaux.

« Je trouve ça déplorable, souligne David Bélanger. Ce n’est pas dans notre philosophie, mais malheureusement, on n’a pas eu le choix de se rendre là [avec Mme Blondeau]. »