Mardi 18 mai 2021, 17 h. Le point de presse tant attendu.

Les trois amigos ont la mine réjouie. Ils vont annoncer les assouplissements des mesures sanitaires. On va enfin savoir, 14 mois plus tard, quand ça va bien aller.

Le grand maestro, François Legault, amorce son concerto. À partir du lundi 31 mai, la majorité des régions du Québec seront en zone orange. Orange ? C’est quoi déjà, orange ? Il nous le dit. Les élèves de 3e, 4e et 5e secondaire retourneront à l’école, à temps plein, et les restaurants vont ouvrir. Yeah ! On réserve au resto, le 31 ! À partir du 14 juin, la majorité des régions deviendront jaunes. Jaune ? C’est quoi, jaune ? Les personnes de deux endroits différents pourront se voir dans la même maison. OK, on reçoit à souper, le 14 !

Les sports d’équipe extérieurs seront permis. Et les bars seront ouverts. OK, on va dans un bar, après le souper. D’ici le 28 juin, la majorité des régions passeront au vert. Vert ! Youpi ! Ça veut dire que tout est permis. On fonce ! Non, ce n’est pas ça.

Vert, ça veut dire que 10 personnes de 3 résidences différentes peuvent venir chez nous. Le PM s’emballe. On va pouvoir faire des ti-partys ! Il poursuit : « Ça me fait plaisir à moi, je vous le garantis ! » PM, c’est pour Party Man !

OK, c’est ça, le plan. Du rouge à l’orange, au jaune, au vert, en 27 jours. Les arbres font l’inverse en six mois. Ça va prendre des Post-it colorés pour s’y retrouver. Oh, ce n’est pas fini ! Le premier ministre ajoute : à compter du 28 mai, le couvre-feu sera levé, les terrasses des restaurants pourront ouvrir, les rassemblements de huit personnes seront permis dans notre cour arrière, les déplacements d’une région à l’autre seront autorisés, et les salles pourront accueillir 250 personnes par section, jusqu’à un maximum de 2500 personnes.

Attends, un peu, le 28 mai, on est toujours en rouge ? Oui, mais on risque surtout d’être en zone bleu-blanc-rouge. La dernière mesure, c’est pour pouvoir aller encourager le Canadien en séries. OK pour ça, mais les restaurants, eux, je croyais qu’ils ouvraient le 31 ? Oui, mais leurs terrasses, trois jours avant. Ah ben, on réserve pour le 28, d’abord. Et les terrasses des bars pourront ouvrir le 11 juin. Je croyais que les bars ouvraient le 14 ? Oui, mais leurs terrasses, trois jours avant. OK, on réserve pour le 11.

Ce n’est pas tout, à partir du 25 juin, les gens ayant reçu leurs deux doses de vaccin pourront se visiter. Sans masque, sans distanciation physique. Ti-party mais gros contacts ! Et fin août, finis les masques dans les lieux publics. De plus, les cégépiens et les étudiants pourront suivre leurs cours en présentiel. C’est tout ? En gros, oui. Il y a d’autres trucs, mais ça deviendrait mêlant. Plus mêlant.

Donc, aujourd’hui, qu’est-ce qui change ? Rien. Alors, ça change quand ? On change de couleur le 31 mai. Donc, ça change à partir du 31 mai ? Pas vraiment. Ça change avant, dès le 28 mai. Veux-tu que je recommence ? Surtout pas. Ça fait un an qu’on demande au gouvernement de ne pas nous donner seulement des bribes d’informations, de nous donner le plan au complet, et quand il le fait, on est perdu. On ne s’y retrouve plus. C’est trop à gérer.

Normalement, on devrait être content. On devrait sauter de joie. Enfin, le déconfinement ! Sauf que c’est tellement échelonné qu’on ne sait plus à partir de quelle date on a le droit de sauter.

Les Québécois ont toujours eu de la difficulté avec l’étapisme. L’échec de l’indépendance en est la preuve. Avec nous, c’est tout ou rien. Après le point de presse, des badauds ont envahi la plage d’Oka, comme si on était en 1969. Ils n’avaient rien compris. La pandémie n’est pas finie. C’est juste qu’on la contrôle mieux. C’est juste qu’on peut souffler un peu. Sous notre masque.

Il faut se le répéter, ce week-end, rien n’a changé. Ce sont les mêmes mesures que le week-end dernier. Mais dans notre tête, tout a changé. On est comme des enfants, la dernière semaine des classes. On sait que les vacances débutent le 21 juin, mais le 14 juin, on n’est déjà plus là. On ne tient plus en place.

Du plan de déconfinement, tout ce que l’on retient, c’est le mot « déconfinement ». De la charte des couleurs, la seule qui nous intéresse, c’est le bleu. Quand le ciel est bleu, on fait ce que l’on veut. Espérons que la fin mai sera un peu grise pour calmer nos ardeurs, sinon on risque d’agir comme si on était tous doublement vaccinés.

La clef est là. Si on est en train de planifier le retour des beaux jours, c’est grâce à la vaccination. À nos doses de liberté. Plus la population sera vaccinée, plus on pourra s’envoler. Dépêchez-vous d’y aller. Jamais une opération gouvernementale ne fut aussi bien organisée. Ne serait-ce que pour vivre l’expérience d’une fonction publique efficace, ça vaut la peine de se faire piquer.

En terminant, dans ce grand plan de déconfinement, qui tente de tout prévoir, pas un mot sur les défilés. Il faudrait peut-être commencer à y penser. On ne sait jamais, tout d’un coup qu’en juillet. Quoi ? Peu importe la couleur de sa zone, c’est toujours permis de rêver. Une victoire du Canadien, ça ferait un maudit beau petit party !